Eglises d'Asie

L’INFLUENCE DES MIGRANTS SUR L’EGLISE JAPONAISE

Publié le 18/03/2010




Souci pastoral

Comme curé pendant cinq ans, je me suis beaucoup préoccupé du sort des migrants présents sur le territoire de la paroisse parce que j’ai toujours été convaincu qu’ils étaient un don de Dieu pour l’Eglise japonaise. Notre Eglise est perdue dans une société sécularisée riche et c’est réellement un combat qu’elle doit mener dans une société fermée et exclusive. Fermeture et exclusivisme sont les caractéristiques de la société japonaise. Nous cherchons comment surmonter cette situation et je crois que les migrants nous donnent une chance qui est à saisir. Accepter les migrants est pour l’Eglise japonaise assoupie un moyen de retrouver sa vitalité. Je crois que cela signifie aussi inculturer le message de l’Evangile au Japon.

Je voudrais ici essayer de montrer combien les migrants sont en situation de jouer un rôle d’inculturation (contextualisation) du christianisme dans le contexte japonais.

Inculturation (contextualisation)

Le christianisme s’est répandu dans le monde entier, mais le modèle que l’Eglise utilisait pour ses activités missionnaires a changé. Louis J. Luzbetak dans “The Church and Cultures – New Perspectives in Missiological Anthropology” (L’Eglise et les cultures – Nouvelles perspectives dans l’anthropologie missionnaire), indique trois types d’orientations: ethnocentrique, accommodative et contextuelle (incarnation-inculturation) (5). Au cours de sa longue histoire, l’Eglise a pris comme modèles pour la mission les orientations ethnocentriques et accommodatives. Le modèle des orientations ethnocentriques possède toutes les caractéristiques de l’Eglise actuelle: paternalisme, triomphalisme et racisme. Le modèle des orientations accomodatives accepte que chaque culture non chrétienne ait des éléments soit “neutres” soit “naturellement bonsen cohérence avec l’Evangile. Le problème avec ce dernier modèle, c’est que ce sont ceux de l’extérieur, les missionnaires venus d’ailleurs qui décident quels sont les éléments “neutres” et “naturellement bons” des cultures non chrétiennes locales et non le peuple lui-même qui vit dedans et a bâti cette culture. Bien des chrétiens et des non-chrétiens japonais disent que le christianisme est une religion venue de l’extérieur. Ce sentiment de malaise est le résultat des modèles missionnaires longtemps utilisés par l’Eglise d’orientations ethnocentriques et accomodatives.

Le troisième modèle de mission est celui de l’orientation contextuelle (incarnation, inculturation). Vatican II et Paul VI ont été au delà des modèles traditionnels. D’après Luzbetak, “La contextualisation englobe tout, mais spécialement les processus d’intégration par lesquels une Eglise locale intègre le message évangélique à l’intelligence de sa culture” et “les premiers agents impliqués dans un évangile qui s’incarne sont la communauté chrétienne locale et l’Esprit Saint” (5).

Dans le modèle d’orientation contextuelle, ce qui est important c’est de voir comment, nous, en tant que communauté locale, reflétons les liens entre l’Evangile et notre culture. Jean Paul II dans “Exhortation apostolique post-synodale aux laïcs chrétiens sur la vocation et la mission des fidèles dans l’Eglise et dans le monde” écrit: “une foi qui ne modifie pas la culture personnelle est une foi mal assumée, mal réfléchie, non vécue dans la fidélitémais aussi “c’est seulement de l’intérieur et à travers la culture que la foi chrétienne devient une partie et une créatrice d’histoire” (6). Ainsi, une importante partie de l’inculturation est une évangélisation de notre culture.

Felix Wilfred dans “Sunset in the East ?” écrit à propos de l’inculturation: “En essayant de donner sa contribution à l’Asie en évolution, le christianisme est obligé de se repenser et de se réinterpréter lui-même à nouveau, lui, ses traditions et ses principes. Ce qui signifie solidarité et identification avec la misère des gens et partage de leur peine” (7). Ainsi un autre point important sera de souligner la souffrance des étrangers qui vivent dans notre culture.

Je crois que les migrants qui souffrent dans notre société exclusive nous donnent une chance d’évangéliser notre culture japonaise. Fermeture et exclusivisme de notre société sont un aspect de notre culture qui a besoin d’être évangélisé et la présence des migrants parmi nous nous oblige à faire face aux limites de cette culture.

