Eglises d'Asie

PERSISTANCE DE LA CRISE ECONOMIQUE AU VIETNAM

Publié le 18/03/2010




La chute en série des diverses monnaies lors de la crise financière asiatique (en juillet 1997) a inexorablement entraîné celle du dông vietnamien. L’écart entre le taux officiel et celui du marché noir n’a cessé de se creuser, obligeant Hanoi à dévaluer sa monnaie par trois fois. En moins d’un an, elle a perdu 17% de sa valeur: de 11 690 dông pour 1 dollar américain en octobre 1997, elle a atteint 13 903 en août 1998, sur le marché interbancaire des devises. Cependant, le “réajustement” (sic) du dông a été aussitôt qualifié “d’insuffisant” par les banquiers, “aussi bien pour la compétitivité que pour les investissements étrangersLe dollar s’est raréfié et les banques n’ont pas été en mesure de satisfaire les besoins croissants en devises des entreprises, ce qui s’est traduit par la reprise de la hausse du billet vert. Comme le Vietnam n’a pas encore de marché boursier et que sa monnaie n’est pas convertible, le taux du dông est déterminé par la Banque centrale vietnamienne chaque jour. Le dollar s’est acheté à 14 000 d. et vendu à 14 100 d., alors que sur le marché noir, le prix d’achat est de 14 800 d., le prix de vente à 14 950 d. (1), fin septembre-début octobre 1998.

I.- Crise économique et nouvelle étape de réformes

Pour faire face à la crise qui va s’aggravant, Hanoi s’est hâté dès janvier 1998 de prendre une série de réformes d’urgence (2), marquant une nouvelle étape du “renouveau” économique (dôi moi) du Vietnam.

1(/ Relèvement des taux d’intérêt souscrits en dông fixés à 1,2% par mois (contre 1% auparavant) pour des prêts à court terme (moins d’un an).

2(/ Promulgation d’une série de décrets favorables aux investisseurs étrangers et locaux (les “Viêt kiêu” ou Vietnamiens à l’étranger compris). Deux pièces maîtresses de réformes marquent une plus large libéralisation économique du Vietnam.

– En vertu du décret n° 10/1998/ND-CP du 21-1-1998, une série de mesures incitatives en faveur des industries privilégiées sont accordées aux investisseurs étrangers:

Exonération d’impôt sur le revenu des entreprises pendant 4 ans (à partir du moment où elles rapportent des bénéfices) et de 50%, durant les 4 années suivantes.

Exonération de taxes sur les matières premières importées pour les industries d’exportation.

Libéralisation du commerce extérieur: Toutes les composantes économiques sont dorénavant autorisées, voire encouragées, même les établissements d’import-export réservés auparavant au secteur étatique.

– Le décret n° 7/1998/ND-CP du 15-1-1998 favorise les investissements locaux. En voici les 3 points essentiels:

Droit d’usage des terres: L’Etat “confie” ou “loue” les terres aux entreprises viêtnamiennes. Dans le premier cas, celles-ci sont exonérées de frais de location pendant les cinq premières années, et ces frais sont réduits de 50%, durant les cinq années suivantes.

Exonération de taxes en faveur des entreprises d’exportation: Les entreprises spécialisées dans la fabrication des produits exportés sont exemptes de taxes d’importation sur les machines-outils, les biens d’équipement, ainsi que les moyens de transports, les accessoires, les matières premières (cas par cas).

Facilité de crédits: L’Etat accorde, avec une certaine facilité, des crédits à moyen terme (1 à 3 ans) et à long terme (3 à 5 ans) aux entreprises d’exportation, etc…

3(/ Restructuration des entreprises publiques

Le rapport socio-économique du premier ministre, Phan Van Khai, adressé à l’Assemblée nationale (le 21 novembre 1997), se révèle pessimiste dans le domaine industriel, en raison des faiblesses accumulées et “des difficultés imprévisibles” (sic). Des réformes s’imposent d’urgence, pour “remettre de l’ordre et élever la compétitivité des entreprises publiquesLe général Lê Kha Phiêu, nouvellement élu aux fonctions de secrétaire général du Parti communiste vietnamien (PCV), à l’issue du IVe plénum du Comité central (du 27 au 29-12-1997), réaffirme la poursuite du “dôi moi” (renouveau). “Il est impératif“, a-t-il déclaré lors de la séance de clôture de ce plénum, “d’accélérer les réformesPour les mener à bien, “on ne peut compter que sur soi-même, pratiquer l’épargne, mobiliser les ressorces intérieures, et attirer les ressources extérieures pour l’industrialisation et la modernisationToujours selon lui, le développement de l’agriculture et de la campagne dans le sens de l’industrialisation et la modernisation serait “une des grandes politiques à mettre en oeuvre“.

4(/ Création d’un marché boursier à Hô Chi Minh-Ville

Reportée d’année en année, une bourse des valeurs devait, selon le premier ministre, être créée, fin-décembre 1998. Elle permettra de faciliter la mise en oeuvre du programme de privatisation du gouvernement. Les entreprises publiques en déficit constant devraient être supprimées, vendues ou cotées en bourse, la plupart se transformant en entreprises “mixtes”.

