Eglises d'Asie

Les supérieurs jésuites de l’Asie du Sud apportent leur soutien aux théologiens de la Compagnie, mis en cause par de récentes mises en garde romaines

Publié le 18/03/2010




Quelque vingt supérieurs jésuites de l’Asie du Sud, dont le P. Lisbert D’Souza, président de la Conférence jésuite de l’Asie du Sud, viennent de signer un communiqué dans lequel ils affirment apporter tout leur soutien aux théologiens travaillant à donner à la parole de Dieu toute sa pertinence en Asie, et demandent au Saint-Siège de ne pas considérer avec méfiance les développements théologiques élaborés dans un contexte asiatique. Les responsables jésuites ont publié cette déclaration à l’issue d’une rencontre qui s’est déroulée au mont Abu au nord de l’Inde, du 28 février au 6 mars. Ils y ont exprimé la peine ressentie par eux face au climat de suspicion, pour ne pas dire de méfiance, créé par les récentes décisions de la Congrégation pour la doctrine de la foi.

Au mois de juin de l’année dernière, une notification de cette Congrégation romaine a mis en garde contre quelques-uns des écrits du P. Anthony de Mello (9), décrits comme incompatibles avec la foi et pouvant causer du tort. En novembre, une instruction avait été ouverte à propos du livre Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieuxdu P. Jacques Dupuis, qui a enseigné la théologie en Inde pendant 25 ans (10). Les responsables jésuites pensent que ces interventions sont significatives du regard négatif et même désapprobateur porté sur l’orientation suivie aujourd’hui par la théologie en Asie. Ils soulignent les retombées négatives des récentes mesures en ce qui concerne la vie de l’Eglise, la cause de la Bonne Nouvelle et l’oeuvre d’évangélisation chez ceux qui n’appartiennent pas à la culture occidentale. En fait, les supérieurs jésuites considèrent le soupçon jeté sur leurs confrères comme un mauvais service rendu à l’ensemble de l’Eglise.

Le communiqué procède aussi à une rapide justification des théologiens mis en cause par Rome. Le P. De Mello, décédé en 1987 à l’âge de 56 ans, a été l’un des pionniers de l’adaptation du christianisme à la spiritualité asiatique. D’abondants témoignages et l’expérience personnelle des signataires du document montrent qu’il a aidé des milliers de personnes dans le monde à devenir libres et à approfondir leur vie de prièreQuant au P. Dupuis, il s’est fait remarquer par sa connaissance de la situation interreligieuse en Asie et par sa fidélité à la tradition religieuse de l’Eglise.

Sans exiger que ces deux théologiens échappent à toute critique, le communiqué demande qu’il soit tenu compte du contexte culturel et interreligieux dans lequel eux et bien d’autres travaillent. Les décisions les concernant ont été prises sans dialogue préalable avec les Eglises locales, un dialogue que les responsables de la Compagnie de Jésus auraient souhaité ouvert et constructif. Ceux-ci se réfèrent au concile Vatican II qui a poussé les théologiens à s’engager dans une réflexion théologique et une spiritualité inculturées.

Le 18 mars, commentant ce communiqué, le P. D’Souza a souligné que son principal objectif était de mettre en relief la nécessité de l’inculturation et la prise en compte du pluralisme religieux et culturel de l’Asie. Il a aussi exprimé sa reconnaissance à l’égard des évêques et des Eglises locales pour le soutien apporté aux deux jésuites mis en cause.