La société japonaise a fortement tendance à exclure l’altérité (l’étranger)

Les limites de notre culture japonaise peuvent être expliquée de différentes façons. Comme je crois que c’est un facteur très important et que cela mérite une recherche bien plus minutieuse que celle que je puis apporter, je voudrais présenter ici l’opinion de deux spécialistes, l’un, théologien, l’autre, philosophe.

Esprit botaniste

K. Koyama dans son “Three Mile an Hour God” appelle ces limites “l’esprit botaniste”. Dans un style de vie basé sur l’agriculture, nous nous attendons à ce que la même chose se répète chaque année. Nous croyons que chaque année, le même cycle des saisons se répétera. Si quelque chose se produit d’étrange ou hors saison, nous croyons que c’est mauvais parce qu’il détruit riz et rizières. Tout au long de notre longue histoire, nous avons lutté pour créer des méthodes agricoles adaptées à chaque région – méthodes de culture basées sur la régularité de la nature. Ainsi les gens savent que même si cette année ils souffrent d’une nature irrégulière, l’année prochaine ils peuvent s’attendre à une nature régulière qui répondra de façon positive à leurs attentes, dans la plupart des cas. Il en résulte que, même si un événement étrange ou inattendu arrive, il faut être patient comme à l’ordinaire et attendre la venue du cycle régulier plutôt que de lutter contre ces étranges événements. Au commencement de chaque année, on attend plein d’espoir, on prie les dieux que le cycle régulier l’emporte cette année encore. Une telle culture est une attitude optimiste devant l’histoire.

Devant cet optimisme, Koyama dans “Mount Fuji and Mount Sinai” cite Motoori Norinaga, le grand érudit shintoïste du 18ème siècle : “Le peuple japonais croit en une fin heureuse. Dans l’antique shintoïsme (ko-shinto) existaient deux principes cosmiques: kichi (bonheur, le caractère chinois est l’image d’une bouche pleine de nourriture) et: kyô (malheur, le caractère chinois qui montre une bouche vide de nourriture).Ainsi, il y a les dieux kichi et les dieux kyô. L’ancien shinto affirme l’ultime supériorité des dieux kichi, la bonne récolte sur la famine. Le principe kyô est conçu seulement comme un agent qui introduit au kichi supérieur” (8).

A cause de l’indestructible régularité de la nature, on croit toujours que, même si l’année est irrégulière, (kyô), l’année prochaine, la nature sera régulière, (kichi). Ou plutôt on pense que cette mauvaise période, kyô, est une pré-période, celle d’avant la bonne, kichi, dans la perspective d’un cycle plus long.

Pour les Japonais, le monde, c’est la nature. Dans le monde, toute vie germe, grandit, vieillit et décline. L’important est que ce déclin ne signifie pas la fin. Dans la nature, après le déclin, la vie germe à nouveau. Par conséquent, le concept d’une histoire qui serait linéaire n’existe pas dans notre culture, pas plus que la notion d’altérité qui, subitement, interromprait le cycle naturel de nos vies. Dans cette culture, il n’y a pas de crise ni de limite. Koyama, dans son “Water Buffalo Theologydit que l’espérance n’est pas “conçue comme une promesse perpendiculaire. C’est une chose familière. L’espérance est un membre intime de la famille où l’on vit et qui visite l’homme régulièrement pour une réunion dans le cadre du cycle de la nature”. Il appelle ce penchant à l’optimisme “l’esprit botaniste”.

Dans cette culture, “nous” a peur des étrangers qui pourraient détruire les habitudes familières que “nous” entendons bien garder pour l’éternité. C’est pourquoi “nous” essayons de les écarter, “eux”. “Nous” ne connaît pas “l’autre” : “Nous” ne sait pas ce qu’est “l’autre”.

Sannka

Dans l’histoire du Japon, existèrent plusieurs groupes différents de Japonais. Ceux d’aujourd’hui croient inconsciemment qu’ils sont une nation, d’une seule tradition et d’une seule culture. Cette conviction est à l’origine de cette restriction de l’esprit quant à l’exclusivisme mentionné plus haut. Cette conviction, pourtant, est forte, comme l’a été celle de beaucoup de chercheurs qui se sont consacrés personnellement à découvrir les histoires cachées qui sont une part de l’histoire des îles japonaises.

