Eglises d'Asie

UNE ENQUETE SUR LA SITUATION RELIGIEUSE AU VIETNAM

Publié le 18/03/2010




TABLE DES MATIERES

Introduction 1 – 7

I. Législation dans le domaine de la tolérance et de la non-discrimination fondées sur la religion ou la conviction 8 – 32

a. Dispositions constitutionnelles et préoccupations… 8 – 10

b. Autres dispositions juridiques et préoccupations… 11 – 32

II. Politique dans le domaine de la tolérance et de la non-discrimination fondées sur la religion ou la conviction 33 – 40

a. Informations non gouvernementales 33 – 37

b. Informations des autorités vietnamiennes 38 – 40

III. Situation des communautés religieuses 41 – 48

a. La communauté bouddhiste 44 – 68

b. La communauté catholique 69 – 76

c. La communauté cao-dai 77 – 83

d. La communauté hoa hao 84 – 87

e. La communauté protestante 88 – 94

f. La communauté musulmane 95 – 98

IV. Conclusions et recommandations 99 – 123

INTRODUCTION

1. Du 19 au 28 octobre 1998, le Rapporteur spécial a effectué une visite au Vietnam, dans le cadre de son mandat (résolution 1998/18 de la Commission des droits de l’homme), à sa demande et sur invitation du Gouvernement vietnamien. Au cours de sa visite, le Rapporteur spécial s’est rendu à Hanoi (19-21 octobre, 28 octobre), à Huê (22-23 octobre), à Hô Chi Minh-Ville (24-27 octobre) et à Tây-Ninh (27 octobre).

2. Il a pu bénéficier d’entretiens auprès de diverses autorités (Vice-Ministre des affaires étrangères, Vice-Ministre de la sécurité publique, Vice-Ministre de l’éducation et de la formation, Directeur du Bureau des affaires religieuses, Ministère de la justice, Institut de recherche sur la religion) ainsi qu’auprès des représentants de l’Association bouddhiste du Vietnam, de l’Église catholique, et du Conseil d’administration du Saint-Siège des Cao Dai. Des visites de lieux de culte et d’établissements de formation religieuse ont complété ces rencontres.

3. Le Rapporteur spécial regrette de ne pas avoir été mis en mesure de s’entretenir avec certains responsables politiques ainsi qu’avec les représentants des communautés religieuses hoa hao, hindoue, confucianiste et taoïste.

4. Des entraves sérieuses et graves se sont manifestées relativement aux entretiens privés et aux déplacements. En effet, le Rapporteur spécial n’a pas été mis en mesure, par les autorités vietnamiennes, de se rendre à Danang ainsi que dans le hameau Nghia de la province Quang Ngai ; il n’a donc pas pu rencontrer le patriarche de l’Église bouddhiste unifiée du Vietnam (EBUV), Thich Huyên Quang. Il a également été empêché, physiquement, par plusieurs individus en civil prétendant représenter les autorités locales, mais refusant de donner leur identité, de rencontrer Thich Quang Dô, Thich Tuê Sy et Thich Tri Siêu membres de l’EBUV récemment libérés dans le cadre d’une amnistie décidée par les autorités vietnamiennes. On trouvera ci-après des renseignements parvenus ultérieurement sur cet incident. Plusieurs réunions privées avec des membres des communautés cao dai, hoa hao et des Khmers krom n’ont pu avoir lieu pour des raisons méritant d’être clarifiées et à propos desquelles des renseignements parvenus ultérieurement sont donnés plus avant.

5. A sa demande, le Rapporteur spécial a pu se rendre au camp de rééducation Z30A, à Xuên Lôc, province de Dông Nai, afin de s’entretenir avec trois membres de l’EBUV, Thich Không Than, Thich Nhât Ban et Thich Tiên Minh. À son arrivée, le Rapporteur spécial a été informé de la libération, la veille, dans le cadre d’une deuxième mesure d’amnistie décidée par les autorités vietnamiennes de Thich Nhât Ban; au sujet de sa situation actuelle, des renseignements parvenus après la visite sont fournis ci-après. L’entretien privé avec Thich Không Than et Thich Tiên Minh n’a pu se dérouler conformément aux règles des Nations Unies qu’après de longues discussions sur place avec le responsable du camp ; la réunion a cependant dû être écourtée par le Rapporteur spécial en raison de l’entrée inattendue, à plusieurs reprises, et en fin de compte de l’installation dans la salle de ce responsable qui portait ainsi atteinte au caractère privé de l’entretien. Par ailleurs, ce responsable a déclaré, après vérifications, qu’un membre de l’EBUV, Thich Huê Dang, et trois catholiques, John Bosco Pham Minh Tri, Bernard Nguyên Viêt Huân, Michael Nguyên Van Tinh ne se trouvaient pas dans son camp, alors que plusieurs sources d’information concordantes et crédibles ont confirmé leur présence dans ce camp (voir le paragraphe 76 ci-dessous). Les représentants du Ministère des affaires étrangères, bien que sollicités par le Rapporteur spécial, n’ont pas transmis la liste des prisonniers religieux libérés arguant de la non-transmission au ministère de ces informations par les autorités compétentes. Le Rapporteur spécial a pu organiser un entretien privé, à Hô Chi Minh-Ville, avec un responsable religieux protestant, le révérend Paul Ai. On comprendra donc que les circonstances et conditions de cette visite ont limité l’information que le Rapporteur spécial a pu recueillir et dont il fait état dans le présent rapport.

6. Le Rapporteur spécial tient à ajouter que, préalablement à sa visite, il avait souligné les mesures positives d’amnistie méritant d’être saluées, car elles s’inscrivaient dans une politique de dialogue et de développement et auguraient bien de sa visite. Tout en remerciant le Gouvernement vietnamien pour son invitation, le Rapporteur spécial souhaite rappeler la nécessité de respecter les règles et garanties liées à son mandat, notamment la liberté de mouvement et la liberté de rencontrer toute personne susceptible de l’éclairer, sans aucunes contraintes et libre de toute conséquence négative.

7. Le Rapporteur spécial a porté son attention sur la législation et la politique dans le domaine de la tolérance et de la non-discrimination fondées sur la religion ou la conviction, ainsi que sur la situation des communautés religieuses.

I. LEGISLATION DANS LE DOMAINE DE LA TOLÉRANCE

ET DE LA NON-DISCRIMINATION FONDÉES

SUR LA RELIGION OU LA CONVICTION

A. Dispositions constitutionnelles et préoccupations du Rapporteur spécial

8. La liberté de religion ou de conviction est garantie par la Constitution du 15 avril 1992, en son article 70, dans les termes suivants :

“Le citoyen a droit à la liberté de croyance, de religion, d’embrasser ou de ne pas embrasser une confession quelconque. Les religions sont égales devant la loi. Les lieux réservés au culte de diverses croyances et religions sont protégés par la loi.” Cependant, ce même article 70 dispose ce qui suit :

“Il est interdit de violer la liberté de croyance, de religion, ou d’en profiter pour agir contrairement à la loi et aux politiques de l’État.”

9. Le Rapporteur spécial se pose des questions à propos de cette disposition qui établit le principe de priorité des politiques de l’État, notion vague et extensible pouvant potentiellement être restrictive de la liberté religieuse et de ses manifestations. Cette préoccupation se révèle tout à fait légitime quand, en ce qui concerne la politique de l’État et son impact sur la liberté de religion, on se réfère à l’article 4 de la Constitution qui stipule que “le Parti communiste du Vietnam, … adepte du marxisme-léninisme et de la pensée de Hô Chi Minh, est la force dirigeante de l’État et de la société.” Ces deux articles, par leur formulation et leur association, sont de nature à faire obstacle à la liberté de religion, voire à la réduire à très peu de choses.

