Eglises d'Asie

Les militaires demeurent une force organisée au parlement qui pourrait faire la différence pour l’élection du prochain président de la République

Publié le 18/03/2010




Les militaires indonésiens ne votent pas, mais, à la différence des 48 partis politiques qui s’affrontaient pour emporter les élections du 7 juin, ils sont assurés d’avance de former un bloc compact au parlement. Sur les 500 sièges de la chambre, 38 vont de droit aux forces armées qui, avec la police, compte 448 000 hommes, soit 10 % de tous les sièges des assemblées provinciales et régionales réunies. D’après les observateurs, cinq ou six seulement des 48 partis en lice pour ces premières élections libres depuis 1955, sont en mesure d’obtenir 10 % des votes et aucun d’eux ne devrait dépasser 35 %, sauf peut-être le Parti démocrate indonésien de lutte, emmené par Megawati Sukarnoputri, qui était crédité de 38% après le comptage de 20% des voix.

D’après les statistiques, un militaire au parlement représente 12 000 soldats tandis qu’un « civilquant à lui, représente 310 000 citoyens. En d’autres termes, un homme en uniforme pèse 25 fois plus qu’un civil. Le bloc des militaires au parlement, responsables devant leurs chefs, représente une force disciplinée formidable dans les négociations difficiles et compliquées qui vont avoir lieu pour élire le président en novembre prochain.

La participation de l’armée à la vie politique et économique de l’Indonésie est basée sur la « double fonctionune récompense pour le rôle joué par elle au temps de la conquête de l’indépendance, lui donnant ainsi l’occasion d’étendre son influence dans tous les domaines de la vie du pays. En dehors de leur rôle officiel, beaucoup de militaires, détachés, actifs ou à la retraite, servent tant au gouvernement et dans les grandes compagnies d’Etat que dans l’administration, formant une hiérarchie parallèle du plus haut de l’échelle jusqu’au plus petit village. En 1996 encore, tous les gouverneurs de province et la moitié des chefs de province étaient des militaires. Acceptée sans question depuis la prise de pouvoir de Suharto il y a 32 ans, la prédominance des militaires est ouvertement contestée depuis sa chute.

Cette perte de statut de l’armée a été pour beaucoup à l’origine des brutalités militaires dans la répression des protestataires, dans le rôle joué par quelques unités dans la disparition de certains opposants politiques et dans les abus commis contre les droits de l’homme, non seulement au Timor Oriental et en Irian Jaya mais aussi dans la province d’Aceh.

Les défenseurs de cette « double fonction » affirment que l’armée est la plus solide institution du pays et la seule capable de défendre celui-ci. Cette position est contestée par les nouveaux partis réformistes, comme le Parti du mandat national, de Amien Rais, qui ne semble pas avoir percé au cours des élections du 7 juin, et le Parti du Réveil national d’Abdurraham « Gus Dur » Wahid, qui arriverait en deuxième position. Par contre, Megawati Sukarnoputri, la mieux placée pour le moment, se fait la porte-parole des positions nationalistes traditionnelles et ne dit rien du rôle privilégié de l’armée. Elle ne semble pas la tenir responsable de son éviction de la direction du Parti démocratique indonésien, ni de l’attaque de ses locaux en 1996 ( ). Les manifestations qui avaient alors éclaté spontanément au centre de la capitale furent les plus violentes qu’on ait connues en 20 ans. Elles sont généralement considérées comme le début du processus qui devait, en moins de deux ans, provoquer le départ de Suharto.

Huit jours après les élections générales du 7 juin, on ne sait toujours pas avec certitude quels sont les résultats, puisque 20% seulement des voix ont été comptées. Ces retards donnent lieu à des rumeurs accusant de manipulation certains secteurs de l’administration d’Etat.