Les nouvelles réformes mentionnées ci-dessus vont dans la bonne direction, ouvrant la voie à une plus large libéralisation économique, face à la crise et à la rude concurrence du commerce international.

II.- Le bilan provisoire

Dans le rapport socio-économique du 28-10-1998 présenté par le premier ministre à l’Assemblée nationale, la croissance globale de l’économie vietnamienne a été estimée à 6% du P.I.B. (3 à 4%, selon les Occidentaux), soit une régression d’un tiers par rapport à l’année précédente (8,8%). Cette croissance sera de 5 à 6% pour 1999 (prévision peut-être destinée à la propagande).

En effet, avec la crise financière asiatique sans précédent, aggravée d’ailleurs par les intempéries (typhons et inondations catastrophiques en 1997 ravageant le delta du Mékong, et sécheresses en 1998 frappant plusieurs régions des plaines côtières du Centre-Vietnam), Hanoi aurait été dans l’impossibilité de réaliser de telles performances, alors que les taux de croissance des autres Etats membres de l’Asean ont été négatifs (à l’exception de Singapour: 0,2%): Philippines: -0,4%, Malaisie: -5,1%, Thailande: 7,9%, Indonésie: -14,8%.

1(/ Dans le domaine agricole

En dépit des calamités naturelles, l’agriculture a progressé de 3% (en valeur globale de la production).”Le trait le plus marquant“, a souligné le premier ministre dans le rapport, “est la production vivrière: 31,3 millions de tonnesdont 28,4 millions de t. de paddy (contre 27,5 millions de t. en 1997) (4).”3,8 millions de t. de riz seront exportés en 1998, un record jamais atteint“, a annoncé un haut responsable du ministère de l’Agriculture et du Développement rural. Cependant, malgré des avancées incontestables, les paysans n’ont pas tiré profit de la prospérité agricole. D’innombrables problèmes agraires encore en suspens sont à l’origine du malaise profond qui règne dans la société rurale, freinant voire empêchant l’économie vietnamienne de se développer.

a/ Le crédit agricole : De sources officielles (5), de 60 à 70% des paysans manquent de vivres et de capitaux pour leur exploitation. Bon nombre d’entre eux doivent vendre leur récolte à un prix provisoire, avant la moisson. D’après le professeur Nguyên Lâm Dung (6), on compte actuellement quelque 12 millions de foyers paysans, dont 70% (soit 7 400 000 familles) ont effectivement besoin de crédit agricole. Pour lutter contre les prêts aux taux usuraires (25 à 30% par an, chiffres officiels, 60% d’après nos enquêtes) (7), Hanôi a créé la Banque agricole (Ngân hàng nông nghiêp), en vertu du décret n° 202, en 1990). La Banque mondiale lui a octroyé en 1994 un prêt de 52 millions de dollars (93,4 milliards de dông), pour réaliser la première étape du programme de crédit à moyen et long terme (8). Ce programme a pour objectif d’aider les paysans pauvres (et les agents d’autres secteurs économiques ruraux), en leur procurant des moyens financiers pour leur exploitation (au taux d’intérêt de 1,2% par mois). Cependant, compte-tenu du montant modeste de prêt (2,5% seulement des besoins du Viêtnam en crédit pour la campagne agricole) (9), la Banque agricole n’a pu satisfaire que 0,5 pour mille des foyers paysans. En conséquence, la politique de crédit agricole s’avère jusqu’à présent inefficace. Les prêts aux taux usuraires continuent à sévir à la campagne. L’amélioration du rendement des rizières (par la culture intensive poussée) et l’augmentation de la production (par l’extension de nouvelles surfaces plantées) ne sont pas rentables, en raison de lourdes charges d’exploitation (redevance des terres lourds impôts prix élevé des engrais chimiques prêts aux taux usuraires) augmentant le coût de la production.