10. Enfin, des préoccupations se sont manifestées quant à la transposition du droit à la liberté de religion ou de conviction, tel que garanti par la Constitution, dans les autres dispositions juridiques et donc quant à la protection de ce droit fondamental dans l’ensemble du dispositif juridique vietnamien.

B. Autres dispositions juridiques et préoccupations du Rapporteur spécial

1. Décrets

11. Deux décrets concernent directement ou indirectement la liberté de religion ou de conviction : d’une part, le décret 69/HDBT du Conseil des ministres du 21 mars 1991 portant sur la réglementation des activités religieuses et, d’autre part, le décret CP/31 du Gouvernement du 14 avril 1997 sur la détention administrative.

a) Le décret 69/HDBT

12. Les articles 1 à 4 et 6 de ce décret garantissent la liberté de croyance et de conviction et le principe de non-discrimination fondé sur la religion ou la conviction. Le Rapporteur spécial est préoccupé par l’article 5 qui stipule des réserves très vagues à la liberté de religion telles que “toute activité utilisant la religion pour saboter l’indépendance nationale, s’opposer à l’État, saboter la politique d’union de tout le peuple, porter atteinte à la saine culture de notre nation, empêcher les fidèles de remplir leurs devoirs civiquesL’article 7 garantit les activités religieuses mais, à l’instar des articles 70 et 4 de la Constitution, soulève des interrogations relativement à la priorité portée aux “lignes politiques” et à “l’éducation idéologiqueSi l’article 8 dispose que certaines activités religieuses ne sont pas soumises à autorisation gouvernementale – “les activités ordinaires à l’intérieur des lieux de culte (comme les réunions de prières, les cérémonies, les prédications, l’enseignement du catéchisme…) conformes aux coutumes religieuses de la région” -, il précise que ces activités, au demeurant plutôt réduites, doivent être programmées et enregistrées chaque année.

13. Toutes les autres activités religieuses, très diverses et nombreuses, sont soumises à l’autorisation du Comité populaire provincial ou d’une instance administrative correspondante, voire du Conseil des ministres (art. 9 et suivants), y compris les retraites sacerdotales diocésaines et les retraites rassemblant des religieux venus de diverses maisons religieuses chez les catholiques, les périodes de méditation et de jeûne pour les religieux bouddhistes (art. 9), les congrès périodiques, les réunions nationales des organisations religieuses (art. 10), les travaux de réparation ou d’agrandissement qui modifieraient l’architecture d’édifices religieux (art. 11), les oeuvres de bienfaisance devant fonctionner selon les orientations des organes compétents de l’État (art. 16) et l’ouverture des écoles religieuses (art. 17). Par ailleurs, conformément à l’article 18, dans les écoles de formation pour ecclésiastiques ou religieux, les autorités se réservent le droit de vérifier la qualité du personnel, de contrôler l’enseignement et l’éducation idéologique.

14. L’article 14 garantit la liberté d’imprimer des livres religieux, de produire ou d’importer des oeuvres culturelles religieuses et les objets utilisés dans le culte, en conformité avec la réglementation établie par l’État concernant l’impression, l’édition, la production et l’importation d’oeuvres culturelles. Or obligation est faite de recourir aux imprimeries d’État pouvant potentiellement exercer un contrôle sous forme de censure.

15. En vertu des articles 19 et suivants, l’ordination des ecclésiastiques et des religieux à tous les niveaux est soumise à l’approbation des autorités (Comité populaire provincial ou Conseil des ministres pour les plus hauts dignitaires, tels que Cardinal et Archevêque). Conformément à l’article 19, les congrégations religieuses (ou les formes analogues de vie religieuse collective), pour entrer en activité, devront solliciter la permission et obtenir l’autorisation du Conseil des ministres ou de l’organisme délégué par ce conseil.

16. Les articles 23 et suivants établissent notamment que les religieux ordonnés et nommés par des organisations religieuses à l’étranger devront recevoir l’approbation du Conseil des ministres, et que les individus et organisations religieuses du pays doivent demander la permission des autorités avant de mettre en oeuvre des orientations provenant d’organisations religieuses à l’étranger.

b) Le décret CP/31

17. L’article premier de ce décret définit la détention administrative comme une mesure administrative servant à punir les personnes qui violent la loi, c’est-à-dire, en vertu de l’article 2, celles qui contreviennent à la sécurité nationale, telle que définie au chapitre premier du Code pénal.

18. Ce décret permet de contraindre les personnes concernées à résider et à travailler sans quitter la localité fixée par les autorités et les soumet au contrôle et à la direction du peuple et des autorités locales. Il autorise ainsi de placer des personnes sous la surveillance de la police, de faire rapport sur leurs activités et de les mettre en “détention administrative” sans décision d’un tribunal.

19. Le Rapporteur spécial a exprimé sa préoccupation relativement aux prérogatives extraordinaires conférées aux services de sécurité à l’égard des citoyens. Ces derniers peuvent être, en effet, privés de liberté pour des infractions soulevant de sérieuses réserves quant à leur formulation et leur contenu, lesquels pouvent recouvrir des activités religieuses tout à fait légitimes au regard du droit international (voir ci-dessous la sous-section 3 consacrée au Code pénal).

2. Directives

20. Trois directives méritent une attention particulière : la directive 379/TTg du 23 juillet 1993 et la directive 500 HD/TGCP du 4 décembre 1993 concernant les activités religieuses, et la directive du 2 juillet 1998 sur la religion.

a) Directive 379/TTg

21. Cette directive prévoit que les lieux de culte empruntés par les autorités devront être rendus aux églises ou à leurs titulaires lorsque leur utilisation n’est plus justifiée. Elle rappelle que l’autorisation d’impression pour les livres religieux doit être donnée conformément à la loi sur les publications. Elle précise : “La censure des productions religieuses devra être rapidement réalisée, en conformité avec les formalités prévues par la loiQuant à la formation des religieux, des conditions sont énoncées dont “l’importance de choisir des personnes qui ont parfaitement rempli leur devoir civiqueLa directive souligne, à nouveau, l’obligation pour les diverses religions de faire connaître aux autorités le programme de leurs activités religieuses afin de les faire approuver et de recevoir l’aide du gouvernement pour sa réalisation. Elle appelle également à un renforcement des instances politiques dans les provinces et les villes dépendant du pouvoir central et à la multiplication des cadres capables d’effectuer des recherches et de gérer les activités religieuses.

b) La directive 500 HD/TGCP :

22. Ce texte réitère les dispositions relatives aux lieux de culte contenues dans la directive 379/TTg. Il précise que le Ministère de la culture et des communications désignera les maisons qui pourront éditer les livres de prières et les ouvrages religieux. Renforçant la directive 379/TTg en matière de formation et d’ordination des religieux, il fixe comme critère principal pour le choix des candidats le bon accomplissement des devoirs civiques. Enfin, il ajoute que “dans un esprit éducatif et au moyen de persuasion, on essayera de faire obstacle aux violations de la loi et de la ligne politique par certains membres du clergé”ceux qui exploitent la religion et commettent ces violations avec une intention perverse devront être sévèrement jugés conformément à la loi”ceux qui calomnient ou déforment la vérité seront lourdement châtiés

c) La directive du 2 juillet 1998 :

23. Cette directive reconnaît que la croyance religieuse constitue un besoin spirituel pour une partie de la population. Elle précise que la politique religieuse du Parti et de l’État prône l’application d’une politique inchangée de respect de la liberté de croyance et de non-croyance du peuple. Elle rappelle les principes et lignes politiques du Parti et de l’État à l’égard de la religion dont la liberté de religion et de conviction ; le principe de non-discrimination fondé sur la religion ou la conviction ; l’obligation pour toute activité religieuse d’observer la Constitution et la loi, de protéger les intérêts de la patrie socialiste vietnamienne et de maintenir l’indépendance et la souveraineté nationale ; le rôle des sections du Parti, des autorités locales, du front patriotique du Vietnam, des associations, des organisations sociales et religieuses dans la mobilisation des masses et l’application correcte de la politique religieuse du Parti et de l’État. La directive annonce la préparation d’une ordonnance sur la religion, un projet de création d’une maison d’édition pour la publication de livres de prières et d’ouvrages culturels des religions et la parution d’une revue destinée aux études religieuses, à l’orientation et au recyclage en ce domaine.

