Eglises d'Asie

“SI ON LAISSE LA MALADIE SE DEVELOPPER, ELLE POURRAIT SE REVELER DANGEREUSE” Une interview de Ashok Singhal, Président du Conseil mondial de l’hindouisme (VHP)

Publié le 18/03/2010




Pourquoi soudainement s’en prendre aux chrétiens ? Ils constituent à peine 3% de la population. Sont-ils devenus un si grand danger pour l’Inde ?

On doit s’attaquer à une maladie sans délai aussitôt qu’elle est détectée. Si on lui permet de se développer, elle pourrait se révéler dangereuse. Il existe diverses sectes dans le bercail hindou, qui existent depuis des centaines et des milliers d’années : elles ont toujours vécu en parfaite harmonie. Mais l’unique projet des missionnaires chrétiens est d’augmenter le nombre de leurs adeptes. S’ils se préoccupent à ce point des pauvres et des illettrés, pourquoi donc ne vont-ils pas travailler auprès des musulmans pauvres et illettrés ?

Pourquoi maintenant ? Est-ce parce que vous pensez que le gouvernement fédéral mené par le BJP ne fera rien contre vous ?

Il n’est pas correct de dire que la violence qui s’exerce contre les chrétiens est soutenue par le VHP. Cette interprétation fait partie d’un complot mené contre nous par le Parti du Congrès. Quatre religieuses ont été violées à Jhabua (4). Le parti du Congrès nous a attribué ce crime. mais par la suite, les 13 personnes qui ont été arrêtées étaient chrétiennes. Même en ce qui concerne le meurtre de Graham Steward Staines (5), il est maintenant clair que Dara Singh (6) ne travaille pas avec nous.

Alors, qui est responsable des violences et comment ont-elles lieu ?

En fait, les violences sont une réaction des ethnies minoritaires contre l’activité débridée des missionnaires visant à leur conversion, par la force, la fraude ou des compensations matérielles. Chez les Dangs (dans l’Etat du Gujarat, ndlr), les actuelles violences ont commencé après que les chrétiens eurent jeté des pierres contre une manifestation hindoue. Peu avant les troubles, les chrétiens ont insulté des dieux indiens au cours de trois incidents différents sous l’influence des missionnaires, ce qui est inscrit sur le procès-verbal de la police. Il est clair que la provocation provient des missionnaires. Ils ont été frustrés. Cela est prouvé par leur demande de réservation d’emplois pour les dalits chrétiens. Ils essaient ainsi de mettre en place de nouvelles incitations matérielles qui leur permettront de garder leur troupeau autour d’eux.

On dit que vous avez pris Sonia (Sonia Gandhi) comme cible à propos de la question des conversions. Elle ferait partie de l’ordre du jour politique du “Sangh Parivar” ?

Nous avons pris Sonia pour cible, non pour des considérations politiques, mais parce qu’elle mène une campagne anti-hindoue avec l’aide de l’Eglise. Il suffit de comparer les communiqués de presse des dirigeants de l’Eglise et ceux du Parti du Congrès. Ils sont à peu près semblables. De toute évidence, les conversions sont réalisés par les missionnaires grâce à des moyens frauduleux et selon un plan prévu à l’avance. Pour ce qui concerne Sonia et les dirigeants du Parti du Congrès, il ne s’agit pas là de simples mots. En fait, ils sont même contre tout débat à propos de la conversion. Ils jurent par Gandhi, mais ils ne font preuve d’aucune opposition ferme contre les activités missionnaires en vue de la conversion. Leur insatiable convoitise du pouvoir s’exprime au mieux dans cette façon de se servir même du vénéré Gandhi comme d’un instrument politique pour la prise du pouvoir. Ils sont partis pour ruiner le pays.

N’est-il pas surprenant que Gandhi, qui est apparu comme un adversaire idéologique du “Sangh Parivar”, soit maintenant tenu pour référence sur la question des conversions ?

Nos vues se rencontrent avec celles de Gandhi sur bien des points. Il a dit qu’il était fier d’être hindou. En fait, il a dit autrefois à Nehru qu’il était fier d’être hindou et “Sanatani”. Si on laisse tomber les apaisements qu’il a donnés aux musulmans, nos conceptions sont très proches des siennes.

C’est vous qui avez cité Gandhi comme très difficile à assimiler pour un laïque !

Il n’y a rien qui ne puisse être assimilé si on lit ce que Gandhi a écrit au sujet des missionnaires dans plusieurs de ses journaux personnels, dans ses interviews et dans ses articles. Ces opinions sont largement celles que nous soutenons aujourd’hui, y compris à propos de l’utilisation du service des autres comme un moyen de convertir les gens au christianisme. Gandhi les a même exprimées dans un langage exceptionnellement fort à son époque. En fait, il a qualifié la conversion de poison mortel susceptible “d’assécher la fontaine de la terre”. Plus encore, dans des termes sans équivoque, il s’est déclaré partisan de la reconversion à l’hindouisme des convertis au christianisme.

