Eglises d'Asie

L’influence politique des groupes islamiques reste minime dans une nation pourtant à majorité musulmane

Publié le 18/03/2010




Dans le plus grand pays musulman du monde qu’est l’Indonésie, un grand nombre de nouveaux partis d’inspiration islamique ont présenté des candidats aux élections du 7 juin, mais, disent les observateurs, cela ne changera probablement pas beaucoup la scène politique indonésienne.

Bien que les musulmans représentent 90 % des 206 millions d’Indonésiens, le pouvoir des responsables religieux musulmans a été très restreint durant les 32 années du règne Suharto. En effet, Suharto ne courtisait le lobby musulman que quand il avait besoin de lui pour faire pencher la balance en sa faveur, après quoi il le tenait à distance. Le seul parti musulman reconnu par le gouvernement durant toutes ces années était le Parti du développement uni qui, avec les deux autres partis jouissant également d’une reconnaissance officielle, avait fait allégeance à l’idéologie de l’Etat laïque.

Depuis le départ de Suharto en mai 1998, plus d’une centaine de partis politiques ont vu le jour, quoique 48 seulement, dont 18 d’inspiration musulmane, aient été officiellement autorisés à présenter des candidats aux élections du 7 juin. Le Parti du développement uni a réaffirmé son identité islamique l’an dernier quand le gouvernement du président B.J. Habibie, successeur de Suharto, a augmenté le nombre des partis et levé l’obligation pour eux de demeurer laïques. « Des partis musulmans, en un sens, c’est quelque chose de nouveau et, par conséquent, de peu d’influenceexplique un analyste politique, Muhamad Hikam, de l’Institut indonésien des sciences. Même si tous les partis musulmans s’unissaient, leur influence serait encore négligeable comparée à celle des grand partis, ajoute-t-il. Ceux-ci comptent parmi leurs dirigeants, deux des plus influents hommes politiques musulmans, tous les deux réformistes, qui essaient de gagner le plus de voix possibles, au sein de toutes les obédiences religieuses, pour battre le parti Golkar, le vieux parti de Suharto : Amien Rais, du Parti du mandat national, ancien responsable de la Muhamadiya, la deuxième plus grande organisation musulmane d’Indonésie, et Abdurrahman « Gus Dur » Wahid, du Parti du réveil national, chef de la plus grande organisation musulmane, la Nadhlatul Ulama, forte de 40 millions d’adhérents.

Plusieurs responsables musulmans ont appelé les partis islamiques à former une coalition, mais ils n’ont pas été entendus. Douze partis musulmans ont signé un accord pour un transfert mutuel des votes pour essayer de gagner des sièges dans le cadre du complexe système indonésien de représentation proportionnelle. Mais M. Hikam juge la proposition insignifiante. Il affirme que c’est justement l’impuissance des partis islamiques qui explique cet appel subit du Conseil indonésien des Ulemas (MUI), la plus haute autorité nationale de l’islam, à ne voter que pour les partis musulmans ou les candidats musulmans.

Cet appel a provoqué un tollé, y compris chez Amien Rais et « Gus Dur » qui ont déclaré avec humeur que le MUI n’avait aucun droit de parole en matière politique. « Le MUI n’est pas une instance politique. Ce n’est pas à eux de parler politiquea déclaré Gus Dur dans la presse indonésienne. Hikam de son côté a prédit que cet appel pourrait avoir un effet boomerang sur le MUI, généralement considéré comme fidèle au régime Suharto. « Les gens peuvent voir clairement que le MUI n’est qu’un outil politique aux mains d’un petit groupea déclaré Hikam, ajoutant que la déclaration de ce dernier lui donnait l’impression d’avoir été rédigée à la hâte, « avec un rien de désespoir« .