3. Code pénal

24. Adopté le 27 juin 1985, le Code pénal est entré en vigueur le 1er janvier 1986, il a été amendé le 28 décembre 1989, le 12 août 1991, le 22 décembre 1992 et révisé en 1997.

25. L’article premier dispose : “Le Code pénal a pour fonction de protéger le régime socialiste et la maîtrise du socialisme collectif, de garantir l’égalité des droits de toutes les nationalités, de protéger les droits et intérêts légaux des citoyens, de sauvegarder l’ordre légal socialiste contre tout acte criminel, tout en éduquant le peuple dans l’observance des lois pour combattre et prévenir le crime.”

26. Le chapitre premier sur la “sécurité nationale” sanctionne lourdement (peines d’emprisonnement notamment à perpétuité, peine de mort) des incriminations particulièrement vagues (Article 73 – Activités visant à renverser le pouvoir du peuple : toute personne ayant des activités, fondant ou participant à une organisation dans l’intention de renverser le pouvoir du peuple. Article 74 – Espionnage: fourniture de nouvelles et de documents sans rapport avec des secrets d’État à une puissance étrangère. Article 81 – Atteinte à l’unité nationale : semer la division entre les croyants religieux et les non-croyants. Article 82 – Propagande contre le système socialiste) qui concernent tant les agissements répréhensibles en vertu du droit international que l’exercice légitime de droits et libertés reconnus par la Constitution du Vietnam et les normes internationales en matière de droits de l’homme.

27. À cet égard, rappelons que le Groupe de travail sur la détention arbitraire a considéré dans son rapport de mission au Vietnam (E/CN.4/1995/31/Add.4 du 18 janvier 1995) que “les qualifications pénales d’atteinte à la sécurité nationale telle qu’elle résulte de l’article 73 du Code pénal ne distinguent pas selon qu’il a été fait ou non usage de la violence ou de l’appel à la violence […]. La rédaction actuelle de l’article 73 est si vague qu’elle peut conduire à sanctionner non seulement des personnes qui ont fait usage de la violence à des fins politiques, mais aussi d’autres personnes qui n’ont fait qu’exercer leur droit légitime à la liberté d’opinion ou d’expression” (par. 58).

28. Les autres incriminations du Code pénal souffrent également de défauts identiques à ceux décrits ci-dessus en l’occurrence :

a) Article 205a – “Abuser des droits démocratiques afin de léser les intérêts de l’État, des organisations sociales ou des citoyens : abus de la liberté de parole, de presse, de religion, ou utilisation à tort des droits de réunion, d’association ou autres droits démocratiques” ; il est rappelé que la notion d’abus n’est pas toujours susceptible de soumission à des critères objectifs ;

b) Article 199 – “Poursuite de pratiques superstitieuses : toute personne qui pratique la divination, agit comme médium ou poursuit d’autres pratiques superstitieuses” ; il est souligné que la notion de superstition ne fait l’objet d’aucune tentative de définition ;

c) Article 198 – “Trouble de l’ordre public : toute personne qui trouble l’ordre dans un lieu publicabsence d’informations sur cette expression vague et extensible ;

d) Article 215 – “Violation des réglementations régissant la publication et la distribution des livres, des journaux et autres imprimés

Or il apparaît que ces dispositions sont utilisées comme des obstacles majeurs à l’exercice d’activités religieuses (voir le chapitre III – Situation des communautés dans le domaine de la religion et de la conviction).

29. Informé des préoccupations du Rapporteur spécial relatives aux dispositions constitutionnelles et autres dispositions juridiques et réglementaires et au regard du droit international (dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction), le Directeur adjoint du Ministère de la justice a déclaré que le système juridique vietnamien accordait la priorité au droit international, d’une part, lorsque des dispositions internes étaient contraire aux normes internationales et, d’autre part, lorsque des dispositions internes faisaient défaut.

30. À la question du Rapporteur spécial sur la compatibilité entre des normes internationales garantissant des droits et un dispositif juridique vietnamien établissant le principe d’autorisation eu égard à ces droits, le représentant du Ministère de la justice a répondu que le Vietnam, d’une part, réfléchissait à l’opportunité de maintenir le principe d’autorisation ou d’établir le principe d’une simple déclaration et, d’autre part, procédait aux vérifications appropriées pour éventuellement assurer la conformité du droit interne au droit international. Il a rappelé que l’Assemblée nationale considérait l’élaboration d’une ordonnance sur la religion et a déclaré qu’une aide technique venant des Nations Unies serait appréciée.

31. En réponse aux interrogations du Rapporteur spécial sur une législation vietnamienne se caractérisant par l’emploi de notions vagues et élastiques permettant un pouvoir d’appréciation exorbitant de la part des agents chargés de l’application des lois, le Vice-Ministre de la Sécurité publique a expliqué que la législation garantissait clairement la liberté de religion et de conviction, et a souligné la nécessité de respecter la loi par tous, y compris la police. Il a considéré en particulier que les dispositions du Code pénal, dont l’article 73, étaient suffisamment précises.

32. Les représentants de l’Institut de recherche sur la religion ont estimé que la Constitution garantissait clairement la liberté de religion et était conforme au droit international, tout en ajoutant que certains articles pourraient être modifiés.

II. POLITIQUE DANS LE DOMAINE DE LA TOLÉRANCE

ET DE LA NON-DISCRIMINATION FONDÉES

SUR LA RELIGION OU LA CONVICTION

A. Informations non gouvernementales

33. D’après les informations communiquées au Rapporteur spécial par les organisations non gouvernementales, avant et pendant sa visite, la politique du Vietnam relativement à la religion connaît une évolution depuis 1990. Les raisons de ce changement sont liées à des facteurs externes et internes. Il apparaît, en effet, que les bouleversements de l’ordre mondial résultant de la fin de la guerre froide et de la chute du mur de Berlin, ainsi que de la mondialisation ont conduit les autorités à une ouverture destinée notamment à assurer le maintien de leur pouvoir. Cette ouverture a surtout porté sur le domaine économique tout en ayant certaines répercussions au niveau de la politique vietnamienne dans le domaine religieux. Du point de vue interne, le Parti communiste a reconnu la “valeur utilitaire” de la religion et a décidé de l’intégrer dans la politique de l’État. Le VIIème Congrès du Parti a considéré que “la majorité du peuple a un besoin spirituel pour les religions et les croyances; ce besoin subsistera pour longtemps encore”la morale religieuse contient un certain nombre d’éléments qui sont particulièrement utiles pour l’édification d’une nouvelle société

34. La nouvelle politique à l’égard de la religion abandonne désormais officiellement tout objectif de suppression de la religion pour une tolérance de cette dernière s’exprimant principalement par une plus grande liberté de culte, mais aussi par le maintien de limitations assurant une immixtion des autorités dans les affaires religieuses.