Sannka est un groupe de gens qui a disparu durant le processus de modernisation du Japon. Norio Akasaka dans son étude “Hyouhaku no Seisin-ki — Yanagida Kunio no Hassei” (9), suit ce groupe tout au long de son histoire telle qu’elle est rapportée dans les écrits de Kunio Yanagida. Ce groupe apparaît être atypique comparé au peuple du Japon moderne. Il ne s’est installé nulle part, jamais. Il vivait en été dans une région fraîche, en hiver là où le climat était chaud. Ils se construisaient des huttes le long des rivières parce que c’était très facile ainsi de se déplacer, ramasser des bambous et vendre leurs paniers pour subsister. Leurs habitations étaient très pauvres et leurs possessions limitées à quelques écuelles et quelques lames tranchantes. Ils avaient leurs traditions et leur propre histoire. Dans l’optique du “nous les Japonaisils ressemblaient à des clochards mais n’étaient pas pour autant un peuple à côté du “nousils étaient non pas, comme on dit, des “marginauxils étaient une partie intégrante de “nous

Il y a quatre-vingt-dix ans, Yanagida expliquait que le processus de modernisation du Japon leur avait fait perdre leurs lieux de vie traditionnels. “Nous” bâtissons “nos” maisons à leur place et les travaux d’aménagement des rivières les ont expulsé de “leurs” terres. Les policiers ont réprimé les protestations qu’ils élevaient contre “nos” activités. Ils ont ainsi émigré vers les villes où ils ont trouvé à s’insérer dans les plus basses classes de la société, là encore en butte à la discrimination.

Comme je l’ai déjà dit, “notre” culture est exclusive. “Nous” vivons dans une société fermée, mais qui sommes-nous, “nous” ? Qu’est-ce qu’une culture exclusive ? Qu’est-ce qu’un esprit botaniste ? Je crois que dans le contexte japonais la notion d’inculturation doit être abordée à partir de ces questions.

Quand je me suis trouvé mêlé aux problèmes posés par les migrants, j’ai eu affaire à des gens qui ne faisaient pas partie de “notre” groupe. L’exemple type qui me l’a fait découvrir, c’est celui d’un mari japonais marié à une femme philippine. Le mari, un jour, est venu me dire, très en colère: “Quand ma femme s’est trouvée enceinte, nous avons été à la consultation de l’hôpital près de chez nous. L’hôpital nous a refoulés parce que ma femme était philippine”. C’est à travers de telles expériences que beaucoup de Japonais, tel que ce mari, commencent à découvrir la nature exclusive de la mentalité japonaise et, en conséquence, commencent à ouvrir leurs esprits à la vérité de “notre” exclusivisme. Nous devrions faire démarrer le processus d’inculturation à partir d’exemples très concrets comme celui-là que généralement “nous” gardons cachés.

Nous nous trouvons des excuses pour nous échapper face à nos limites. Nous avons de nombreuses excuses pour assujettir l’altérité (les étrangers); mais les études d’Akasaka ont découvert la réalité cachée de notre attitude oppressive vis-à-vis de ceux que nous regardons comme autres et les exemples de vie réelle comme ceux partagés par les migrants d’Amérique Latine et des Philippines nous donnent l’occasion de nous confronter nous-mêmes dans la pratique à ce pernicieux état d’esprit du “nous et euxIls nous donnent l’occasion de surmonter nos préjugés. C’est là le processus de l’inculturation en action dans le contexte japonais.

Des raisons théologiques disent pourquoi, dans l’Evangile, l’altérité (les étrangers)

est importante

Le christianisme vu comme une religion qui explique

Je voudrais maintenant présenter un des problèmes de l’Eglise d’aujourd’hui. Dans le “Three Mile an Hour God” de K. Koyama, une citation de E. Schillebeeckx affirmant qu’au cours de sa longue histoire le christianisme est devenu une religion qui explique, dans laquelle les explications théologiques l’emportent sur l’expérience des personnes et non l’inverse. Il en résulte que le christianisme se trouve isolé des pratiques populaires. C’est ce que note personnellement Koyama : “L’avenir du christianisme est en danger, parce que le christianisme est content de lui. Il veut enseigner. Il ne veut pas apprendre. Il est arrogant. Il souffre du “complexe du maître”. Je ne pense pas qu’en Asie le christianisme, dans ces quatre cents dernières années, ait été réellement écouté du peuple. Il ignore le peuple. Ignorer des “choses” n’est pas si mauvais, mais ignorer le peuple est grave” (10).

Ce que Koyama écrit signifie que l’Eglise n’accepte pas les étrangers (l’altérité) qu’elle ne peut expliquer; que l’Eglise a cessé d’apprendre et d’écouter autre chose que ce qu’elle enseigne. Utilisant les mêmes antiques explications, elle essaie de trouver quelque argument convaincant pour expliquer ce qui va advenir, dans un contexte nouveau et différent, dans une nouvelle époque, un autre lieu, une autre race, etc. Le christianisme est devenu ainsi vraiment fermé et exclusif.

