Eglises d'Asie

Dans les interminables troubles d’Amboine, les catholiques jouent le rôle de médiateurs

Publié le 18/03/2010




Alors qu’il assistait à une réunion catéchétique nationale, le 23 février dernier, à Cipanas, à quelque 90 km au sud de Jakarta, l’évêque d’Amboine, Mgr Petrus Canisius Mandagi, a donné aux participants des nouvelles des catholiques de son diocèse, où les troubles entre les diverses communautés ethniques et religieuses ont commencé le 19 janvier dernier et semblent ne pas vouloir s’achever. Selon l’évêque, les catholiques de la province des Moluques tiennent aujourd’hui une position de médiateurs. Les heurts ont surtout opposé les musulmans et les protestants, les catholiques essayant de rester neutres dans ce conflit. Ces derniers ont même refusé de porter sur la tête le bandeau rouge que les protestants ont adopté pour se différencier des musulmans qui arborent un bandeau noir. Musulmans comme protestants, selon l’évêque, font confiance aux catholiques qui ont la possibilité de contacter les deux camps adverses pour les convaincre de mettre un terme aux affrontements sanglants lorsque ceux-ci ont lieu. Plus que cela, la police, elle-même, a quelquefois recours à l’intervention de l’évêque et de militants catholiques avant de décider d’ordonner des tirs d’avertissement destinés à disperser les foules. L’évêque a même ajouté que, en cas de danger pour leur vie, les musulmans venaient volontiers se réfugier dans les églises ou dans les établissements catholiques. De même, s’il étaient blessés, ils allaient sans crainte se faire soigner dans des hôpitaux ou cliniques catholiques. Au cours de cette réunion qu’il a dû quitter précipitamment, rappelé dans son diocèse pour y jouer le rôle de médiateur, l’évêque avait aussi affirmé que jusque là aucune église catholique n’avait été attaquée.

Aux alentours du 4 mars, on a pu penser un moment que la situation à Amboine était en train de revenir à la normale lorsque, sur ordre du haut commandement, 3 000 militaires eurent été déployés dans la ville. Pour la première fois, depuis neuf jours, des véhicules de transport en commun circulaient dans les rues, et celles-ci étaient à nouvau parcourues par des habitants à la recherche d’alimentation.

Malheureusement, cette accalmie n’a pas duré. Dès le 5 mars, les heurts entre colons musulmans et autochtones chrétiens ont repris, avec leur cortège de morts et de blessés. Selon les agences de presse, le 5 mars, une église d’Amboine a été brûlée, déclenchant de nouveaux troubles. La nuit suivante, à deux heures du matin, les occupants de deux voitures, soupçonnés d’être des membres des services de sécurité, ont ouvert le feu sur un groupe de chrétiens qui gardaient une église faisant un mort et 16 blessés. Depuis, les violences se succèdent. Le lundi 8 mars, dans la ville de Paso sur la côte orientale de l’île d’Amboine, des chrétiens ont attaqué et brûlé une camionnette transportant 28 passagers. Après les faits, on comptait deux morts et quatre blessés. Le même jour, à Air Salobar, une banlieue ouest de la ville d’Ambon, de nouveaux heurts entre membres des deux communautés ont provoqué la mort de deux personnes et en ont blessé sept autres.

Plus de 180 personnes ont trouvé la mort depuis le début de la vague de violences qui déferle sur l’île depuis la fin janvier. Elle est la cause d’un exode de grande ampleur chez les colons musulmans qui reviennent vers leurs îles d’origine. Le 5 mars, on estimait à 5 000 le nombre des personnes ayant déjà quitté la région.

Dans le reste du pays en particulier à Jakarta, les musulmans suivent les événement d’Amboine avec une attention soutenue. Le 3 mars, 2 000 musulmans manifestaient dans les rues de Jakarta. Certains scandaient le slogan “Jihad” (Guerre sainte), et accusaient les chrétiens de se livrer à un nettoyage ethnique. Le 7 mars, les manifestations ont repris dans la capitale indonésienne. Environ 10 000 musulmans ont défilé au cri de Il n’y a de Dieu qu’Allah ! Les manifestants ont mis en cause le manque de détermination du gouvernement et de l’armée dans les opérations de rétablissement de l’ordre à Amboine.