Eglises d'Asie

Gujarat : des militants chrétiens s’opposent à la présentation calomnieuse des religions minoritaires dans les manuels scolaires de l’Etat

Publié le 18/03/2010




Dans la province de Gujarat qui, depuis un an et demi, est le théâtre de violences anti-chrétiennes sans précédent dans l’histoire de l’Inde, un climat d’intolérance insupportable s’est également instauré à l’intérieur même du système de l’éducation nationale. “Le préjugé, le communautarisme, la caste et le sexe dictent aujourd’hui la politique de l’éducation au Gujarat”, a constaté le P. Cedric Prakash, qui, au début du mois d’août, a convoqué à Ahmedabad, un certain nombre de groupes d’enseignants chrétiens pour un séminaire de discussions ayant pour thème la “safranisation” de l’éducation, le jaune safran étant la couleur du drapeau et des uniformes des partis pro-hindous.

L’attention des participants s’est portée plus particulièrement sur divers manuels scolaires où les chrétiens et les musulmans sont également présentés comme des étrangers et des traîtres. Divers exemples sont venus illustrer ces accusations. Ainsi, le manuel scolaire pour le 9ème degré d’études sociales affirme que les prêtres catholiques ont accumulé une abondante fortune grâce à la perception de taxes et de droits illégaux, qu’il se sont rendus propriétaires de terrains immenses en vendant des “miracles” (sic), qu’ils se livrent aux plaisirs du monde et ont un comportement immoral. Le manuel du dixième degré décrit l’Eglise comme un système féodal dans lequel évêques et responsables de paroisse étaient autrefois propriétaires de plus de la moitié de la terre et des biens. Le pape lui-même était un grand propriétaire terrien. L’Eglise recevait d’immenses dons et devenait tous les jours plus riche. Le manuel accuse également le pape et les dirigeants de l’Eglise d’oublier leurs devoirs et de s’adonner aux plaisirs des sens. Par ailleurs, en d’autres passages, les manuels présentent les minorités chrétiennes et musulmanes comme “faisant problème dans le pays“.

Des contre-vérités historiques parsèment la présentation des religions non hindoues dans ces manuels. On n’y distingue pas les Moghols, qui régnèrent sur l’Inde avant les Britanniques, des personnes de religion musulmane, de même que l’on confond volontairement Anglais et chrétiens. Les manuels font également silence sur les contributions des religions minoritaires à l’histoire de l’Inde. On a ainsi remplacé les grandes histoires morales, les poèmes des écrivains musulmans par des slogans religieux hindous. Selon un professeur d’université, ce ne sont pas simplement les religions autres que l’hindouisme qui sont présentées sous un faux jour, mais certains aspects de l’hindouisme, en particulier les contributions de dirigeants dalits escamotées au profit de celles de personnages de haute caste sans importance réelle.

Selon le P. Prakash, derrière ces leçons d’anti-christianisme se cache une volonté de faire naître et de nourrir des sentiments hostiles aux minorités religieuses chez les jeunes élèves, d’empoisonner des esprits qui n’ont pas la maturité suffisante pour déceler la véritable motivation des auteurs de manuels. Même les enseignants chrétiens dans les écoles patronnées par l’Eglise pourraient être obligés de répéter ces leçons, a fait remarquer un des participants du séminaire.

Teesta Setalvad, rédactrice en chef d’une revue hebdomadaire intitulée le “Combattre communautarisme“, a réuni un groupe de militants qui comptent rencontrer les responsables officiels de ces manuels pour discuter de cette présentation partiale du christianisme et de l’islam. Si ces discussions n’aboutissaient pas, le groupe est décidé à entreprendre une action en justice. Teestad Setalvad a déjà réussi à faire remplacer des passages calomniant l’islam dans des livres de l’Etat voisin du Maharastra. Elle a également fait introduire des corrections dans 25 manuels de la ville de Bombay (Mumbai) et espère obtenir les mêmes résultats dans l’Etat de Gujarat.