35. Les principaux instruments utilisés pour assurer un contrôle des religions sont les suivants :

a) La législation (essentiellement le Code de procédure pénale et le décret CP/31);

b) Un appareil administratif chargé des affaires religieuses :

i) Le Bureau des affaires religieuses du Gouvernement basé à Hanoi et représenté localement;

ii) Le Département de mobilisation des masses conseillant le Parti communiste sur les stratégies et politiques destinées à l’encadrement idéologique de la population ;

iii) Le Front de la patrie constituant l’appareil de masse du Parti communiste pour le contrôle des intellectuels et organisations ;

iv) Le Ministère de l’intérieur, en étroite collaboration avec les entités mentionnées ci-dessus, et responsable de la surveillance et de l’infiltration des lieux de culte et organisations religieuses par le biais de la Sécurité.

c) Le développement de structures religieuses d’État afin que les religions constituent un soutien à la politique ;

d) Un triple système de contrôle :

i) Le policier de secteur : agent de contrôle de la population ayant le pouvoir, d’une part, d’arrêter sans intervention du juge notamment pour motif d’association illégale (lorsque trois personnes d’un autre secteur se trouvent réunies dans une même habitation) et, d’autre part, de délivrer et de retirer les permis de résidence ;

ii) Le permis de résidence : pièce administrative incluant les données principales (y compris religieuse et politique) du citoyen établie par le policier de secteur et indispensable pour les formalités administratives, pour l’accès à l’emploi, l’école, la santé, etc. Le policier de secteur aurait, dans les faits, le pouvoir de délivrer et de retirer ce document et donc aurait un pouvoir exorbitant sur les personnes;

iii) Le curriculum vitae : ce document regroupant des informations notamment sur “les activités passées et les contributions à la Révolution” et les opinions politiques “avant et après la Révolution” des proches et des connaissances doit être établi et adressé au Bureau des affaires religieuses par tout religieux souhaitant être ordonné.

36. La politique vietnamienne dans le domaine religieux se manifeste donc, en général, d’une part, par une amélioration progressive de la liberté religieuse mais, dans des domaines très circonscrits et soumis à des limitations et, d’autre part, par le maintien de restrictions et de contrôles des autorités soucieuses d’empêcher la mise en place d’organisations pouvant remettre en cause leur autorité et leur influence. L’application de cette politique peut, par ailleurs, varier selon l’attitude d’ouverture ou de résistance des autorités locales et selon les communautés religieuses (voir le chapitre III – Situation des communautés religieuses).

37. Ont été qualifiées de signes de progrès les amnisties du 2 septembre 1998 et du 23 au 25 octobre 1998 ayant conduit aux libérations, respectivement, de 5219 et 2630 prisonniers dont des religieux de l’EBUV et de l’Église catholique. Les représentants du Ministère des affaires étrangères, bien que sollicités par le Rapporteur spécial, n’ont pas transmis la liste des prisonniers religieux libérés arguant de la non-transmission au ministère de ces informations par les autorités compétentes.

B. Informations des autorités vietnamiennes

38. Selon les autorités vietnamiennes, la liberté de religion et de conviction est garantie et respectée au Vietnam. Les activités religieuses peuvent s’exercer dans la mesure où elles sont conformes à la loi. L’administration est chargée non seulement de s’assurer de la conformité des activités religieuses à la législation, mais également du respect des religions et convictions. Il a été précisé que les autorités respectaient la religion (définie par le Bureau des affaires religieuses comme des mystères non expliqués par la science), mais combattaient les superstitions rejetées par la science moderne et par les responsables religieux. Il a également été souligné que les arrestations de religieux ne reposaient sur aucun motif religieux mais, au contraire, sur l’infraction commise par la personne au regard de la loi.

39. Le Vice-Ministre de la sécurité publique a expliqué que le mandat de son administration était d’assurer la sécurité et la vie paisible des citoyens, y compris la sécurité de leurs activités religieuses, de lutter contre les forces réactionnaires et de rééduquer les coupables afin que ces derniers redeviennent de bons citoyens. Il a souligné que la police garantissait la liberté des citoyens et a qualifié de fausse propagande toute information faisant état d’une domination de la police sur la population. Il a déclaré que les déplacements de religieux étaient libres dans la mesure où les autorités locales les autorisaient. En réponse aux questions du Rapporteur spécial sur les atteintes affectant la liberté de religion, il a déclaré que celle-ci était assurée.

40. L’Institut de recherche sur la religion a estimé que la tendance actuelle au Vietnam était favorable au développement des religions.

III. SITUATION DES COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES

41. Le Rapporteur spécial a recueilli des informations sur les principales communautés religieuses du Vietnam à savoir le bouddhisme, le catholicisme, le protestantisme, l’islam, le caodaïsme et la communauté hoa hao. Le Bureau des affaires religieuses a déclaré qu’il s’agissait des six religions officielles du Vietnam et a fourni les données suivantes pour l’année 1996 :

I. Fidèles : 15 203 132 dont :

– Bouddhistes 7 378 417

– Catholiques 4 952 605

– Protestants 403 238

– Musulmans 93 174

– Caodaïstes 1 122 827

– Hoahao 1 252 906

II. Le clergé : 49 778 dont :

– Moines et moniales bouddhistes 27 884

– Clergé catholique 14 492

– Évêques 33

– Prêtres 2 200

– Moine et religieuses 10 228

– Séminaristes 548

– Clergé protestant 549

– Pasteurs 157

– Pasteurs adjoints 392

– Caodai 5 608

– Islam 734

– Hoahao 61

III. Lieux de culte

– Bouddhistes 14 012

– Catholiques 6 003

– Protestants 437

– Musulmans 71

– Caodai 896

– Hoahao 115

42. Or, selon des sources non gouvernementales, le bouddhisme (introduit depuis 2 000 ans au Vietnam et majoritairement du Grand Véhicule, c’est-à-dire tourné vers l’action dans la société) représente 80 % de la population / La population du Vietnam est estimée à 73,8 millions d’habitants pour 1995 dans son rapport sur le développement humain de 1998./, tandis que le catholicisme (introduit par les missionnaires dominicains portugais à partir de 1615) regroupe près de 6 millions de fidèles ; le caodaïsme (fondé en 1926 à Tây-Ninh) a 3 millions de fidèles et la communauté hoa hao (fondée en 1939) en a 2 millions ; quant aux protestants (dans le pays depuis 1911, date d’arrivée des missionnaires américains), ils sont au nombre de 700 000 ; l’islam, lui, est représenté par 50 000 croyants.

43. Les estimations officielles (datant de 1996) et non officielles (pour l’année 1998) diffèrent donc de manière importante, mais il est manifeste que le bouddhisme est la religion majoritaire suivie des minorités catholique, caodai, hoa hao, protestante et musulmane.

A. La communauté bouddhiste

44. Le Rapporteur spécial a porté son attention sur la situation des bouddhistes et en particulier sur l’Église bouddhiste unifiée du Vietnam (EBUV) et les Khmers krom (descendants des Khmers de la civilisation angkorienne, d’origine indienne). Il a regroupé les renseignements recueillis auprès des autorités, de l’Association bouddhiste du Vietnam, de prisonniers d’un camp de rééducation et auprès d’autres sources non gouvernementales.

45. Comme il l’a indiqué dans son introduction, le Rapporteur spécial n’a pas pu s’entretenir avec le patriarche de l’EBUV, Thich Huyên Quang, détenu sans procès depuis 1982. Il a également été empêché de rencontrer, à Hô Chi Minh-Ville, trois religieux de l’EBUV récemment libérés dans le cadre d’une amnistie, Thich Quang Dô, Thich Tuê Sy et Thich Tri Siêu. Malgré les explications fournies sur le but de la visite et la qualité officielle du Rapporteur spécial des Nations Unies, plusieurs individus en civil prétendant représenter les autorités locales et ayant déclaré être informé de la mission des représentants des Nations Unies, ont refusé l’accès à ces trois religieux. Durant sa visite, le Rapporteur spécial a été informé par plusieurs sources non gouvernementales, que les individus lui ayant physiquement interdit l’accès aux religieux de l’EBUV étaient des membres de la Sécurité; ces derniers avaient préalablement tenté d’obliger le responsable de la pagode où devait avoir lieu la rencontre privée, d’interdire au Rapporteur spécial l’accès à sa pagode, mais il avait refusé et menacé de s’immoler.

