Eglises d'Asie

Avec la fin du deuxième millénaire, la prolifération des sectes et cultes millénaristes inquiète les responsables religieux

Publié le 18/03/2010




Eglises et experts des affaires religieuses et culturelles en Corée du Sud, s’alarment devant l’augmentation du nombre des groupes et cultes millénaristes attendant et préparant aujourd’hui une fin du monde qui, selon eux, devrait survenir avant le début du nouveau millénaire.

L’Eglise, dans son enseignement, devrait insister sur la vraie signification du salut et de la rédemption tant auprès des catholiques que de tous les citoyens afin d’éviter que ces cultes millénaristes ne se répandent exagérément dans la société coréennea déclaré à des journalistes, le P. Jean Kim Mong-eun, directeur de l’Académie catholique pour la culture coréenne et spécialiste de ces questions. Il a ajouté : Les cultes millénaristes ne proliféreraient pas outre mesure si les églises chrétiennes traditionnelles assumaient leur responsabilité et jouaient leur rôleTak Ji-won, directeur de l’Institut international de recherche sur les questions religieuses a constaté de son côté que les cultes millénaristes étaient en nette progression depuis la fin de l’année dernière. On en compterait à l’heure actuelle plus de cinquante.

Tak Ji-won s’est aussi inquiété de la possibilité de suicides collectifs au sein de ces groupes. En octobre dernier, sept membres d’une secte millénariste s’immolaient par le feu et mouraient brûlés vifs dans leur camionnette, à Yangyiang, province de Kangwon, proche de la côte est. D’après la police, le pasteur Woo Jong-jin, de l’Eglise Yongsaengyo (Eglise de l’éternelle vie), sa femme, son fils et quatre fidèles s’étaient ainsi eux-mêmes donné la mort selon un rite destiné à leur procurer la vie éternelle au paradis“. Kim Kyong ho, 38 ans, résidant dans la ville de Koyang, au nord-ouest de Séoul, a raconté à des journalistes qu’il avait récemment pu retrouver dans une église au pied d’une colline des environs sa femme âgée de 35 ans, disparue depuis deux mois. Il a vainement essayé de la persuader de revenir à la maison où ses deux enfants de 8 et 10 ans l’attendaient. Elle est restée sourde à mon appel, répétant seulement et indéfiniment que la fin du monde était proche“. Il a fini par renoncer à la ramener chez lui et dans son désarroi il a confié : Je ne suis pas sûr de pouvoir tenir la maison sans elle ; je n’arrive pas à comprendre comment elle en est arrivée à croire dur comme fer à une imminente fin du monde“.

Le professeur Kil Hee-seong de l’université jésuite de Sogang, s’attend lui aussi à ce que la psychose millénariste de fin du monde se répande au sein d’innombrables groupes religieux cette année. Beaucoup, y compris parmi les chrétiens, cèdent à cette obsession sous l’influence des livres consacrés à la question et des prophéties annonçant la faillite des ordinateurs au passage de l’an 2000“. Les gens, dit-il, se sentent déçus et frustrés devant la crise économique. Ils sont prêts à croire les prédictions sur la fin du monde. Jadis, c’étaient les gens peu instruits qui croyaient à l’imminence de la fin du monde. Ce sont maintenant les chômeurs des classes moyennes, sortis des collèges et des lycées qui s’intéressent à l’eschatologie. On trouve de plus en plus de livres sur la fin des tempssur les étagères des libraires. En particulier, les prophéties de Nostradamus, prévoyant la fin du monde pour juillet prochain sont très populaires, et sont arrachées des rayons des librairies. Dans la librairie Ulij à Séoul, ce sont les livres sur les défaillances possibles des ordinateurs qui tiennent lieu de best-sellers. Ces livres se réfèrent à l’impossibilité des anciens ordinateurs à passer à l’an 2000 le 31 décembre 1999. Bien qu’il ne s’agisse que d’un problème mineur, les experts en informatique n’en prévoient pas moins un certain nombre de défaillances et de difficultés dans la vie quotidienne des gens.

Un séminaire organisé fin mars par la “Korean Conference on Religion and Peace” (KCRP) a réuni quelques spécialistes coréens des affaires religieuses sur le thème Que fauril penser du phénomène de ‘frénésie religieuse’ à l’approche de cette fin de siècle Kil Hee-seong, de l’Université catholique de Sogang, déjà cité, a commencé par expliquer que ces cultes millénaristes compensaient l’incapacité des religions établies à satisfaire le besoin d’expériences religieuses intenses de certaines personnes. Les sectes nouvellement apparues essaient de satisfaire ceux qui croient et recherchent dans les religions surtout les miracles et autres expériences mystiques. Les sectes commencent d’une façon inorganisée avec une doctrine sommaire et un guide charismatique. Elles se développent ensuite de façon plus systématisée, rendent leur doctrine attirante et rationnelle et obtiennent une plus large audienceLe Vénérable Oh Ko-san, président de la KCRP et responsable de Chogye, croit que les religions établies sont responsables de l’apparition et de la prolifération des cultes millénaristes, parce que elles-mêmes ont échoué à promouvoir une morale sociale et à enseigner le vrai sens du salutKim Myong-yong, professeur au Collège presbytérien et au Séminaire théologique, explique de son côté que l’eschatologie chrétienne a davantage pour but de pousser les croyants à plus de fidélité et de sincérité dans leur vie présente, que de les aider à préparer la fin du monde. L’eschatologie est l’épine dorsale de la morale chrétienne. Puisque nous serons jugés par Dieu au ‘dernier jour’, il nous faut conduire nos vies dans ce monde, autant que faire se peut, dans la fidélité et de manière utile“. Dans son exposé d’ouverture à ce séminaire, le professeur de psychologie, Lee Hun-ku, de l’université de Yonsei, avait fait remarquer que le culte millénariste attire les personnes intellectuellement moins douées et que les troubles sociaux et le pessimisme ambiant d’aujourd’hui, en ont provoqué la recrudescence. Les fidèles de ces cultes millénaristes en viennent à considérer le suicide comme une glorieuse sortie de ce monde plutôt que comme l’aveu d’une défaite quand leurs prédictions s’avèrent erronées“. Ils essaient de créer leur propre ‘dernier jour’ après avoir attendu qu’il survienne par lui-même, a-t-il conclu. Kim Chong-seo, spécialiste des religions à l’université de Séoul, a souligné que le pessimisme prévalait dans une Corée du Sud économiquement troublée. Ce pessimisme ouvre la voie aux cultes apocalyptiques chrétiensprédisant la fin du monde pour cette année et annonçant que Jésus reviendra sauver ceux qui croient en luiLui aussi note l’influence de Nostradamus, l’astrologue du XVIème siècle qui prévoit la fin du monde pour le mois de juillet prochain.