Eglises d'Asie

Bihar : 210 000 enfants sont employés à des travaux nuisibles à leur santé

Publié le 18/03/2010




Les résultats d’une étude conduite par le Centre de développement socio-économique des diocèses de Muzzafarpur et Bettiah, en collaboration avec l’Unicef, viennent de révéler que, dans l’Etat du Bihar à l’est de l’Inde, environ 210 000 enfants âgés de 8 à 13 ans sont employés clandestinement dans des industries dangereuses pour leur santé. La plupart d’entre eux travaillent dans des fours à briques ou des entreprises de concassage de la pierre. L’Etat du Bihar s’est montré jusqu’ici incapable d’éliminer le travail des enfants, pourtant prohibé par la loi, à cause de certaines complicités qui lient aujourd’hui les patrons d’industrie et des fonctionnaires du gouvernement, chargés des affaires sociales.

Sollicité par l’Unicef, en 1998, pour mener à bien une étude sur ce sujet, le Centre de développement diocésain a mobilisé quelque 200 volontaires catholiques pour mener à bien une enquête qui a duré plus d’un an. A l’issue de celle-ci, il a été possible de chiffrer avec une certaine précision le nombre d’enfants employés illégalement dans des industries locales. Dans les briqueteries, les jeunes ouvriers, payés 0,60 dollar par jour, transportent quotidiennement sur leur tête un millier de briques, chacune pesant environ trois kilos. C’est un métier extrêmement pénible que, généralement, les adultes abandonnent au bout d’un certain temps au profit de professions plus aisées et mieux payées. A plus forte raison, un enfant ne peut transporter 3 000 kg quotidiennement sans graves dommages pour sa santé. Au cours de l’enquête, on a pu constater les néfastes conséquences de ce travail sur la physiologie des jeunes enfants, aussi bien sur les muscles du cou que sur les vertèbres cervicales. Les rapports d’enquête mentionnent également que 20 000 d’entre eux laissent apparaître des symptômes graves de troubles bronchiteux, troubles qui mènent généralement à la tuberculose. Beaucoup de ces tout jeunes travailleurs, 70 % selon les résultats de l’enquête, se laissent aller rapidement à boire de l’alcool, penchant contracté sur les lieux de travail, où sont installés des débits illégaux de boisson. La consommation d’alcool ouvre leur appétit et les aide à supporter leur tâche harassante.

Le territoire sur lequel l’enquête a été effectuée comporte 17 districts auxquels sont affectés 250 fonctionnaires des Affaires sociales, ayant la charge de surveiller et de réprimer le travail des enfants. Mais, selon divers témoignages, ils recevraient annuellement une somme de 1,5 million de dollars pour réfréner leur zèle. Chacun des patrons d’entreprises employant illégalement une main-d’oeuvre enfantine achèterait la discrétion des contrôleurs gouvernementaux de leur secteurs par une somme annuelle de 300 dollars. Pourtant, selon un des volontaires du Centre de développement socio-économique, les fonctionnaires du travail ont tout pouvoir de réprimer les employeurs clandestins de main-d’oeuvre enfantine. La loi indienne prohibe l’embauche d’adolescents de moins de 14 ans et punit la violation de cette interdiction d’une amende de 500 dollars ou d’une peine de prison d’une année, les deux peines pouvant être appliquées en même temps dans les cas les plus graves. Malgré cela, la récente enquête a révélé qu’aucun des patrons des 17 districts examinés n’a encore été poursuivi en justice.

Les responsables religieux des deux diocèses concernés par cette enquête ont reconnu l’impuissance de l’Eglise locale à faire face à ce fléau, avec ses seules ressources matérielles, humaines et morales. Cependant, elle est toute disposée à collaborer à la lutte contre le travail des enfants, aux côtés de l’Etat et des organisations humanitaires. En particulier, elle ne manquera pas d’informer les responsables gouvernementaux de la complicité qui lie les patrons et les fonctionnaires des affaires sociales en ce domaine.