46. Au sujet du bonze Thich Nhât Ban de l’EBUV que le Rapporteur spécial avait demandé à rencontrer dans le camp de rééducation Z30A et qui avait été libéré dans le cadre d’une amnistie la veille de la visite du Rapporteur spécial, des renseignements non officiels communiqués après la mission indiquent que le bonze aurait été placé en résidence surveillée; Thich Nhât Ban a déclaré qu’il était sorti d’une “petite prison juste pour entrer dans une grande prison

47. Relativement aux Khmers krom, le Rapporteur spécial s’est rendu au lieu de la rencontre privée, mais ses interlocuteurs ont été dans l’incapacité de communiquer une quelconque information. Après la visite, des sources non gouvernementales ont indiqué que les représentants Khmers krom ne s’étaient pas exprimés apparemment en raison de pressions de la Sécurité.

1. Informations des autorités

48. Outre les informations données ci-dessus quant à la politique du Gouvernement dans le domaine religieux et donc relativement aux bouddhistes, le Bureau des affaires religieuses a donné un aperçu historique du bouddhisme au Vietnam et, se référant à l’EBUV, a expliqué qu’une minorité au sein de cette organisation avait refusé en 1981 l’unification au sein de l’Association bouddhiste du Vietnam. Le représentant du Bureau des affaires religieuses a déclaré que ce refus n’intéressait pas le Gouvernement et ne constituait pas un problème. Il a ajouté que des membres de l’EBUV avaient été arrêtés et condamnés pour non-respect de la loi.

49. Le Vice-Ministre de la sécurité publique a réfuté les allégations quant à la présence, dans les pagodes, de faux bonzes relevant de la Sécurité en précisant que tous les citoyens devaient être contrôlés. L’Institut de recherche sur la religion a déclaré ne pas disposer de suffisamment de documents permettant d’établir la légalité ou non des activités de l’EBUV.

50. À la question du Rapporteur spécial sur la manifestation organisée à Huê, le 24 mai 1993, par des bonzes pour la liberté religieuse et les droits de l’homme, le Vice-Président de la province de Huê a déclaré qu’il ne fallait pas profiter de la religion pour accomplir de mauvaises actions. Il a précisé que de tels agissements étaient réprouvés par la religion bouddhiste. Il a conclu que l’affaire était désormais résolue et que les responsables étaient depuis sortis de prison. Le Directeur des affaires religieuses de Huê a expliqué que si la manifestation avait véritablement eu un caractère religieux, la population entière se serait révoltée.

51. Le responsable du camp de rééducation Z30A, à Xuên Lôc, province de Dông Nai, a informé le Rapporteur spécial de la libération, le 24 octobre 1998 dans le cadre d’une amnistie, de Thich Nhât Ban, bonze de l’EBUV. Il a déclaré que Thich Huê Dang, bonze de l’EBUV, ne se trouvait pas dans le camp.

52. Relativement aux Khmers krom, le représentant du Bureau des affaires religieuses a déclaré que ces derniers étaient membres de l’Association bouddhiste du Vietnam et comptaient plus de 10 000 bonzes sur un total de 28 000, ceci malgré leur faible population. Le Vice-Ministre de la sécurité publique a estimé que les Khmers krom bénéficiaient de la liberté de religion.

2. Informations de l’Association bouddhiste du Vietnam

53. Les représentants de l’Association bouddhiste du Vietnam ont déclaré que les Bouddhistes bénéficiaient de la liberté de religion à l’occasion d’une période propice à la pratique religieuse, à la construction et la rénovation de lieux de culte, aux publications religieuses, et à la formation de religieux au sein d’instituts de formation bouddhiste au Vietnam ou dans le cadre d’études à l’étranger. Il a été précisé que les déplacements de religieux étaient soumis à l’autorisation de l’Association bouddhiste du Vietnam.

54. Le représentant à Hanoi a déclaré que la politique d’État se caractérisait par la non-intervention dans les affaires internes de l’Association bouddhiste du Vietnam et par une aide aux religions et la création de conditions favorables.

55. Le représentant à Hô Chi Minh-Ville a déclaré que l’enseignement du bouddhisme était indépendant tout en précisant que la liste des étudiants candidats devait être soumise aux autorités, lesquelles donnaient toujours leur approbation. Eu égard à la question du Rapporteur spécial sur la présence, dans les pagodes, de faux bonzes, il a été répondu qu’il s’agissait d’un épiphénomène.

56. Les représentants à Huê et Hô Chi Minh-Ville ont dit que le bouddhisme pouvait contribuer au développement du Vietnam et réciproquement connaître son propre développement. Ils ont souhaité de meilleures conditions financières afin de permettre la progression du bouddhisme au travers des lieux de culte et des instituts de formation.

57. Au sujet de l’EBUV, les représentants de l’Association bouddhiste du Vietnam ont expliqué que les responsables de cette organisation avaient refusé de s’unifier dans le cadre de l’Association, notamment en raison de leur propre conception sur le développement du bouddhisme et sur les institutions étatiques.

58. Des représentants à Hanoi et Hô Chi Minh-Ville ont déclaré que les arrestations de responsables de l’EBUV étaient notamment liées à leur non-acceptation de l’Association bouddhiste du Vietnam et du régime politique, ainsi qu’à la conduite d’activités en dehors de l’unique association bouddhiste reconnue.

59. Un interlocuteur a précisé que les responsables de l’Association bouddhiste du Vietnam pouvaient, d’une part, demander l’amnistie du Gouvernement pour les religieux arrêtés et, d’autre part, intervenir auprès des autorités lors d’arrestations arbitraires. Un représentant à Huê a déclaré que l’Association bouddhiste du Vietnam n’avait pas d’appréciation sur ces arrestations et condamnations relevant de l’État.

60. Un représentant à Huê a expliqué que de nombreux responsables de l’EBUV avaient rejoint l’Association bouddhiste du Vietnam et que désormais l’EBUV, forte dans le passé, ne regroupait qu’une minorité de bouddhistes. Il a ajouté que l’EBUV prétendait néanmoins représenter la majorité et, à cet effet, accusait l’Association bouddhiste du Vietnam d’être une association de l’État. À propos des informations du Rapporteur spécial sur la manifestation à Huê, le 24 mai 1993, de 40 000 bonzes et les arrestations de Thich Không Than, Thich Nhât Ban et Thich Hai Chanh, le représentant à Huê a contesté le nombre de manifestants, le chiffre de 40 000 bonzes étant irréaliste au regard d’une population à Huê estimée à 100 000 personnes et a considéré que de simples passants avaient été comptabilisés. Il a ajouté que cette manifestation était le fait de jeunes bonzes ayant créé le désordre vis-à-vis de l’Association bouddhiste du Vietnam. Il a souligné que les cas d’emprisonnement reposaient sur des accusations d’atteinte à l’ordre social.

61. Au sujet des Khmers Krom et des allégations quant à leur marginalisation, notamment religieuse, le représentant de l’Association bouddhiste du Vietnam à Hanoi a déclaré que des problèmes mineurs existaient mais que leur situation était, en général, satisfaisante. Il a été précisé que l’Association bouddhiste du Vietnam apportait son soutien aux Khmers Krom, notamment par l’envoi de bonzes en étude à l’étranger. Le représentant à Huê a précisé que les Khmers Krom étaient représentés au comité central de l’Association bouddhiste du Vietnam.

