Eglises d'Asie

L’exécution de Leo Echegaray divise profondément la conscience des Philippins

Publié le 18/03/2010




La première exécution d’un condamné à mort aux Philippines depuis 23 ans a fortement secoué la conscience des philippins qui se découvrent divisés sur le sujet entre les pour et les contre. La peine de mort, abolie en 1987, fut rétablie sept ans plus tard. La dernière exécution par électrocution avait eu lieu en 1976.

L’exécution de Leo Echegaray, reconnu coupable d’avoir abusé de sa fille, était originellement prévue pour le 4 janvier dernier mais restait suspendue à une possible révision par le Congrès de la loi sur la peine de mort. “Les réactions du public à l’annonce du sursis à exécution de Leo Echegaray, les demandes de mise à mort de la part d’une majorité de l’opinion remettent en question notre catéchèsereconnaît un spécialiste de l’enseignement religieux, le P. Salvatore Putzu, secrétaire de la Commission épiscopale de la catéchèse et de l’éducation. Il a confié à des journalistes que la situation montre combien parmi nous ne sont catholiques que de nom et ne connaissent pas la doctrine catholique spécialement en matière de morale. Responsables de l’Eglise, nous sommes en partie à blâmer pour n’avoir pas su parler des questions vitales comme celle de savoir si c’est chrétien ou non de punir un crime en s’emparant de la vie du criminel“.

Echegaray avait échappé à la mort par injection le 4 janvier dernier, quand la Cour suprême avait accordé un délai juste quelques heures avant l’exécution de la sentence. Le commandement de la Cour restait valable jusqu’au 15 juin, pour donner au Congrès le temps de réviser la loi sur la peine de mort. La Cour, dit-on, aurait reçu alors de nombreuses menaces par téléphone.

En dépit des prises de position contre la peine de mort de la majorité des évêques philippins, Mgr Camillo Gregorio, évêque de Bacolod (île de Panay) devait déclarer à la télévision que Echegaray devait souffrir, et affronter sa peineLe P. dominicain, Erasmo Ramirez, de Manille est, lui aussi, venu à la télévision et a cité une position attribuée par lui à St Thomas d’Aquin enseignant qu’une personne dangereuse et contagieusepour la société à cause de ses péchés devrait en être retranchée. La Fondation des Compagnons de la Prière de El Shaddai, une organisation charismatique catholique de plus de 4 millions de laïcs, produisait un document, le 5 janvier, qualifiant l’ordre à surseoir de la Cour de déni de justiceLe même document exprimait sa déception devant la joie des adversaires de la peine de mort à l’annonce de cette décision. Mariano Velarde, fondateur Shaddai et conseiller spirituel du président Joseph Estrada, a annoncé Shaddai organisait un grand rassemblement de prière le 9 janvier, dédié particulièrement à la victime d’Echegaray, que les partisans de la lutte anti-crime disent avoir été oubliée.

Le P. Putzu explique: Les religieuses et les prêtres qui ont prié à la prison sont été perçus comme des gens qui approuvaient tacitement le crime alors que leur mouvement était davantage orienté en faveur de la vie plutôt qu’en faveur de la lutte contre le crime“. Les différentes positions de l’Eglise au sujet de la peine de mort au cours des siècles ajoutent encore à la confusion. Le P. Putzu note : Dans le passé, l’Eglise approuvait la peine de mort et actuellement encore, une différence d’opinion perdure parmi les théologiensMgr Theodoro Bacani, évêque auxiliaire de Manille, qui a présidé la messe d’action de grâce dans la prison après l’annonce de l’ordre de surseoir, reconnaît que l’Eglise ne s’est pas assez préoccupée de la victime, la belle-fille d’Echegaray, abusée par lui dès son plus jeune âge. La jeune fille, aujourd’hui âgée de quinze ans, a récemment déclaré être la fille biologique du coupable, ce qui n’a pas encore été prouvé légalement. Mgr Bacani écrivait le 7 janvier dans les colonnes d’un journal: Evêques, prêtres, religieuses et laïcs devraient publiquement condamner les crimes perpétrés et devraient exprimer leur soutien à l’égard des victimes même s’ils rejettent l’extrême et inutile sanction de la peine de mort“. Il demandait également à Echegaray d’implorer le pardon de sa victime. Ce peintre en bâtiment de 38 ans a en effet toujours proclamé son innocence.

Le P. Putzu sait bien que le viol est quelque chose de hautement émotionnel, spécialement pour les femmes et les familles, et explique : C’est pourquoi elles optent pour le châtiment radical, croyant que la peine de mort, tout au moins en théorie, dissuadera le crime“. L’expérience souligne, dit le prêtre, combien la catéchèse est cruciale, spécialement quand il y a conflit entre les positions divergentes de l’Eglise et que les catholiques sont abandonnés à leur propre jugement.