b/ L’absence d’une politique d’aide financière efficace aux paysans, en cas de crise agricole et de calamités naturelles: Intégré dans l’économie de marché, le Vietnam doit se soumettre à la loi de la concurrence, à la fluctation des prix de ses produits agricoles sur les marchés (intérieur et extérieur), d’où la nécessité impérative de prendre des mesures adéquates pour y faire face. L’expérience récente est instructive. Au cours de ces dernières années, les paysans du delta du Mékong ont été ruinés, malgré de bonnes récoltes. Le riz en excédent a inondé les marchés locaux, et sa mévente a provoqué l’effondrement de son prix (600 à 700 d/kilo, 1 FF = 2 000 d), bien inférieur au prix plancher fixé par l’Etat à 800 d/kilo de paddy de qualité moyenne (période de 1990 à 1993). Lors de la crise financière asiatique en 1997, le Viêtnam a eu aussi du mal à exporter son riz sur le marché international, face à la concurrence sévère de la Thaïlande. Aucune indemnisation n’a été accordée aux paysans pour les dommages dûs aux calamités naturelles. A la différence de la Thaïlande, le Vietnam manque de moyens financiers pour la modernisation de la technique de séchage ou pour l’achat d’une grosse quantité de riz en excédent après-récolte, et de silos modernes, capables de le conserver dans de bonnes conditions. Ainsi, son riz est de qualité médiocre et peu apprécié sur le marché international. Le prix F.O.B. d’une tonne de riz de la meilleure qualité du Viêtnam (5% de brisures) par exemple oscille autour de 270 à 280 dollars, nettement inférieur à celui de la Thaïlande (300 à 315 dollars/t., en 1998) (10). C’est aussi pour la même raison que le Viêtnam perd, chaque année, d’après les estimations des experts onusiens et viêtnamiens, 15% de la production vivrière (soit 4,5 millions de t. d’équivalent paddy). Ce sont les paysans qui en font les frais.

c/ Lourde taxation agricole et oppression des “potentats” locaux : Toutes les charges d’exploitation confondues sont élevées, autour de 70% de la récolte, voire davantage pour la riziculture (au lieu de 60% fixés par l’Etat)(11). Ecrasés d’impôts, les paysans vivent dans la pauvreté, voire dans la misère. Beaucoup d’entre eux sont criblés de dettes et en proie à toutes sortes d’oppression: brimades, corruption, abus d’autorité, etc… des “potentats” locaux. Ces derniers imposent par exemple de lourdes taxes dites “supplémentaires” et en subtilisent une partie. Détenant le monopole du commerce extérieur, les établissements publics d’import-export, associés aux commerçants du secteur privé (en gros et en détail) par exemple, font pression sur les producteurs, les forçant à leur vendre le riz à bas prix. L’opération commerciale (achat, usinage, acheminement du riz) depuis le lieu de production jusqu’au port pour l’exportation est souvent confiée aux commerçants. Elle leur rapporte ainsi de gros bénéfices aux dépens des paysans. Ceux-ci, exaspérés par les exactions des cadres du PCV, ont fini par se révolter contre le régime à Thai Binh (à 80 km au sud-est de Hanoi) et à Dông Nai (à 30 km au nord de Hô Chi Minh-Ville). L’agitation populaire (avec la participation active des membres du Parti et des officiers retraités, des anciens combattants, des mutilés de guerre, etc..) a duré 4 mois (de juin à septembre 1997)(12). Derrière cette façade de protestation contre la corruption et les abus d’autorité des “potentats” locaux, se cache en réalité un malaise profond, qui va s’aggravant au sein de la société rurale vietnamienne. Celle-ci souhaite la disparition des coopératives et le retour de la propriété privée et du faire-valoir direct des terres. Les paysans du delta du Mékong les avaient revendiqués sans succès, lors de leurs révoltes sanglantes dans les années 1987-1988 (13).

d/ Les revendications paysannes sur le droit de la propriété et le faire-valoir direct des terres: La crise persistante de l’économie rurale et la misère du peuple au Nord-Viêtnam depuis 1954, qui se sont étendues à tout le Viêtnam après avril 1975, sont dues aux réformes erronnées, dont la plus importante est la collectivisation des terres. Celles-ci, accompagnées d’autres mesures de socialisation radicale de l’industrie et du commerce etc… a sévi dans tout le pays. Cette politique volontariste, appliquée au mépris de l’opinion publique, s’est soldée par des échecs, plongeant le peuple dans un profond désarroi. Depuis l’effondrement du bloc communiste (1989-1991), Hanoi admet qu’il a fait fausse route, et s’est hâté de changer d’orientation économique. Pour sauver son régime, il ne peut faire autrement que de se reconvertir à l’économie de marché. Ce “renouveau” lui permet d’éviter le désastre. Au mode d’exploitation collective des terres se substitue désormais le système d’exploitation individuelle, chaque coopérateur est responsable d’une parcelle de terres coopératives, moyennant une redevance annuelle à l’Etat. Or, l’Etat et le Parti ne font qu’un. Compte-tenu du principe “le Parti dirige,l’Etat gère, le peuple est maître“, les terres appartiennent effectivement au PCV, “l’unique force dirigeante de l’Etat et de la société” (selon le terme de la constitution de 1992). Les paysans ne sont que des “fermiers d’Etat” au service du Parti (c’est à dire du Bureau politique). N’étant pas propriétaires, ces agriculteurs ont peu d’intérêt à investir, car les terres qu’ils cultivent ne leur appartiennent pas. Ils risqueraient de tout perdre, si Hanoi revenait sur ses décisions.. L’exemple de la collectivisation forcée des terres (dans les années 1978-1979 et 1983-1985) est encore vivace. Ainsi, le rendement des terres du Viêtnam reste encore faible par rapport aux autres pays riverains (Thaïlande, Indonésie, etc…).