3. Informations de prisonniers en camp de rééducation

62. Le Rapporteur spécial s’est entretenu avec deux membres de l’EBUV, Thich Không Than et Thich Thiên Minh, dans le camp de rééducation Z30A, à Xuên Lôc, province de Dông Nai, dans les conditions décrites au paragraphe 5 ci-dessus. Thich Không Than a déclaré être emprisonné en raison de ses convictions religieuses et pour avoir transmis un document au Groupe de travail sur la détention arbitraire lors de sa mission au Vietnam en 1994. Le Rapporteur spécial a pu établir, qu’en l’espèce, il ne s’agissait que d’une lettre ouverte de Thich Quang Dô adressée au secrétaire général du parti communiste. Thich Thiên Minh a déclaré être détenu en raison de son opposition, dans le passé, à l’utilisation arbitraire d’une pagode par les autorités comme bureau et en raison de sa dénonciation des violations des droits de l’homme au Vietnam.

63. Les deux prisonniers ont confirmé que les prisonniers religieux n’étaient pas séparés des prisonniers de droit commun; que toute activité religieuse était interdite, qu’ils ne pouvaient pas s’appeler par leur nom religieux et qu’ils étaient obligés de travailler, cette mesure s’appliquant aussi aux bonzes. Ils ont déploré les mauvaises conditions de détention, notamment l’isolement des détenus, leur enchaînement, l’interdiction d’utiliser du papier et un stylo, les risques de sida dus notamment àl’utilisation commune d’une seule lame de rasoir, le travail imposé à des personnes âgées de plus de 70 ans, et la détention de personnes malades, notamment au regard de la santé mentale. Ils ont revendiqué l’indépendance de l’EBUV.

64. Thich Thiên Minh a souhaité que la Commission des droits de l’homme demande la libération, sans condition, de tous les prisonniers religieux et politiques, la restitution des propriétés religieuses, le respect des droits de l’homme et du multipartisme, et notamment l’abrogation de l’article 4 de la Constitution sur la suprématie du Parti communiste afin que tout un chacun puisse participer au développement du Vietnam.

4. Informations non gouvernementales

65. En ce qui concerne la situation générale des bouddhistes, les informations non gouvernementales données au chapitre II consacré à la politique de l’État sont également valables.

66. Pour ce qui est plus particulièrement de l’EBUV, de nombreuses sources non gouvernementales, y compris l’EBUV, ont expliqué que cette organisation avait refusé de s’intégrer au sein de l’Association bouddhiste du Vietnam perçue comme une association d’État afin de prévenir toute tentative des autorités de neutralisation du bouddhisme; la création de l’Association bouddhiste du Vietnam a en fait mis l’EBUV hors la loi. La contestation bouddhiste a pris de l’ampleur lors des funérailles, en 1992, du patriarche de l’EBUV, Thich Don Hau, et de sa succession par Thich Huyên Quang (détenu sans procès depuis 1982). Selon ces mêmes informations, les autorités ont réprimé la manifestation des bonzes à Huê en mai 1993 (notamment arrestations de Thich Tri Tuu, Thich Hai Tang, Thich Hai Tinh, Thich Hai Chanh), la mission d’aide de l’EBUV aux victimes des inondations dans le delta du Mékong en octobre 1994 (arrestations de Thich Không Than, Thich Nhât Ban, Thich Tri Luc, Nhât Thuong et Dòng Ngoc, et en janvier 1995 de Thich Quang Dô, Secrétaire général de l’EBUV) et maintenu une pression sur les bouddhistes de l’EBUV (harcèlement, surveillance, confiscations de biens, etc.). Le Mouvement bouddhiste de la jeunesse, propre au réseau éducatif bouddhiste, a été démantelé et remplacé par une “section de l’Union de la jeunesse” dépendant du Parti communiste.

67. Une source non gouvernementale, tout en confirmant les informations données ci-dessus sur la situation générale de l’EBUV, a considéré que l’EBUV militait pour le développement du fondamentalisme bouddhiste et son édification comme religion d’État. Cet interlocuteur a ajouté qu’il s’agissait d’une tendance minoritaire, mais soutenue par l’étranger. A propos de la manifestation de Huê, il a déclaré que cet événement n’avait pas eu le soutien de la population; cette manifestation avait finalement été manipulée par les cadres communistes afin de démontrer à la communauté internationale la nécessité d’intervenir.

68. Quant aux Khmers Krom, selon des sources non gouvernementales, y compris des Khmers Krom, ces derniers, situés essentiellement dans la région du delta du Mékong, appellent au respect de leur identité ethnico-religieuse. À cet effet, tout en reconnaissant des améliorations récentes dans le domaine de la pratique religieuse et des lieux de culte, les Khmers Krom contestent l’ingérence des autorités dans les affaires religieuses internes de leur communauté. Plusieurs requêtes ont été formulées dont :

a) La possibilité de créer une association bouddhiste Khmer Krom indépendante de l’Association bouddhiste du Vietnam qualifiée d’instrument du pouvoir;

b) Une totale liberté de culte, notamment par l’arrêt de l’obligation faite à tous les temples Khmers Krom de la province de Soc Trang de célébrer le festival Kathinatean le même jour, contrairement à la tradition bouddhiste qui veut que ce festival ait lieu au cours du mois d’octobre à une date laissée au choix des fidèles;

c) La restitution de temples et propriétés religieuses Khmers Krom confisqués depuis 1975;

d) La possibilité pour d’anciens prisonniers religieux Khmers Krom de réintégrer leur temple et leur statut de religieux.

B. La communauté catholique

69. On trouvera ci-dessous les informations recueillies auprès des autorités, de l’Église catholique et de diverses sources non gouvernementales.

1. Informations des autorités

70. En ce qui concerne la situation de la communauté catholique, les informations obtenues auprès des autorités et qui sont données au chapitre II consacré à la politique de l’État dans le domaine religieux sont également valables.

71. En réponse à la question du Rapporteur spécial sur la formation de religieux catholiques, le représentant du Bureau des affaires religieuses a déclaré que l’Église catholique disposait de six instituts de formation de prêtres; il a précisé que tout candidat devait être un “bon citoyen

2. Informations de l’Église catholique

72. Les représentants de l’Église catholique estiment que la situation de leur communauté se caractérise, depuis l’ouverture de 1990, par une évolution progressive faite à la fois d’avancées et du maintien de limitations (comparativement à une période antérieure caractérisée par une forme de persécution et de discrimination en raison de la perception de l’Église catholique comme instrument de l’occidentalisation et du colonialisme). Une pratique religieuse forte et en développement, notamment auprès de la jeunesse, a été constatée. Cette évolution a été interprétée comme résultant à la fois de conditions plus favorables aux religions et d’une recherche intérieure vers la foi afin de combler une vie sociale extérieure très restreinte.