Les migrants doivent mettre en question ce qui se passe dans l’Eglise japonaise. Par exemple, les migrants qui viennent à l’Eglise ont toutes sortes de problèmes: divorce, remariage, double mariage, prostitution, homosexualité, etc. Bien qu’ils viennent à l’Eglise et veulent être réconciliés, l’éthique ecclésiale ne peut couvrir tous leurs problèmes. J.B. Metz dit que le christianisme est devenu une religion bourgeoise qui ne se sent à l’aise que dans la classe moyenne (11). L’Eglise continue de répéter les mêmes explications qui ignorent les souffrances des migrants.

Reconnaissance et acceptation de l’altérité (l’étranger) sont très importantes pour vivre selon l’Evangile. Koyama dans son “Three Mile ab Hour God”, cite Schillebeeckx écrivant que le christianisme enseigne un mode de vie : “Le christianisme ne donne pas d’explications à la souffrance mais indique un mode de vie. La souffrance est, de façon destructive, réelle, mais elle n’a pas le dernier mot. La souffrance fait mal et est inhumaine, cependant en elle, il y a plus. A savoir, Dieu lui-même tel qu’il se révèle en Jésus-Christ” (10).

Schillebeeckx, dans son livre intitulé “Christsouligne que la réalité, que j’appelle altérité, est très importante dans l’Evangile. La réalité est un défi lancé à nos vues humaines, étroites, limitées et nous donne une chance de les élargir. La destruction de nos propres vues est vraiment douloureuse. Schillebeeckx appelle cette situation douloureuse la “nuit noiremais souligne que l’Evangile montre que c’est seulement à travers cette souffrance que nous, êtres humains limités, pouvons entrer dans le Royaume de Dieu. A propos du Dieu d’Israël il écrit : “La chose importante n’était pas les projets d’Israël ou ses réflexions sur ce que pouvait signifier le salut, mais la manière surprenante avec laquelle le Dieu d’Israël rectifiait ses projets, les détruisant, les orientant dans une nouvelle direction et finalement leur apportant le salut d’une façon complètement inattendue” (12).

Cette même idée est exprimée dans plusieurs régions différentes. Koyama indique la même chose dans son “Sakareta Kami no Sugata” (13), utilisant une phrase de l’épître aux romains de Paul: “Partagez vos biens avec vos frères chrétiens dans le besoin et ouvrez vos maisons aux étrangers” (Rom 12/13). Koyama souligne le fait que, dans la Bible, l’hospitalité s’étend aux étrangers. Les étrangers sont des gens inconnus qui viennent de régions inconnues et leurs allures étranges nous laissent mal à l’aise. En fait, ils sont si étranges pour nous que nous pouvons les regarder facilement comme nos ennemis. Si nous pouvions surmonter nos impressions, ces étrangers deviendraient nos amis. Jésus a si complètement accepté les étrangers qu’il a été tué sur la croix. Une réflexion de Koyama me fait souvenir d’une parole prononcée par un Bédouin (ils sont célèbres pour leur hospitalité) que j’ai trouvée dans un texte japonais, “Kantai no utopia” par René Sherer. “Les coussins sont préparés sous la tente pour ceux qui viendront nous visiter à l’improviste. Ils sont les envoyés de Dieu” (14).

J.B. Metz (11) souligne qu’un souvenir douloureux est très important pour être sauvé. Par douloureux souvenir il entend le souvenir d’avoir échoué. Par exemple, le souvenir d’Auschwitz si douloureux pour les Allemands. C’est ce que Schillebeeckx appelle “réalité” mais que je préfère, moi, appeler “altérité

Les “Programmes en douze étapes” des Alcooliques Anonymes (AA) opèrent à partir du même principe, le premier échelon étant “Je reconnais que je suis désarmé devant l’alcool – que ma vie est devenue impossibleCette première étape signifie que l’alcoolique doit d’abord admettre sa propre terrible réalité et que cette acceptation le conduira à son rétablissement. Accepter est douloureux mais c’est le seul chemin vers le salut.

Les migrants sont venus au Japon avec leurs traditions et leurs cultures; ils ont des idées différentes et mangent différemment. Même s’ils essaient de s’intégrer à la vie japonaise, il leur est impossible de s’adapter complètement. Les Japonais feraient-ils semblant d’ignorer ce qu’est une désagréable réalité ? Et l’Eglise ? Qui plus est, beaucoup de ces “étrangers” portent en eux de douloureux et différents souvenirs — leurs parents ou grands-parents peuvent avoir été victimes de l’armée japonaise durant la seconde guerre mondiale. Ils ont pu être eux-mêmes victimes de l’invasion économique des Japonais dans leur propre pays. Les Japonais le reconnaissent-ils ? Et l’Eglise ?

