Eglises d'Asie

Aceh : le président Habibie reconnaît les torts de l’Indonésie mais ne fait pas taire la colère des indépendantistes

Publié le 18/03/2010




Il est probable que le contexte dans lequel le président B.J. Habibie a présenté des excuses publiques à la population de Aceh, au nord de l’île de Sumatra, lors de son voyage du 26 mars dernier dans cette province, a enlevé une partie de sa force de conviction à la reconnaissance officielle des innombrables violations des droits de l’homme commises par les forces indonésiennes à Aceh. En effet, quelques heures à peine avant l’arrivée du président indonésien à Bandar Aceh, capitale provinciale, la police avait réprimé avec violence, une manifestation étudiante qui s’y déroulait, la troisième depuis le 24 mars (4). Les participants demandaient l’organisation d’un référendum sur l’indépendance de la région, protestaient contre les atrocités commises par l’armée lors de la répression du mouvement indépendantiste et contre le pillage par les Philippines des matières premières de la province. L’armée a ouvert le feu et lancé des gaz lacrymogènes sur les manifestants rassemblés surtout devant la grande mosquée de la ville où le président devait prendre la parole. De sources concordantes, on a appris qu’une dizaine d’étudiants avaient été blessés par balles.

C’est dans ce climat de violence, qu’après les prières du vendredi, dans la grande mosquée de la ville, le président a prononcé une déclaration destinée à reconnaître les torts des pouvoirs publics à l’égard de la population de cette province: Au nom du gouvernement et des forces armées indonésiennes, a-t-il dit devant des milliers de musulmans massés devant la mosquée Balthurraman, je demande pardon pour tous les excès qui ont eu lieu“. J’ai ordonné, a-t-il continué, à toutes les forces de sécurité de mettre immédiatement un terme à tout acte de violence et à toute effusion de sangIl a promis que des actions judiciaires seraient entreprises contre les membres des Forces armées, contre les fonctionnaires et contre toute personne ayant violé la loi et les droits de l’homme.

Le président s’est montré fort prudent et n’a ouvert aucune perspective politique nouvelle, même s’il a reconnu que les politiques suivies par les gouvernements précédents n’avaient pas été adéquates à la situation. Il s’est montré désireux d’écouter la population lui parler de ses problèmes, mais lui a soigneusement recommandé de ne pas profiter de l'”esprit de réforme” pour exprimer des aspirations dont le contenu serait négatif et irait contre la déclaration d’indépendance de la nation en 1945. Il s’est déclaré opposé à tout ce qui contribuerait à déchirer l’unité actuelle du pays.

L’effervescence actuelle à Aceh a pour cause une décennie d’opérations militaires menées contre les rebelles de la province, au cours desquelles l’armée a été accusée d’innombrables violations des droits de l’homme et de milliers de meurtres. Les opérations militaires contre les rebelles séparatistes ont été suspendues un moment l’année dernière, mais elles ont repris en décembre de l’année dernière à la suite du meurtre de neuf soldats. Le mouvement “Aceh libre” combat depuis 1970 pour un Etat islamique indépendant. Depuis son arrivée au pouvoir, le président Habibie essaie d’apaiser, sans résultat apparent, les ressentiments de la population et l’ardeur du mouvement indépendantiste. Il a d’abord envoyé huit ministres en visite dans la région pour y améliorer la situation sociale, puis, tout récemment, le 24 mars, il a libéré un certain nombre de militants de l’indépendance de Aceh, en même temps que dix prisonniers politiques détenus depuis les événements de 1955-56.