Eglises d'Asie

LETTRE PASTORALE DE MGR S. MICHAEL AUGUSTINE

Publié le 18/03/2010




Que la paix et la joie de Notre Seigneur Jésus-Christ soient avec vous tous, nos prêtres, religieux et laïcs bien aimés.

Chers frères et sours en Jésus-Christ Notre Seigneur,

Nous approchons rapidement du Jubilé de l’an 2000 et au niveau de notre archidiocèse nous sommes invités à célébrer cet événement de la manière la plus appropriée.

Avant d’entrer effectivement dans les célébrations, nous devons nous préparer de plus d’une manière. Nous pensons sérieusement à convoquer un synode diocésain qui commencera au cours de l’année du Jubilé et continuera au-delà.

1 – Préparation du Jubilé de l’an 2000

Nous avons déjà commencé notre préparation du Jubilé de l’an 2000 en différentes étapes. Un jubilé est toujours une occasion de grâce spéciale et un temps de joie. L’année du Jubilé doit aussi être une année de louange et d’action de grâces, particulièrement pour le don de l’incarnation du fils de Dieu, et de la Rédemption. Nous devons aussi exprimer notre gratitude pour le don de l’Eglise, établie par Jésus comme “une sorte de sacrement ou un signe de l’union intime avec Dieu, et d’unité de l’humanité toute entière” (1).

2 – L’unité de la race humaine

L’un des points saillants d’une célébration jubilaire est la restauration de l’égalité parmi les enfants d’Israël. La possibilité était donnée aux familles de recouvrer leurs propriétés et leur liberté. Les esclaves israélites, une fois libérés, deviendraient les égaux de leurs maîtres et revendiqueraient leurs droits. Comme dit le psalmiste, le roi “a pitié du faible et du nécessiteux, il sauve la vie de

ceux qui sont dans le besoin” (2). “Les origines de cette tradition sont strictement théologiques, liées en premier lieu à la théologie de la Création et de la divine Providence” (3). Cette tradition de restauration de l’égalité et de la solidarité est fondée sur l’unité de la race humaine, dans son origine comme dans son péché.

La Bible commence avec la création d’une race humaine unique et non pas avec le choix d’un peuple élu. Toute la race humaine partage une origine et une dignité communes. “Ainsi, Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa; homme et femme il les créa” (4). La chute de l’homme narrée par l’Ecriture manifeste aussi l’unité et la solidarité de l’homme. Le péché d’Adam et Eve affecte non seulement les premières générations mais la race humaine toute entière (5).

St Paul le confirme quand il dit : “De même que le péché d’un homme a amené la condamnation de tous, de même l’acte de justice d’un seul homme amène la rédemption et la vie pour tous les hommes. Par la désobéissance d’un seul homme beaucoup sont devenus pécheurs et par l’obéissance d’un seul beaucoup deviendront justes” (6). En Adam l’humanité toute entière est devenue une créature déchue. Moralement souillée et séparée de Dieu, l’humanité était socialement aliénée et désorientée. Elle avait besoin de l’intervention de Dieu lui-même pour être rachetée.

Citons les mots du Saint Père : “Il était commun de croire, en fait, que c’est à Dieu seul qu’appartenait le ‘dominium altum’, c’est-à-dire la seigneurie sur toute la création et sur la terre en particulier (cf Lév. 25, 23). Si, dans sa Providence, Dieu avait donné la terre à l’humanité, cela signifiait qu’il la donnait à tous. Par conséquent, les richesses de la Création devaient être considérées comme le bien commun de toute l’humanité… C’est la volonté de Dieu que les biens créés puissent servir à chacun d’une manière juste. L’année du Jubilé était voulue pour restaurer la justice sociale” (7).

A la lumière de ces paroles, il ne peut y avoir ni infériorité ni supériorité d’un peuple sur un autre. Tous sont égaux devant Dieu. Le racisme et le castéisme sont une perversion de la création. Le système des castes, qui était à l’origine un système d’organisation sociale, a dégénéré en la stratification rigide et fautive d’une inégalité basée sur la naissance. Une telle classification sociale ne trouve aucune justification dans la Bible. Elle est totalement étrangère à la conception et à la tradition chrétiennes fondées sur la paternité de Dieu et la fraternité des hommes.