En bref, d’importants problèmes agraires demeurent. Ils nécessitent des réformes d’urgence, si Hanoi veut sortir le pays du marasme économique actuel. Or, les décisions, adoptées par le IVe plénum, sont axées en priorité sur l’industrialisation et la modernisation de la campagne. “Il est impératif, a déclaré le secrétaire général du PCV dans le discours de clôture de ce plénum (29-12-1997), de développer l’industrie agro-alimentaireLes mêmes idées ont été réitérées dans les rapports socio-économiques traditionnels de 1997 et 1998 du premier ministre, mais aucun de ces quatre grands problèmes agraires n’a été mentionné par les dirigeants des plus hautes instances du Parti et de l’Etat. Certes, l’industrie agro-alimentaire est nécessaire (70% des devises proviennent de l’exportation des produits à l’état brut, et 30% des produits finis). Elle contribue à élargir, diversifier les marchés (intérieur et extérieur) et aider les paysans à écouler leurs produits. Ceux-ci, une fois tranformés et élaborés en produits finis, prennent plus de valeur et rapportent aussi plus de devises que ces mêmes produits exportés à l’état brut. De surcroît, l’industrie appelle l’industrie et les activités de service (finances, banques, assurances, transports, commerces, tourisme, etc..), ce qui a pour effet d’augmenter le nombre d’emplois et de résorber le chômage constamment en augmentation.

Cependant, l’industrialisation et la modernisation de la campagne, selon les consignes de Hanoi, demandent du temps et de gros moyens (haute technologie, capitaux, personnel scientifico-technique compétent, etc…). Or, tous ces moyens font défaut. L’appel aux investisseurs étrangers et locaux (les “Viêt kiêu” compris) reste jusqu’à présent inefficace, car ceux-ci s’intéressent peu à l’agriculture. En 10 ans (1988-1998), on compte 282 projets d’investissements étrangers dans ce secteur économique, pour un montant total de 2,253 milliards de dollars (soit 6% du total des projets d’investissements étrangers au Viêtnam)(14), ce qui reste encore faible. Bien plus, ces projets repoussés d’année en année ont eu tendance à diminuer depuis la crise financière asiatique. Les investisseurs étrangers ont préféré rapatrier leurs capitaux plutôt qu’investir au Viêtnam, “un pays à hauts risques” (sic). Les nouvelles réformes agricoles, préconisées par le IVe plénum dans le cadre de l’économie de marché, vont dans le bon sens. Elles sont nécessaires mais insuffisantes, et d’ailleurs non appropriées et non opportunes, face à la crise actuelle, qui exige des solutions rapides et pragmatiques. L’agriculture, base de l’économie vietnamienne, nourrit directement ou indirectement 80% de la population (77 millions d’habitants en 1998). Elle contribue à 28% du PIB en 1997, 27 à 28% en 1998, chiffres fournis par un haut fonctionnaire de Hanoi en mission à Paris). Le monde rural pourrait devenir un grand marché de consommation de produits manufacturés du Vietnam, et constituer une importante ressource de matières premières et de main-d’oeuvre précieuse pour le développement des industries, si les problèmes agraires déjà soulevés trouvaient des solutions adéquates.

2(/ Dans le domaine industriel

De sources officielles, 40% des 12 000 entreprises publiques ont fait faillite. Sur environ 5 780 encore en activité, 3 500 (soit 61%) sont constamment en difficulté (ainsi que 10 000 petites et moyennes entreprises publiques locales, gérées par les autorités régionales).Toutes ont besoin des subventions financières de l’Etat sous différentes formes (report de dettes ou d’impôts consenti par le gouvernement, pendant plusieurs années consécutives); 2 200 autres entreprises, la plupart des industries de sous-traitance pour le compte des firmes étrangères de l’Asean et des autres pays asiatiques de la région (Hongkong, Taiwan, Corée du Sud, Japon, etc..), de la CEE, etc… ont eu une brève période de prospérité relative (1986-1993). Mais, depuis cette date, elles ont été exposées à la crise, qui s’est soudainement aggravée dans les années 1994-1995, en raison de la sévère concurrence des produits étrangers, surtout chinois. Le marché intérieur a été inondé de marchandises asiatiques (dont une partie liée à la contrebande). De surcroît, la Chine a décidé de dévaluer sa monnaie, le yuan, de 30% en 1994. Par le jeu de la concurrence, les firmes étrangères ont fait baisser constamment les prix de sous-traitance.

La crise financière et la forte dévaluation des monnaies asiatiques en 1997 (de 40 à plus de 50% par rapport au dollar américain) ont rendu plus vulnérable encore le secteur d’industries-clés de sous-traitance (textiles, habillement, chaussures, électroniques, etc…) occupant beaucoup de main-d’oeuvre. Les industries textiles par exemple emploient à elles seules 500 000 ouvriers (dont 70% de femmes). Devenues de moins en moins compétitives, ces industries ont été obligées de réduire constamment le prix de sous-traitance sur bon nombre d’articles. De 4 dollars en 1993 par exemple, le coût de confection d’une veste a été ramené à 3 dollars actuellement. Malgré cela, les contrats de sous-traitance n’ont cessé de baisser, ainsi que le prix des matières premières exportées (pétrole, caoutchouc naturel, charbon, etc…).