73. Tout en appréciant la portée de cette évolution, les responsables catholiques ont rappelé la persistance de limitations assurant une ingérence des autorités dans les affaires religieuses internes et affectant la situation religieuse des catholiques :

a) Le programme des activités de l’Église catholique doit être approuvé par les autorités. Toute activité supplémentaire non prévue doit faire l’objet d’une déclaration auprès des autorités s’agissant d’une messe, ou de leur accord s’agissant de rassemblements de jeunes;

b) Le nombre de prêtres demeure insuffisant en raison des difficultés de formation (existence d’un numerus clausus et d’un délai de deux ans pour l’approbation des candidats par les autorités), de l’approbation nécessaire des autorités pour la nomination de prêtres, et des besoins en séminaires (demande d’ouverture de deux séminaires à Thai Binh et Xuên Lôc afin de soulager ceux de Hanoi et de Ho Chi Minh-Ville et demande de restitution du séminaire universitaire de Dalat, propriété du Vatican);

c) La nomination des évêques et archevêques par le Vatican suppose l’approbation des autorités. La situation s’est récemment débloquée suite à des négociations entre Hanoi et le Saint-Siège (consultations des évêques vietnamiens par le Vatican pour l’établissement d’une liste de candidats parmi lesquels Hanoi fait son choix);

d) Malgré une certaine évolution, des obstacles politiques et administratifs demeurent pour la nomination et le changement de poste des prêtres ;

e) La circulation des prêtres d’un diocèse à un autre pour leurs fonctions religieuses doit être autorisée par les autorités ;

f) La construction et la restauration de lieux de culte doivent être approuvées par les autorités. Sont également formulées auprès des autorités des demandes de restitution de certains biens de l’Église, lorsque ces propriétés deviennent nécessaires pour le bon déroulement des activités religieuses;

g) Le nombre de bibles est suffisant, mais l’Église catholique demande la création d’une maison d’édition catholique distincte des établissements officiels, afin de garantir la liberté de publier les livres religieux et de prévenir toute censure ;

h) L’Église catholique souhaite avoir la possibilité de participer aux activités d’éducation et de mettre sur pied des oeuvres sociales et hospitalières ;

i) Une visite du pape est vivement souhaitée.

74. Il ressort des entretiens avec l’Église catholique que les améliorations constatées dans le domaine religieux ont souvent été perçues comme une sorte de laissez-faire des autorités qui ne représenterait pas pour autant les gages et les garanties d’une politique et d’une législation favorables à la liberté de religion et à ses manifestations ; il s’agirait beaucoup plus de tolérances consenties et de faveurs octroyées que de droits indiscutables. Notons, par ailleurs, la création en 1983 d’un Comité de solidarité catholique vietnamien qui dépendrait du pouvoir, mais aurait une très faible représentativité et ne constituerait pas un véritable problème pour l’Église catholique.

75. Concernant les prisonniers religieux, des représentants de l’Église catholique ont déclaré que trois catholiques étaient détenus dans le camp Z30A de Xuên Lôc, ainsi qu’un catholique dans le camp 5, groupe 25, à Thieu Yen, Thanh Hoa. Lors de sa visite, le Rapporteur spécial a, par ailleurs, été informé par des responsables catholiques de la libération, le 24 octobre 1998, de Nguyên Viêt Hien et Nguyên Chan Dat, deux prêtres détenus au camp Z30A.

3. Autres informations non gouvernementales

76. Des sources non gouvernementales crédibles et sûres ont confirmé la présence dans le camp Z30A de trois religieux catholiques, John Bosco Pham Minh Tri, Bernard Nguyên Viêt Huân et Michael Nguyên Van Tinh ; il a été précisé que John Bosco Pham Minh Tri souffrait de troubles mentaux.

C. La communauté cao-dai

77. On trouvera ci-dessous les informations recueillies auprès des autorités, du Conseil d’administration du Saint-Siège des Cao-Dai et de diverses sources non gouvernementales.

78. Le Rapporteur spécial tient à rappeler qu’il n’a pu rencontrer des religieux cao-dai du Conseil sacerdotal (dissous en 1979, voir le paragraphe 83 ci-dessous) qui souhaitaient lui remettre un dossier de doléances. Après la mission du Rapporteur spécial, les représentants de ces religieux ont donné les renseignements suivants : le prêtre Lê Quang Tan (à Ho Chi Minh-Ville) et l’archevêque Thai The Thanh (à Tay Ninh) auraient été empêchés par la police de rencontrer le Rapporteur spécial, et M. Pham Cong Hien et Mme Le Kim Bien (province Kien Giang) auraient été arrêtés.

1. Information des autorités

79. En ce qui concerne la situation de la communauté cao-dai, les informations obtenues auprès des autorités et qui sont données au chapitre II consacré à la politique de l’État dans le domaine religieux sont également valables.

2. Informations du Conseil d’administration du Saint-Siège des Cao-Dai

80. Le Rapporteur spécial a été accueilli, au Saint-Siège des Cao-Dai à Tay Ninh, par une trentaine de responsables cao-dai, dont le plus haut dignitaire religieux. Cependant, une seule personne, se présentant comme membre du Conseil d’administration du Saint-Siège, a pris la parole au nom du groupe; aucune autre personne – pas même le plus haut dignitaire religieux – n’est intervenue. Plusieurs personnes prenaient des notes sur la réunion qui était, par ailleurs, enregistrée et filmée. Lorsque le Rapporteur spécial a cherché à entamer une discussion avec certaines personnes, le membre du Conseil d’administration qui avait parlé au nom du groupe a noté qu’il n’y avait plus rien à dire et a poliment mis fin à la réunion.

81. Ce représentant a estimé que la situation de la communauté cao-dai était satisfaisante et se caractérisait par une totale liberté de religion et un essor du caodaïsme notamment à travers la construction et la rénovation de lieux de culte et par des manifestations religieuses de plusieurs milliers de fidèles.

82. À la question du Rapporteur spécial relative aux doléances exprimées par des Cao-Dais contestant une ingérence des autorités au sein du caodaïsme, l’utilisation de l’Association cao-dai par les autorités et les arrestations de dignitaires religieux (voir le paragraphe 83), le représentant du Conseil d’administration a déclaré que, d’une part, l’Association cao-dai représentait 99 % des fidèles et que, d’autre part, seule une poignée insignifiante de fidèles n’était pas satisfaite. Il a ajouté que certains Cao-Dais avaient violé les principes du caodaïsme, ce qui avait conduit à “leur sortie de cette religionIl a également été précisé que des Cao-Dais avaient été condamnés pour des motifs n’ayant aucun lien avec les activités religieuses. Enfin, le représentant du Conseil d’administration a déclaré que seul le Saint-Siège avait le pouvoir d’autoriser la pratique du caodaïsme et que ses dignitaires avaient été sélectionnés par les fidèles caodaïstes.

3. Informations non gouvernementales

83. Plusieurs sources non gouvernementales, y compris d’origine cao-dai, ont déclaré que les autorités avaient mené une politique d’ingérence tout à fait préjudiciable à la religion cao-dai. Les principales étapes de cette politique sont résumées ci-dessous pour une meilleure compréhension de la situation actuelle :

a) De 1975 à 1979 : décret 297 du 11 novembre 1977 plaçant l’Église cao-dai sous le contrôle du Front patriotique ; confiscation de toutes les propriétés religieuses; autorisation préalable des autorités pour toute activité religieuse ; arrestations de religieux ; jugement du 20 septembre 1978 du Front patriotique de Tay Ninh condamnant globalement les activités religieuses du caodaïsme qualifiées de contre-révolutionnaires;

b) De 1979 à 1996 : décret 01/HTDL du 1er mars 1979 signé – sur ordre et sous la pression de l’autorité provinciale de Tay Ninh – par le Conseil sacerdotal mettant fin à sa fonction, annonçant la dissolution de tous les corps religieux et la création d’un Conseil exécutif avec les pleins pouvoirs. Or ce Conseil, totalement contrôlé par les autorités, n’est pas prévu par les statuts du caodaïsme de 1926; c’est donc une violation flagrante de ces statuts. Cette période est aussi marquée par des arrestations, des détentions et des mises en résidence surveillée de dignitaires caodaïstes ;

c) Depuis 1996 : plan d’exécution 01-HK/TV du 27 mai 1996 du Comité exécutif du Parti communiste de Tay Ninh visant au démantèlement de juin à septembre 1996 de l’Église cao-dai de Tay Ninh, son remplacement par une Église cao-dai d’État et l’exclusion de religieux qualifiés d’“éléments mauvais et extrémistesPromulgation le 5 mai 1997 d’une nouvelle charte en contradiction avec la Charte constitutive du caodaïsme. Finalement, actuellement, deux groupes distincts seraient associés au caodaïsme : un Conseil de gestion constitué de quelques dignitaires religieux contrôlés par les autorités et une majorité de dignitaires religieux indépendants contestant ce Conseil.