Comment refuser le droit de convertir aux dirigeants des Eglises alors que des sectes hindoues comme l’ISKCON, elles mêmes, convertissent à l’hindouisme des chrétiens à l’étranger ?

Il n’y a rien de plus loin de la vérité que de dire que des sectes hindoues convertissent d’une manière planifiée. Avant tout, il n’existe pas de concept de conversion dans l’hindouisme. Les Occidentaux qui rejoignent le bercail hindou ne sont ni pauvres ni illettrés, comme les minorités ethniques de chez nous. Ils se convertissent volontairement. Par ailleurs, leur nombre est véritablement minime.

Cela signifie-t-il qu’une loi contre la conversion soit justifiée ?

Le problème doit être considéré dans son intégralité. Le gouvernement d’Israël a récemment forcé les missionnaires chrétiens a prendre l’engagement de ne pas convertir de juifs. En Amérique du sud, le pape lui-même s’est opposé à la conversion des catholiques romains par des groupes protestants. L’Eglise orthodoxe ne permet pas les conversions opérées par les catholiques. Même en Chine communiste, les missionnaires chrétiens ne sont pas autorisés à opérer des conversions. Quand des pays comme Israël, le Pakistan, et même la Chine n’autorisent pas les conversions, lorsque même des groupes chrétiens s’y opposent, pourquoi faudrait-il que nous les autorisions ?

Sur quelle base précise demandez vous que la législation fédérale interdise les conversions ?

Nous demandons une interdiction définitive des conversions à travers des dispositions législatives qui interdisent aussi la réception de fonds étrangers par les missionnaires. La commission Niyogi de 1956, mise en place par un gouvernement du parti du Congrès dans le Madhya Pradesh, a montré que les missionnaires utilisaient des incitations matérielles, la fraude et la force pour convertir les pauvres. Le service social n’est qu’un camouflage destiné à couvrir les activités de conversion auprès des minorités ethniques. La commission a recommandé des amendements à la Constitution interdisant les conversions. De plus, elle a cité des exemples d’abus de langage des missionnaires à propos des dieux hindous, particulièrement le Seigneur Rama ou le Seigneur Khrishna, ou encore des figures respectées de la mythologie hindoue. Alors que les missionnaires se défendent au nom de la laïcité, comment justifient-ils le langage employé par eux à propos des dieux hindous ? Mais ce n’est pas seulement les dieux hindous qui étaient la cible des attaques des missionnaires. Selon la commission Niyogi, les documents officiels des missionnaires ont parlé du prophète Mohammed dans un langage particulièrement inconvenant. Personne d’ailleurs ne peut remettre en cause les conclusion de cette commission, puisque l’un de ses membres était chrétien.

Mais en 1956, il existait un petit nombre de fanatiques indésirables à l’oeuvre dans chaque communauté. Il n’y a aucune preuve de leur action aujourd’hui

Vous êtes largement “à côté de la plaque”. L’intensité de leurs attaques n’a fait que grandir, alors que le nombre total de missionnaires et de religieuses s’est élevé à près de 20 000 alors qu’il était de quelques centaines en 1947. Nous avons des copies de documents émanant de groupes missionnaires qui montrent qu’ils se sont consacrés à l’évangélisation planifiée de tout le pays, en élevant une église dans chaque village. Un groupe missionnaire dans le sud de l’Inde possède un service spécialement chargé d’édifier des églises. Dans un autre document récent obtenu par nous, il est parlé du succès remporté par les essais de conversion au Tamil Nadu et comment cette expérience pourrait être appliquée dans tout le pays. On y trouve aussi l’éloge des plans de conversion de quelques missionnaires étrangers que l’on souhaite voir étendus à toutes les régions de l’Inde. Pire encore, les abus de langage contre les dieux de l’Inde continuent encore. Prenons pour exemple un document d’un groupe missionnaire des Etats-Unis : le document intitulé “Pourquoi l’Inde du nord”, qui cite des membres indiens du groupe missionnaire, décrit la cité sainte de Varanasi, comme le siège de Satan. On y parle d’un plan d’évangélisation de toute l’Inde du nord par l’édification de 82 000 églises pour l’an 2000. Un autre document contient une image représentant le Christ pénétrant dans un temple hindou et un Hindou étendu au-dessous pieds et poings liés. Nous avons la copie d’une douzaine de documents de ce type. Ils montrent que les missionnaires utilisent un langage de guerrier et de conquérant. Vous ne voulez pas voir tout cela, ni comprendre que le processus de “dénationalisation” a déjà commencé.

Comment pouvez-vous appeler cela un processus de dénationalisation ?

Après ce qui s’est passé dans le Nord-Est, en particulier dans le Nagaland et le Mizoram, on ne peut plus avoir de doutes sur ce point. La commission Niyogi avait cité un document missionnaire paru au moment où la lutte pour l’indépendance de Goa hors de la domination portugaise, battait son plein. Le document révélait que les missionnaires étaient farouchement opposés au mouvement de liberté de Goa et prenaient à partie ceux qui y étaient engagés. Les conclusions de la commission mettaient en relief que les missionnaires travaillant dans les ethnies minoritaires du Madhya Pradesh et du Bihar occidental militaient pour l’établissement d’une nation chrétienne à l’époque de l’indépendance. Il suffit aujourd’hui de jeter un coup d’oeil à leurs documents pour y découvrir que leur objectif est la dénationalisation. Leurs propos mêmes le révèlent.