D’autres industries naissantes en pleine progression dans les années 1990-1995 ont subi le même sort. Ainsi, le tourisme et autres activités de service, qui lui sont étroitement liées (hôtellerie, restauration, agences de voyage, spectacles, dancings, night-clubs, transports, etc…) ont traversé une période difficile. En raison du nombre de touristes entrés au Viêtnam en baisse constante depuis 1996 (15), le taux d’occupation des chambres d’hôtels de standing international a été en chute libre de 80-90% à 34% à Hô Chi Minh-Ville en 1998 (46% pour Saigon-Tourist, la plus grosse entreprise publique de tourisme au Vietnam) (16). Ce taux est descendu jusqu’à 15% à Huê, alors que pour être rentable, il doit passer au dessus de 70%. Face à la crise, tous les hôtels “joint-ventures” ont été obligés, à partir de la mi-septembre 1998, de réduire de 50% le tarif des chambres, pour attirer les touristes étrangers. La compagnie aérienne “Vietnam Airlines” souffre du déficit persistant de son budget depuis plusieurs années. Faute de voyageurs, elle a décidé, depuis la mi-mai 1998, de supprimer plusieurs lignes intérieures, et certaines lignes internationales (comme Hanoi-Manille par exemple), ainsi que de réduire à 50% le nombre de vols hebdomadaires sur les autres lignes (comme Hô Chi Minh-Ville-Séoul, Hanoi-Séoul, Hanoi-Taipei) (17).

Avec la conjoncture économique morose, 2 000 entreprises publiques en déficit constant auraient dû en principe être fermées, fin 1998 (18), conformément à la directive du IVe plénum du Comité central du PCV, 600 000 travailleurs auraient perdu leur emploi, d’après les estimations de l’Etat (40% en dessous de 40 ans, et 60% au delà de cet âge). Tous les secteurs économiques importants ont de graves problèmes, mais selon le rapport “optimiste” du premier ministre (le 28-10-1998), “la production industrielle a réussi à maintenir son taux de croissance élevé“, autour de 11% (au lieu de 13,5% initialement prévus).

3(/ Le commerce extérieur

Malgré la crise, Hanôi a fixé des objectifs plus qu’ambitieux pour 1998. Selon ses prévisions, les exportations devraient atteindre 11 milliards de dollars (contre 8,9 milliards en 1997), et les importations, 13,2 milliards (contre 11,2 milliards en 1997), et le déficit de la balance commerciale, 2,2 milliards c’est-à-dire au même niveau que l’année précédente (2,3 milliards) (19). Toujours selon les sources du ministère du Commerce extérieur, les exportations du Vietnam au cours des 11 premiers mois de 1998 (20) ont rapporté 8,5 milliards de dollars (soit une progression de 2,9% par rapport à la même période de l’année précédente, au lieu de 25-26% prévus), les importations, 10,5 milliards. Le déficit de la balance commerciale a été approximativement de 2 milliards de dollars, chiffres gonflés, semble-t-il. Ils n’expriment pas la réalité actuelle des difficultés de l’économie vietnamienne.

En effet, parmi les produits exportés, 5 sont importants pour équilibrer la balance commerciale:

Le pétrole brut

La production a atteint 9,7 millions de tonnes en 1997 d’une valeur estimée à 1 milliard de dollars, 11 millions de t en 1998 (au lieu de 13 millions de t. prévus) (21). Compte-tenu de la chute de son prix (32,5%), le pétrole brut exporté en 1998 rapporte un gain inférieur à 1 milliard (22). Chaque année, le Viêtnam doit importer 7,5 millions de t. de pétrole raffiné, qui lui coûte autant. 90% de sa production ont été expédiés traditionnellement vers le marché du Japon. Mais depuis la crise asiatique, ce dernier s’est rétréci et n’absorbe plus que 50% du pétrole extrait à l’heure actuelle. En conséquence, Hanôi élargit le débouché du pétrole vers les Etats-Unis et l’Australie, qui, par le jeu de la concurrence, font baisser constamment son prix. Premier produit exporté auparavant, le pétrole a été relégué, depuis 1997, au 2e rang après les textiles et l’habillement (1er rang).

Les textiles et l’habillement

Selon le ministère du Commerce extérieur (23), les exportations de produits textiles et de l’habillement ont fourni 1,1 milliard de dollars, au cours des 11 premiers mois de 1998, soit “une augmentation de 6,9% (par rapport à la même période de l’année précédente), un taux de croissance le plus faible depuis 1992″ (sic). En raison de la crise et de la concurrence, le prix de sous-traitance a baissé de 30%, et le marché de ce secteur industriel n’a cessé de régresser. Faute de débouchés, les entreprises publiques, à Hô Chi Minh-Ville par exemple, ont dû réduire leur capacité de production de 13,8%. Mais la crise persiste, obligeant les autorités locales à suspendre la délivrance de nouvelles licences pour la création d’autres entreprises de sous-traitance. En conséquence, les textiles et l’habillement n’auraient pu réaliser une performance d’exportation de 1,350 milliard de dollars (24) prévus pour 1998 (dépassant légèrement celle de 1997 évaluée à 1,3 milliard) .

