Eglises d'Asie

LES PROPOSITIONS D’UN GROUPE D’INTELLECTUELS CATHOLIQUES EN VUE DES ELECTIONS DE JUIN 1999

Publié le 18/03/2010




Introduction

Le 8 mai 1999

De nombreuses questions nous sont posées par des groupes de catholiques : quelle doit être l’attitude des catholiques face aux prochaines élections ? Nous donnons ici quelques éléments de réponse. Ces propositions sont à prendre à la fois comme un prolongement et un effort de vulgarisation du message des évêques. Elles ont été préparées avec le concours de personnalités catholiques de Jakarta. Elles donnent une réponse et une ligne de conduite face aux questions que se posent les catholiques. Chacun reste libre de les utiliser ou non. En effet, c’est à chacun, finalement, de faire un choix selon sa conscience.

Tout en respectant les idées et les positions de ceux qui ont fondé un parti sur une base explicitement chrétienne ou catholique, nous avons pris pour références les décisions de l’assemblée des catholiques en août 1998: être “in pluribus unum” en politique, et ne pas faire de parti ou groupe politique sur une plateforme exclusivement chrétienne ou catholique.

Ces lignes visent également à une éducation de la conscience politique des catholiques.

Nous espérons que ces propositions aideront les catholiques à prendre position aux prochaines élections.

Frans Seda

Propositions pour les catholiques en vue des élections

1. Arrière-plan

Ces derniers mois, des questions nous sont souvent posées par des responsables dans l’Eglise et par les fidèles sur la position que doivent prendre les catholiques aux élections du 7 juin prochain. On nous demande pour quel parti voter, vu la pléthore des partis en lice et la présence de catholiques dans beaucoup de ces partis.

Le Bureau de la Conférence Episcopale et les évêques de Kalimantan ont rendu publique une lettre pastorale, en vue d’éclairer les catholiques pour les futures élections (ndlr. Voir le document précédent).

En réponse à ces questions et pour donner une audience plus large au message des évêques, M. Frans Seda a confié à une équipe, sous la coordination de M. A. Sonny Keraf, la tâche d’analyser les différents partis en présence. Etaient membres de cette équipe Emmanuel Migo, Gabriel Zola, Yanuar Nugroho et Wempi Anggal. A cette contribution, s’est ajouté le point de vue d’autres personnalités, entre autres M. Frans Meak Parera. (Deux rencontres ont eu lieu, les 1er et 8 mai, pour examiner le résultat de cette analyse et mettre au point le texte ci-dessous. A ces rencontres prirent part diverses personnalités catholiques).

2. Objet de l’analyse

Cette analyse des différents partis n’a pas d’autre but que de donner aux catholiques une information en vue des prochaines élections. C’est en effet à chacun qu’il revient de fixer son choix, selon sa conscience. Nous ne faisons que donner ici quelques éléments de réflexion qui peuvent ouvrir d’autres perspectives. Donc, ce que nous donnons ici n’est pas à prendre comme “la” règle à suivre par les catholiques. C’est ce que nous proposons en réponse à ceux qui nous demandent ce qu’il faut prendre en compte pour le prochain vote.

3. Considérations

Avant de fixer leur choix, les catholiques feront bien de lire attentivement les documents suivants : la Lettre Pastorale de la Conférence Episcopale, Pâques 1999, La Lettre Pastorale des évêques de Kalimantan, Pâques 1999.

La tradition catholique en matière politique met l’accent sur l’intérêt général (bonum commune): c’est-à-dire, “salus populi suprema lex” (le bien du peuple est la loi suprême), ou encore “nationalisme” (garantie absolue accordée à l’intérêt national, avant les intérêts privés, mais en même temps garantie donnée aux droits et intérêts de tous les groupes particuliers). Ce Bonum Commune est explicité dans trois domaines principaux : domaine politique avec une démocratie qui garantit la pluralité, le droit de chaque groupe et l’autonomie du peuple et des régions; domaine économique avec la justice sociale et le bien-être du peuple; domaine social avec la sécurité du peuple; domaine juridique avec la consistance et la suprématie du droit.

4. Critères de choix

A partir des considérations ci-dessus, nous pouvons formuler quelques critères.

a – Ne pas voter pour un parti qui soutient le status quo. En effet, en votant de nouveau pour un parti qui est favorable au status quo, nous allons répéter les pratiques politiques et les faiblesses passées : corruption, collusion, népotisme, non-application des lois, absence de démocratie, politique de la violence, non-respect des droits de l’homme et du droit de chaque groupe à vivre en paix et en sécurité selon son identité propre, etc. En d’autres termes, si nous ne votons pas pour un parti favorable au status quo, c’est pour assurer la garantie du bonum commune tel que nous l’avons défini plus haut.