Et l’action missionnaire dans la domaine de l’éducation ?

Cela fait partie d’un mythe qui persiste depuis des années. La visée ultime des institutions éducatives dans les centres ruraux est la conversion, alors, que dans les grands centres urbains, leur objectif est d’éloigner les étudiants de leur culture hindoue, première étape avant de les amener plus loin. Deux documents cités par la commission Niyogi à cet égard sont significatifs. L’un d’eux cite les propos d’un missionnaire affirmant que pas un hindou ne fréquente une école de mission sans que sa foi n’en soit profondément ébranlée, même s’il ne la perd pas entièrement. L’autre document mentionne un missionnaire affirmant que le prochain grand mouvement de masse aura lieu au sein des classes cultivées, résultat de la formation donnée par les collèges et les écoles chrétiennes. Ces documents sont d’actualité : ce qu’ils disent est en train de devenir réalité. Quelques-uns de nos frères qui sont le produit du dispositif missionnaire mènent une campagne contre nous en leur nom en dépit du bien-fondé de nos dénonciations concernant les projets missionnaires. Par ailleurs, les missionnaires ont tiré avantage des échecs des gouvernements successifs durant les cinq décennies écoulées pour fournir le minimum nécessaire aux défavorisés, y compris l’éducation.

Pourquoi vous préoccupez vous tout d’un coup de l’égalité sociale et économique des hindous alors que vous y voyez un danger lorsque l’initiative vient des missionnaires. Pourquoi ne pas vous en être soucié auparavant ?

Nous n’en parlons pas pour la première fois. Nous avons souhaité la fin de l’inégalité sociale, y compris pour les intouchables, lors du second “Dharam sansad” en 1986. Nous avons parlé de l’accélérer car nous avons constaté le lamentable échec des gouvernements de ces cinquante années dans la distribution des fruits du développement aux plus défavorisés. Toutes ces années, les gouvernements du Parti du Congrès se sont uniquement occupé de piller la population.

Pourquoi ne pas vous en être soucié auparavant ?

Le Sangh Parivar est déjà en très bon chemin. Cependant, à la différence des autres associations, ne croyant pas beaucoup à la publicité, il n’est pas très connu pour le travail social vrai et désintéressé que lui et les divers organismes qui le composent ont accompli dans le pays jusqu’ici. Le Parivar dispose dans le pays de 26 000 travailleurs sociaux et 14 000 écoles, la plupart au service des pauvres et des défavorisés. La seule chose nouvelle aujourd’hui, c’est que nous avons décidé d’engager a fond le “Sant Samaj” au service du travail de développement.

Ne pensez-vous pas que l’appel du “Dharam sansad” à la lutte contre la conversion peut conduire à une explosion de violence contre les chrétiens ?

Notre appel est pacifique. Nos adeptes ont décidé de lutter contre les missionnaires en participant au relèvement des hindous défavorisés à travers la réalisation de programmes religieux et sociaux. Il n’est pas question d’inciter à la violence. Nous ne sommes pas responsables des réactions des ethnies minoritaires contre les activités provocatrices des missionnaires.

Le retard pris par la construction du temple d’Ayodhya inquiète-t-il le VHP ?

Non. Comment pourrait-il être inquiet ? C’est pour nous un article de foi. Mais le travail de sculpture des pierres demandera encore deux années pour être achevé. La construction n’est pas possible avant cela.

Les relations entre le VHP et le gouvernement de Vajpayee constituent un “paquet de contradictions”. Le VHP continue d’embarrasser le gouvernement tout en l’appelant le premier gouvernement pro-hindou de l’Inde.

Le VHP ne peut dévier de sa ligne originale pour des considérations politiques. Pourtant, il ne peut détourner son regard de la réalité et ne pas constater que le gouvernement de Vajpayee fonctionne grâce aux béquilles que lui apportent les autres partis. Manifestement il ne peut appliquer son programme hindou tant qu’il aura dans les jambes les deux vielles filles (il s’agit des deux députés, Jayalalitha et Mamata Banerjee, ndlr (7)).

Pourquoi êtes-vous allergique aux médias anglophones ?

Parce qu’ils sont orientés et malhonnêtes, qu’ils font campagne contre nous pour les missionnaires. Leur culte pour les “peaux blanches” montre qu’ils continuent a être encore les victimes d’un esclavage psychologique, après cinquante ans d’indépendance. Cependant, je dois les remercier. Leur tentative de se servir de la question des conversions contre nous a finalement été un bienfait pour nous. Le pays ne percevait pas le danger des missionnaires jusqu’à ce que les médias anglophones s’en emparent et le mettent ainsi, involontairement, en valeur. Maintenant, on ne nous empêchera pas de sortir des cadavres hors des placards des missionnaires.