Le riz

Malgré la crise et la concurrence (qui ont fait chuter le prix de la tonne de riz de 40-45 dollars dans les années 1997-1998), le riz a battu son record d’exportation: 3,7 millions de t. en 1997 et 3,8 millions prévus pour 1998 d’une valeur de 1 milliard de dollars (3,5 millions de t. exportés pendant les 11 mois rapportant 940 millions de dollars, chiffres officiels) (25).

La chaussure

Un effort important a été entrepris dans l’industrie du cuir. Cependant, en raison de la concurrence des pays de l’Asean et de la forte baisse du prix de sous-traitance (de 30 voire 50% selon la branche industrielle), son chiffre d’affaires d’exportation d’un milliard de dollars prévus pour 1998 (contre 955 millions en 1997) semble ne pas avoir été atteint, étant donné que ce secteur industriel n’a rapporté que 818,8 millions, au cours des 11 premiers mois (26) (chiffre d’ailleurs gonflé, semble-t-il).

La pêche

Les produits exportés de la pêche en 1998 ont été évalués à 500 ou 550 millions de dollars (selon un haut responsable de Hanôi en mission à Paris), dont 402 millions pendant les 11 premiers mois (27), encore bien loin du chiffre d’affaires de 1997 (760 millions).

Autres produits

– Le café (390 000 t. d’une valeur de 594 millions de dollars) (28).

– Le caoutchouc naturel (30 millions de dollars), arachides (61 000 t.), thé (27 000t.), etc…

– Appareils électroniques et produits artisanaux (264 millions de dollars) (29)

– Le charbon: 2,5 millions de t. d’une valeur estimée à 75 millions de dollars (3,5 millions de t. en 1997).

Depuis la crise asiatique, le volume des produits exportés n’a cessé de diminuer. Leur prix a été aussi en régression. Le caoutchouc naturel par exemple a baissé de 37,2% en 1997 (-348 dollars/t). D’après un haut responsable de la Société générale de caoutchouc naturel du Viêtnam (31), le prix du caoutchouc exporté s’est avéré trop bas et en baisse constante (800 dollars/t en 1997, 738 dollars en 1998), bien inférieur au prix de revient. De même, le prix des autres produits chute également: arachides, café (-162 dollars/t), textiles, habillement, chaussures (-15 à -30% voire davantage, selon les articles de sous-traitance), etc… Le manque à gagner pour seulement trois produits exportés en 1998 (pétrole brut, caoutchouc naturel et plantes médicinales par exemple) représente près d’un demi-milliard de dollars. D’ailleurs, Hanoi a déclaré “qu’un chiffre d’affaires d’exportation supérieur à 10 milliards de dollars serait difficile à réaliser” (32). Selon nos calculs, ce chiffre s’élèverait à 5,5 ou 6 milliards de dollars au maximum, pour les 11 premiers mois de 1998 (au lieu de 8,5 milliards, annoncés par le ministère du Commerce extérieur). Toujours selon les mêmes sources, les importations ont été estimées à 10,5 milliards, durant la même période. Il en résulte que le déficit de la balance commerciale aurait plus que doublé: 4 à 4,5 milliards (contre 2 à 2,2 milliards prévus). Les objectifs du plan socio-économique de 1998 étant hors de portée, l’Etat s’est hâté de les “réajuster” (sic), dès septembre 1998 (32):

Taux de croissance Objectifs de 1998 Objectifs de 1998

initialement prévus “réajustés”

– PIB……………………….. 9 6 – 7

– Industrie…………………. 13,5 10 – 11

– Agriculture………………. 4,8 3 – 3,5

– Inflation………………….. 7 <10

Il semble que les objectifs, même révisés à la baisse, n’aient pas été atteints en 1998. Ainsi, pour éviter le lourd déficit du commerce extérieur, Hanoi a dû prendre des mesures draconiennes pour réduire les importations. Selon ses consignes, le déficit a été limité à 19% du total des devises d’exportation (20% initialement prévus) (34), et le taux d’inflation a été “réajusté” en hausse de 7 à moins de 10%. Face à la crise, Hanoi s’est montré plus prudent dans l’élaboration du plan socio-économique

de 1999, en ramenant ces objectifs à un niveau raisonnable:

– PIB…………..: 5 à 6%

– Industrie…….: 10 à 11%

– Agriculture….:3,5 à 4%

– Importations.:11,2à 11,5 milliards de dollars

– Exportations..:9,2 à 10 milliards de dollars

Cependant, ces objectifs seront difficilement réalisables pour plusieurs raisons:

La lenteur des réformes

Les 2 décrets n°7/1998/ND-CP et n°10/1998/ND-CP concernant les avantages fiscaux et autres mesures en faveur des investisseurs étrangers et locaux (forte baisse des frais de location des terres, des bureaux, des logements, libéralisation du commerce extérieur, privativation des entreprises publiques, etc…) sont susceptibles d’ouvrir et d’élargir les débouchés d’emploi et les marchés extérieurs, et par voie de conséquence, de donner un second souffle à l’économie viêtnamienne, mais jusqu’à présent ils restent sans effet:

– En 1998 par exemple, l’Etat n’a accordé aucune création d’entreprises privées d’import-export (locales ou étrangères). Quatre établissements privés, spécialisés dans l’exportation du riz, seraient en principe autorisés à fonctionner (en concurrence avec 33 entreprises d’Etat), à partir de 1999 (35).

– La restructuration, la privatisation et la cotation en bourse des entreprises publiques ont progressé à pas lents, ainsi que le projet de création d’un marché boursier à Hô Chi Minh-Ville. Celui-ci n’a pas encore vu le jour. Jusqu’à fin-décembre 1998, 64 entreprises publiques (en majorité concentrées à Hô Chi Minh-Ville, Hai Phong et Hanoi) ont émis des actions (36). Elles sont peu nombreuses, en comparaison de 5 780 entreprises d’Etat, dont 50% au moins (en graves difficultés) ont besoin de restructuration, de fusion, de cotation en bourse ou de suppression pure et simple (37), etc…

L’incompétence du personnel politique, administratif et technique

Les dirigeants responsables aussi bien dans les instances du Bureau politique, du Comité central et des ministères que dans les instances régionales comme la province, les districts et les arrondissements ont en général un bas niveau d’instruction. Aussi ne sont-ils pas souvent à la hauteur de multiples fonctions: méconnaisances des mécanismes de l’économie de marché, de la gestion, de la technologie. La compétence des cadres scientifico-techniques laisse à désirer. Ils sont “plutôt rouges qu’experts”. Formés dans des écoles marxistes-léninistes aux méthodes de production, de gestion et de commerce socialistes, leurs connaissances scientifiques sont aujourd’hui périmées et ils éprouvent beaucoup de difficultés pour s’adapter à l’économie de marché. “Un cadre sur dix seulement peut être utilisé“, a affirmé Phan Van Khai (alors vice-premier ministre) devant les cadres du Parti (38). Et ce sont ces cadres qui occupent des fonctions-clés du régime. Ils prédominent au sein des plus hautes instances du Parti et de l’Etat (au niveau du “Centre” et des “Régions”) et obéissent aveuglément à leurs supérieurs, pour ne pas perdre pouvoirs, privilèges, faveurs, etc… Ils sont hostiles à tout changement (contraire au marxisme-léninisme), qui risquerait de déstabiliser le régime totalitaire, entraînant leur chute. Tout en adoptant partiellement le système d’économie de marché, Hanôi a refusé de changer la structure des appareils du Parti et de l’Etat, pour comprimer leurs effectifs et réduire leurs dépenses excessives, qui grèvent le budget national. Faute de moyens financiers et du personnel scientifico-technique compétent, il ne peut accélérer les réformes pour sortir le pays de la crise.

Bureaucratie et corruption

Les dirigeants des plus hautes instances du Parti et de l’Etat forment des “clans” bien structurés. Bénéficiant des privilèges matériels et des faveurs du régime, ils placent leurs amis et leurs proches (épouse, enfants, etc..) dans des ministères “intéressants”. Les ministères des Affaires étrangères, du Commerce extérieur, les “joint-ventures“, les établissements d’import-export, etc.. sont particulièrement convoités. Les lois, les décrets, les décisions, etc.. manquent en général de clarté, changent constamment, se superposent et se contredisent. Hanôi prône et encourage par exemple le développement et l’extension des fermes agricoles, des plantations “familiales” (thé, café et autres produits destinés aux exportations). Récemment, il revient sur ses décisions, en imposant les surfaces cultivées limitées à 3 ha dans le Sud, à 2 ha dans le Nord-Viêtnam au maximum, ainsi que la durée d’usage des terres fixées à 20 ans, en vertu d’une nouvelle loi votée par l’Assemblée nationale (session d’octobre 1998) (39). Le riz a été exonéré de taxes d’exportation en janvier 1998. Cette mesure a été abolie en septembre dernier (taxes de 1,5% sur le riz à 25% de brisures, de 2% sur le riz à 5% de brisures), etc… Les décrets et les réglementations (taux de change, rapatriement des bénéfices, du régime douanier et d’assurances, imprécision sur le droit d’usage et du bail des terres, etc..) sont insuffisants et les responsables les interprètent à leur manière. Pour débloquer la situation et obtenir gain de cause, les intéressés doivent leur offrir des “pots de vin”. Les cadres incompétents et la bureaucratie tâtillonne sont aussi à l’origine de la lenteur administrative et de la corruption, “devenue“, selon l’expression employée par l’ancien premier ministre Vo Van Kiêt, “un fléau national“, que l’Etat vietnamien n’a pas réussi jusqu’à présent à combattre et éradiquer.

