Eglises d'Asie

LA DEMOCRATIE SURVIVRA AU DEFI LANCE PAR LA HAINE DU COMMUNAUTARISME

Publié le 18/03/2010




Les atrocités commises contre les chrétiens sont difficilement dissociables du parti hindouiste, le “Bharatiya Janata Party” (BJP, le parti du peuple indien) qui mène aujourd’hui la coalition au pouvoir. La marque de ce parti est son parti-pris anti-minoritaire, un parti-pris dont il faut connaître l’arrière plan.

Durant la lutte pour l’indépendance de l’Inde, deux lignes politiques étaient en concurrence. Tandis que le Parti du Congrès national indien, le plus puissant, continuait une tradition syncrétiste, tenant compte des divers secteurs de la population, le Hindu Mashabba(Grande assemblée hindoue) ainsi que la Ligue musulmanecherchaient, tous les deux, à mobiliser l’opinion publique en s’appuyant uniquement sur une base religieuse. Contrairement à la Ligue musulmane qui obtenait un certain succès en suivant cette voie, le parti ultra-hindou, au contraire, se trouvait rejeté en marge. C’est un de ces dirigeants, Nathuram Godse, qui fut l’assassin du Mahatma Gandhi, dont l’orientation politique était fort différente.

Ceci explique pour une large part l’échec du Bharatiya Jan Sangh(Organisation du peuple indien), précurseur du BJP, à capter l’imagination de l’électorat. En fait, pour obtenir un certain succès, il lui faudra fusionner à l’intérieur du “Janata party”, un conglomérat politique constitué en 1977 pour profiter de l’irritation de la population causée par l’état d’urgence interne proclamée par le gouvernement du parti du Congrès deux années auparavant. Le BJP, créé en 1980, se trouva lui-même dans une impasse après les élections générales de 1984 qui ne lui accordèrent que deux sièges sur les 540 sièges du parlement. C’est alors que ce parti s’engagea dans une campagne, mise en oeuvre pendant plusieurs décennies par une organisation-soeur, le Vishwa Hindu Parishad(Assemblée mondiale des hindous), pour la construction d’un temple somptueux au dieu hindou Ram sur les lieux où se trouvait déjà une mosquée du seizième siècle. Cette initiative rapporta au parti des bénéfices politiques de premier ordre et la représentation du BJP au parlement s’en trouva fort majorée aux élections suivantes.

Mais lorsque les partisans inconditionnés du BJP démolirent la mosquée, il y a six ans, ils privèrent le parti d’un des points de son programme les plus mobilisateurs. A partir de ce moment, il fallut donc chercher sans perdre de temps un nouvel objet de haine, capable de consolider le soutien à la base des hindous. C’est récemment que le BJP eut l’idée de présenter le christianisme comme une menace pour l’hindouisme. On considéra alors comme une provocation immédiate l’excellente prestation de la veuve de l’ancien premier ministre Rajiv Gandhi, Sonia Gandhi, dans le domaine politique. Catholique, née italienne, elle entrait dans l’arène politique au moment où le parti du Congrès était en train de se désintégrer. En fait, une des raisons pour lesquelles le BJP ne put obtenir une majorité claire aux élections de 1998 réside dans le redressement du Parti du Congrès qui se produisit sous la direction de Sonia Gandhi. La parti du Congrès remporta la victoire aux élections de l’Assemblée pour trois Etats et donna distinctement l’impression qu’en cas d’effondrement du gouvernement fédéral dirigé par le BJP, on ne pourrait éviter son retour au pouvoir.

En tournant leur hargne contre la communauté chrétienne, les idéologues du BJP et de l’association-mère, le Rashtriya Swayamsevak Sangh(Le Corps national de volontaires) ont pensé que Sonia Gandhi serait forcée de prendre position, position qu’il serait possible de présenter sous un faux jour et qui montrerait qu’au fond d’elle-même, elle restait une italienne catholique.

C’est dans ce contexte que la campagne déclenchée contre les catholiques et leur prétendu prosélytisme prend tout son sens. Malheureusement pour le BJP, la campagne n’a pas convaincu les masses qui se sont aperçues qu’en dépit de ce que l’on nommait un mouvement de conversion, la population chrétienne en Inde ne dépassait pas les 3%. Au contraire des hindous et des musulmans, les chrétiens ont aujourd’hui un taux de croissance négatif. Les véritables faits sont le suivants : les chrétiens font fonctionner près de 20 000 établissements éducatifs ou de santé sans que personne ne s’en trouve agressé et, jusqu’ici, personne ne s’est plaint de conversion forcée pas plus que de propagande négative. Ce qui forme un contraste tranché avec le meurtre du missionnaire australien et de ses deux enfants, meurtre qui n’a d’autres raisons que les services rendus par la victime.

La futilité de la campagne anti-chrétienne a été soulignée par les échecs subis par le BJP lors des élections qui ont eu lieu le mois dernier au Gujarat, au Madhya Pradesh, à Delhi et au Rajasthan. Il n’est pas sans signification que ce soient les hindous, eux-mêmes, qui prennent la défense des chrétiens, comme un coup d’oeil, même superficiel, sur les principaux journaux de cette époque peut le montrer.

Cependant supposer que la menace est terminée, ce serait sous-estimer les forces potentielles du communautarisme étroit (1). La question posée est de savoir comment les maintenir, le plus possible, en périphérie. L’Inde possède une constitution laïque, un système démocratique vivant et une civilisation qui a montré son aptitude innée à accepter seulement comme bons les facteurs susceptibles de faire face aux forces de la haine et de l’intolérance.