Les sources non gouvernementales dénoncent donc une politique niant la liberté religieuse par une ingérence dans les affaires internes de la religion caodai.

D. La communauté Hoa Hao

84. Le Rapporteur spécial n’a pas été en mesure de rencontrer des représentants de la communauté Hoa Hao tant dans un cadre officiel qu’en privé. Après la mission, des sources non gouvernementales ont transmis des informations alléguant que les représentants prévus dans le cadre d’une rencontre en privé avaient subi des pressions de la Sécurité, ce qui avait rendu impossible l’entretien.

1. Informations des autorités

85. En ce qui concerne la situation de la communauté Hoa Hao, les informations obtenues auprès des autorités et qui sont données au chapitre II consacré à la politique de l’État dans le domaine religieux sont également valables. Le représentant du Bureau des affaires religieuses a déclaré que la religion Hoa Hao constituait l’une des six religions officielles. Un représentant du Ministère des affaires étrangères a néanmoins indiqué qu’il n’existait pas d’organisation Hoa Hao.

2. Informations non gouvernementales

86. Selon des sources non gouvernementales y compris des sources Hoa Hao, les autorités maintiennent, depuis 1975, leur décision de fermeture, d’une part, de tous les sièges d’administration de l’Église Hoa Hao (au nombre de 3 589) aux niveaux central, régional et communal et, d’autre part, de tous les lieux de culte et établissements religieux et à vocation sociale et culturelle (plus de 5 000 dont, dans la province de An Giang, une université, un hôpital et un centre de propagation de la foi). Sont également interdites la diffusion des Écritures sacrées Hoa Hao et la célébration des fêtes religieuses Hoa Hao en public, y compris le Saint-Jour de la commémoration de la fondation de l’Église Hoa Hao. Selon ces sources, les fidèles Hoa Hao sont soumis à une étroite surveillance policière et des dignitaires religieux, arbitrairement arrêtés dans le passé, continuent d’être détenus.

87. Depuis 1993, M. Lê Quang Liem, Président de l’ex-Comité central de la Congrégation bouddhiste Hoa Hao, a transmis aux autorités ses doléances relatives notamment au rétablissement de la Congrégation et à la dénonciation d’ouvrages officiels blasphémant le fondateur de la religion Hoa Hao.

E. La communauté protestante

88. On trouvera ci-dessous les informations recueillies auprès des autorités et de sources non gouvernementales, y compris les renseignements fournis par le révérend Paul Ai rencontré en privé à Hô Chi Minh-Ville.

1. Informations des autorités

89Les informations des autorités concernant la communauté protestante qui sont données au chapitre II relatif à la politique de l’État dans le domaine de la religion sont également valables.

90. A la question du Rapporteur spécial relative à des allégations de non-respect des droits religieux des protestants, en particulier des minorités ethniques, le Vice-Ministre de la sécurité publique a répondu que, dans le passé, des allégations américaines de destructions de lieux de culte s’étaient révélées fausses; il confirmait la présente situation de respect des lieux de culte, y compris des minorités ethniques.

2. Informations non gouvernementales

91. Si différentes sources non gouvernementales reconnaissent certaines améliorations progressives dans le domaine religieux qui bénéficient notamment aux protestants, ou du moins à certaines congrégations protestantes, telles que la possibilité d’imprimer des bibles et la construction de lieux de culte, des difficultés majeures subsistent néanmoins.

92. Les autorités refusent de reconnaître juridiquement les congrégations protestantes autres que l’Église évangélique du Vietnam (basée à Hanoi et regroupant environ 20 petites congrégations), qui est qualifiée d’organisation religieuse sous la coupe de l’État. Afin de ne pas être “noyautées” par le pouvoir, la majorité des congrégations ont résisté aux pressions des autorités tendant à la création d’une organisation unique de toutes les congrégations protestantes; ces congrégations sont donc soit tolérées, c’est-à-dire reconnues de facto, soit clandestines.

93. La plupart des organisations protestantes exercent leurs activités religieuses sans reconnaissance légale soit dans des lieux de culte, soit dans des domiciles privés, voire en forêt pour les minorités ethniques des zones montagneuses. Ces congrégations sont soumises au bon vouloir des autorités, qui peuvent exercer une forme de laissez-faire ou, au contraire, réagir face à des activités qualifiées d’illégales.

94. L’intervention des autorités à la suite d’activités illégales se traduit par les actions suivantes :

a) Interruption des services religieux par la Sécurité, sanctions financières pour les responsables religieux et confiscations de toute littérature religieuse;

b) Confiscations voire destructions de lieux de culte (à titre d’exemple, en décembre 1997, l’église de Tanh My dans la province de Lâm Dông, confisquée après 1975, puis utilisée comme bibliothèque publique et abandonnée, a été détruite au bulldozer, malgré la demande de restitution par une organisation protestante conformément à la directive 500 HD/TGCP);

c) Harcèlements et arrestations de pasteurs. À titre d’exemple, les pasteurs Lo-Van-Hoa, Lo-Ven-Hen et Nguyên-Van-Vuong ont été arrêtés le 14 mars 1996 et le 13 avril 1996, dans le district Dien-Bien, de la province Lai-Chau, et condamnés, en septembre 1996, à 36 mois d’emprisonnement;

d) La situation apparaît plus difficile encore pour les minorités ethniques du nord du Vietnam, les Hmong, Hre, Jeh et Jera, en raison d’un fort mouvement de conversions au protestantisme (selon certaines informations, 120 000 Hmong ont adopté le protestantisme au cours des huit dernières années):

e) Arrestations et détentions de pasteurs et fidèles, sanctions financières, confiscations de livres religieux, destructions de lieux de culte et autres mesures destinées à contraindre les fidèles protestants de ces minorités à renoncer à leur foi et à cesser toute activité religieuse (à titre d’exemple, selon la pétition de Hmong du 3 octobre 1997, dans la province de Ho Giang, 300 protestants Hmong, de la ville de Bach Son, du hameau de Thuong Tan et du district de Bach, ont été arrêtés et soumis à de mauvais traitements du seul fait de leur religion).

f) Les propriétés religieuses protestantes (lieux de culte, séminaires, établissements scolaires et sanitaires), confisquées après 1975, ne sont pas restituées, malgré les demandes des congrégations protestantes. À titre d’exemple, l’Institut d’études théologiques et évangéliques, à Nha Trang, dans la province de Khanh Hoa, saisi par les comités populaires de Khan Hoa en 1978, a été loué à des entrepreneurs australiens pour la construction d’un complexe hôtelier, malgré plusieurs demandes de restitution de l’Église protestante;

g) Depuis 1975, les autorités n’ont autorisé qu’une seule classe de 13 étudiants à bénéficier d’une formation religieuse protestante. Aucun établissement de formation théologique protestant n’est autorisé, ce qui contraint les congrégations religieuses à organiser des formations privées de pasteurs. Les ordinations de pasteurs, que les autorités veulent superviser, sont rarement autorisées.

F. La communauté musulmane

95. Les informations ci-dessous ont été recueillies auprès des autorités et de l’Association des musulmans du Vietnam.

1. Informations des autorités

96. Les informations des autorités relatives à la situation de la communauté musulmane qui sont données au chapitre II sont également valables.

2. Informations de l’Association des musulmans du Vietnam

97. Les représentants de l’Association des musulmans du Vietnam ont déclaré que leur communauté, essentiellement implantée au sud du pays et constituée de Vietnamiens de souche ou originaires de Malaisie, d’Inde et d’Indonésie, bénéficiaient de la liberté de religion. Ils ont souligné que leurs activit