Le manque de confiance des investisseurs envers le régime

La création des industries de base et d’exportation exige de lourds investissements et de hautes technologies. Pour contourner ces 2 conditions qui lui manquent, Hanoi fait appel alors aux investisseurs étrangers et locaux (les “Viêt kiêu” compris), pour s’allier aux entreprises publiques ou privées, constituant des “joint-ventures” ou bien pour créer des entreprises à capitaux 100% étrangers. Mais ceux-ci depuis deux ans ont subi une chute inquiétante, et selon le ministère du Plan et de l’Investissement, l’ensemble des projets d’investissements étrangers en 1997 a été évalué à 5,5 milliards de dollars (contre 8,6 milliards en 1996), soit une régression de 30%, dont moins d’un tiers a été effectivement utilisé. La situation a encore empiré en 1998, avec un total de 3,5 milliards de dollars (40) de projets d’investissement (soit une baisse de 36% par rapport à l’année précédente). Les investisseurs étrangers considèrent le Viêtnam comme un pays à hauts risques, compte-tenu de la crise financière persistante en Asie. Par ailleurs, Hanoi se montre rigide, en raison de son système politique marxiste-léniniste et se méfie des étrangers, “les capitalistes”. Le conservatisme et le double langage n’inspirent pas confiance aux grands investisseurs asiatiques (Singapour, Hongkong, Taiwan, Corée du Sud, Japon, etc…) et occidentaux (France, Allemagne,etc…). Malgré son adoption de l’économie de marché, l’Etat vietnamien met toujours l’accent sur la consolidation… et le développement du capitalisme d’Etat, les entreprises publiques devant assumer le rôle dirigeant dans l’économie nationale (selon le terme de la constitution de 1992). L’Etat détiendrait la majorité des actions dans les entreprises “mixtes”, celles des étrangers ne devant pas dépasser 30% (41). En conséquence, les entreprises “mixtes” seraient gérées par l’Etat. De toute évidence, les demi-mesures appliquées dans l’industrie comme dans les autres secteurs économiques (agriculture, commerce extérieur, etc…) découragent les investisseurs étrangers et locaux, si bien que l’appel de Hanoi dans la nouvelle étape du “renouveau” du Viêtnam ne semble pas avoir de succès. C’est ainsi que le recteur de l’Institut de l’économie à Hô Chi Minh-Ville a raison de déclarer que “les plus grandes difficultés du processus d’actionnariat actuel ne relèvent pas de la cotation de la valeur des entreprises en bourse, mais de la vente de leurs actions” (42). La plupart des 64 entreprises publiques ont émis des actions, mais elles n’ont pas trouvé suffisamment d’acquéreurs.

Conclusion

La crise financière asiatique a poussé les dirigeants viêtnamiens à accélérer les réformes, ce qui à première vue semble redonner confiance aux investisseurs étrangers et locaux. Mais le conservatisme est à l’origine de la lenteur des réformes. Celles de janvier 1998 sont en réalité des “demi-mesures”, l’essentiel du socialisme étant préservé. Pour faire face aux difficultés grandissantes, aggravées d’ailleurs par la corruption généralisée, Hanôi a tenté jusqu’à présent sans succès de normaliser ses relations commerciales avec les Etats-Unis et d’obtenir le statut de la nation la plus favorisée. Pour compenser la perte de marché de l’Asean et des autres Etats asiatiques de la région due à la crise, le Vietnam se tourne alors vers les débouchés traditionnels des anciens pays socialistes frères (ex-URSS, Europe de l’Est, Chine, etc..), vers les nouveaux marchés du Moyen-Orient, de l’Afrique, de l’Amérique latine, ainsi que vers la CEE et autres pays européens à économie libérale. Cependant, la conquête de ces marchés demande du temps, alors que la crise du Viêtnam exige des solutions d’urgence. Face à la crise et aux agitations populaires, l’Etat vietnamien tend à se durcir. L’expérience de l’ex-URSS et des pays de l’Europe de l’Est a montré que le régime totalitaire fige immanquablement l’économie et la société. Il ne pourra réduire les dépenses excessives occasionnées par l’entretien des 2 appareils colossaux du Parti et de l’Etat, qui occupent, selon la déclaration du ministre des Finances à l’Assemblée nationale (session d’octobre 1996), 6,1 millions de travailleurs sur 75 millions d’habitants (dont 32 millions d’actifs)(43). Toujours selon lui, l’ensemble de leurs salaires (44) représente 40% du budget national. Avec un fort taux de chômage (environ 20% de la population active) et une croissance démographique galopante (autour de 2,1 à 2,2, soit 1,5 million de bouches supplémentaires à nourrir chaque année), les perspectives de l’économie viêtnamienne sont loin d’être favorables.