b – Ne pas voter pour un parti qui privilégie ses propres intérêts, surtout si c’est un parti à caractère religieux ou ethnique, quelles qu’en soient la religion ou l’ethnie. Donc, notre choix ne se portera sur aucun des partis qui entrent dans cette catégorie. La raison en est claire: nous voulons soutenir une société démocratique qui privilégie le pluralisme, la suprématie du droit, et la meilleure garantie des droits de chaque individu et chaque groupe. En d’autres termes, nous ne votons pas pour un parti “communautariste”, pour assurer la garantie du bonum commune tel que nous l’avons défini plus haut.

c – Voter pour un parti qui privilégie et défend les intérêts nationaux (bonum commune), comme le bien-être pour tous, la démocratie, les droits de l’homme, l’union et l’unité nationales (nationalisme), l’autonomie du peuple et des régions, etc. Notre choix se fixera donc sur un parti qui reconnaît, respecte et garantit le pluralisme, la différence, l’identité et les droits de chaque groupe dans la société, y compris les droits d’une minorité dans une société démocratique.

d – Voter pour un parti dont l’engagement et la moralité ont fait leurs preuves. Cela veut dire que nous devons prendre en considération l’intégrité des dirigeants des partis et celle des candidats.

Pour un candidat, il y a deux points à considérer. Premièrement, notre attention ne va pas se porter pas d’abord sur sa religion (est-il catholique ou non ?). Nous votons pour quelqu’un, non pas parce qu’il est catholique, mais bien parce qu’il va défendre, quelle que soit sa religion, le bonum commune, les intérêts de l’ensemble de la nation (bien-être du peuple, démocratie, union et unité nationales, droits de l’homme, justice, etc.). Ensuite, conformément au premier critère, notre choix se portera sur un parti dont les candidats soutiennent les réformes.

e – Parmi les partis qui défendent le bonum commune, évitons de porter nos voix sur un petit parti qui a peu de chances de peser sur les décisions du pays. En d’autres termes, votons pour un parti qui défend le bonum commune et qui a des chances de faire un score important. Dans chaque région, nous devons donc tenir compte de la constellation des forces en présence. Si un parti n’a pas une audience nationale, votons plutôt pour un autre qui a plus de chances.

5. Classement des partis

En fonction des critères ci-dessus, nous pouvons classer les partis selon quatre facteurs.

a – Selon leur orientation fondamentale, nous distinguerons d’un côté les partis d’orientation sectaire, religieuse ou exclusiviste, et de l’autre, les partis nationalistes, pluralistes et inclusifs.

b – Selon leur disposition au changement, nous obtenons un groupe de partis favorables au status quo et un autre en faveur du changement.

c – Selon leur programme, il y a les partis qui privilégient un secteur donné de la société, et ceux qui mettent l’intérêt général en priorité.

d – Selon la taille d’un parti et la qualité de ses dirigeants nous parlerons de petits partis ou de grands partis.

Il faut noter que ce classement reste souple, car, pour certains partis, ces critères peuvent se recouper.

6. Sélection par élimination

Cette grille nous permet, en procédant par élimination, de retenir les partis qui semblent pouvoir apporter une contribution importante à l’intérêt général (en écartant ceux qui ne répondent pas aux critères que nous avons indiqués).

La première élimination nous fait écarter 18 partis de tendance sectaire, religieuse et exclusiviste, soit 16 partis musulmans, 1 parti protestant et 1 parti catholique.

Des 30 partis qui restent, nous éliminons 2 partis qui sont en faveur du status quo: le parti Golkar (n° 33) et le PDI (n° 32). Sur ces 28 partis en faveur du changement, nous conservons ceux qui privilégient l’intérêt général. Sont donc écartés 6 partis (n° 4, 12, 23, 37, 42 et 48). Restent donc 22 partis. La taille des partis et la qualité de leurs dirigeants nous font écarter 17 partis de petite taille.

En fin de compte, il reste cinq partis qui répondent aux critères que nous avons fixés et pour lesquels les catholiques peuvent donc voter: PDI Perjuangan (n°11) (parti de Megawati Sukarnoputri) , PDKB (n° 14) (intellectuels protestants ou catholiques et chinois), PAN (n°15) (parti d’Amien Raïs, Muhammadiyah), PKB (n° 35) (parti d’Abdurrachman Wahid “Gus Dur”, Nahdlatul Ulama) et PKP (n°41) (général Edi Sudrajat, parti né à la suite de désaccords au sein du Golkar).

7. Conclusion

En appliquant les critères de sélection, nous obtenons par élimination quelques partis pour lesquels les catholiques peuvent voter: PDI Perjuangan, PDKB, PAN, PKB et PKP.

En plus de cela, il faut aussi tenir compte de la valeur des candidats, avant de fixer notre choix tant au niveau national qu’à celui de la province ou de l’arrondissement. Notre vote tiendra compte des intérêts défendus par chacun des partis à ces différents niveaux.

Faut-il rappeler que ce ne sont là que des propositions. Chacun, en fin de compte, se détermine selon sa conscience. Et nous devons également toujours veiller à maintenir l’unité dans l’Eglise et dans le pays. Ces propositions sont aussi à prendre comme une participation à l’éducation politique des catholiques en vue du bonum commune.