Avec l’arrivée des migrants, Dieu vérifie, non seulement la sincérité et l’honnêteté du peuple japonais, mais si oui ou non l’Eglise japonaise conserve les sentiments de Jésus crucifié. Si l’Eglise n’accepte pas les migrants, c’est que nous avons oublié le chemin de la vie tel que nous le montre l’Evangile.

Conclusion : La contextualisation pour les Japonais consiste à accepter l’altérité,

les migrants y compris

Comme je l’ai écrit plus haut, la contextualisation dans la situation du Japon est de donner au peuple japonais différentes occasions d’affronter l’altérité et de l’accepter. L’altérité inclut les migrants. C’est un rôle très important que l’Eglise doit assumer dans la société japonaise parce que beaucoup de migrants, spécialement ceux qui viennent des Philippines ou d’Amérique latine, sont catholiques. Ainsi le concept d’inculturation devient un défi lancé à l’Eglise japonaise d’aujourd’hui; ceci, parce que l’Eglise est justement fermée et exclusive comme l’est la société japonaise. Pour incarner l’Evangile dans la société japonaise et accepter les migrants, nous avons plusieurs problèmes à surmonter.

1. Formation d’animateurs et prise de conscience de la nécessité pour l’Eglise d’accepter la présence des migrants. Les Japonais n’ont qu’une petite expérience des étrangers et, plus encore, presque pas d’expérience de ce que c’est que d’être étranger. C’est pourquoi la plupart hésitent à accepter les migrants et ne peuvent pas imaginer leurs souffrances; ils ne peuvent pas montrer une profonde compassion envers ces étrangers. Les responsables religieux, spécialement les prêtres, les séminaristes et les religieuses ont besoin d’une formation pour surmonter l’étroitesse de leurs vues. C’est pourquoi notre diocèse d’Osaka envoie ses diacres aux Philippines pour un séjour d’un an.

2. L’Eglise devrait inviter à venir au Japon prêtres, religieuses et laïcs missionnaires des pays d’où sont

originaires les migrants parce que ceux-ci ont besoin d’avoir quelqu’un qui parle leur langue maternelle. Selon moi, nous ne pouvons pas remplacer quelqu’un de leur pays.

3. Une formation doit être donnée dans les paroisses avec la contextualisation comme objectif. Ce qui signifie que soient intensifiés les contacts entre ceux qui, dans les paroisses, se sentent concernés et les migrants. Dans la situation actuelle, les paroissiens sont si dépendants de leurs prêtres qu’ils peuvent facilement fuir leurs responsabilités à l’égard des migrants. Je crois qu’ils pensent que les migrants sont un problème qu’il vaut mieux laisser résoudre par le gouvernement et les prêtres. Les paroissiens ont besoin d’une formation qui les aide à élargir leur esprit et à admettre leur propre étroite réalité, cause de leur malaise. Cette acceptation est douloureuse mais voie de salut. Sur ce point beaucoup d’auteurs conviennent que bien des problèmes d’aujourd’hui, comme l’écroulement de certaines familles et les situations critiques du marché du travail, proviennent de ce que nous voulons les uns et les autres échapper à nos propres réalités.

4. Il y a différentes sortes de migrants. J’ai parlé surtout des femmes philippines mariées à des Japonais. C’est parce que la plupart d’entre elles ont décidé de rester au Japon et d’y fonder une famille. Les Vietnamiens sont également l’objet de beaucoup d’exclusion et de mépris. Il faudra beaucoup de temps pour que les Japonais et les migrants parviennent à se connaître. Les autres étrangers qui sont au Japon sont plus de passage tels que les artistes de music-hall ou les migrants illégaux; Ceux-ci sont des gens avec qui il est difficile, pour les Japonais ordinaires, d’entrer en contact et qui demandent, pour être aidés, la collaboration de spécialistes du droit.

L’inculturation est très importante pour l’Eglise japonaise assoupie d’aujourd’hui. L’inculturation ou la contextualisation n’est pas de vouloir adapter l’Evangile à la culture mais plutôt de pratiquer l’Evangile pour mettre en question la culture. Le but étant de briser les limites de nos esprits botanistes et le système social qui les a forgés. L’altérité englobe les migrants.