3 – La dignité humaine

Dieu a donné à l’homme la maîtrise de la Création et la dignité humaine. Le psalmiste le confirme qui dit : “Qu’est-ce que l’homme pour que tu t’en soucies ? Pourtant, tu l’as fait à peine moindre qu’un dieu, tu l’as couronné de gloire et d’honneur. Tu lui as donné la souveraineté sur le travail de tes mains, tu as mis toutes choses à ses pieds…” (8).

Parlant de justice sociale, l’Eglise enseigne que “elle ne peut être obtenue que dans le respect de la dignité transcendante de l’homme” (9). Le respect pour les droits de l’homme est une conséquence de sa dignité de créature (10). Les peurs, les préjugés, les attitudes d’orgueil et de supériorité, qui font obstacle à l’établissement de sociétés réellement fraternelles, ne peuvent être éradiqués que dans la charité qui trouve en chaque personne “un prochain, un frère ou une sour” (11). Cette idée de traiter les autres comme des frères et des sours et de leur venir en aide de toutes les manières possibles est particulièrement importante quand il s’agit des défavorisés. “Comme vous l’avez fait au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait” (12). Cette obligation de traiter les autres comme nos égaux découle de la Création et de la Rédemption. “Créés à l’image du Dieu unique et également dotés d’âmes raisonnables, tous les hommes participent de la même nature et ont la même origine. Rachetés par le sacrifice du Christ, tous sont appelés à participer à la même béatitude divine : tous jouissent donc d’une dignité égale” (13).

La justice est une vertu morale qui consiste dans la volonté ferme et constante de donner à Dieu et au prochain ce qui leur est dû. La justice à l’égard de Dieu est appelée la vertu de religion. Le Catéchisme de l’Eglise catholique dit ceci : “La justice à l’égard des hommes dispose chacun à respecter les droits de tous et à établir dans les relations humaines une harmonie qui permette l’équité en ce qui concerne les personnes et le bien commun… ‘Vous ne serez pas abusifs à l’encontre du pauvre ou déférents envers le puissant, mais dans la justice vous jugerez votre prochain’ (Lév.19, 15). ‘Maîtres, traitez vos esclaves dans la justice et l’honnêteté, en sachant que vous n’avez qu’un seul maître au ciel’ (Col. 4,1)” (14).

Jésus est venu sur terre pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres (Lc 4, 18). Il a aussi déclaré que les pauvres sont bienheureux, parce que le Royaume leur appartient (Mt 5, 3). Du berceau jusqu’à la croix, Jésus a partagé la vie des pauvres. Il s’est identifié à toutes sortes de pauvres. Il exige notre amour envers les pauvres comme la condition pour entrer dans le Royaume de Dieu (Mt 25, 11-46). L’amour du Christ est universel, il n’est pas restreint à une petite élite. Il a donné sa vie pour le rachat de tous (Mt. 20, 28). En conséquence, “toute forme de discrimination culturelle ou sociale dans les droits fondamentaux de la personne, à cause du sexe, de la race, de la couleur, de la condition sociale, de la langue ou de la religion, doit être combattue et éradiquée parce qu’elle est incompatible avec le plan de Dieu” (15).

4 – Unité et évangélisation

L’année du Jubilé est un appel à nous lever comme une communauté unie de croyants, un peuple qui prie, qui loue et qui partage, redécouvrant ainsi l’esprit des premiers chrétiens. La vie des premiers chrétiens n’était pas seulement exemplaire, elle était aussi évangélisatrice. Ecoutons ce que nous dit le livre des Actes des apôtres : “Chaque jour ils allaient au temple ensemble et ils rompaient le pain dans leurs maisons. Ils partageaient la nourriture joyeusement avec un cour généreux, louant Dieu et gagnant la faveur du peuple tout entierIl n’est pas inintéressant de noter que le texte se termine par la mention suivante : “Et le Seigneur ajoutait à leur nombre tous les jours ceux qui étaient sauvés” (16). Le ministère d’évangélisation est très lié à la vie et au témoignage des vertus théologales de foi, d’espérance et de charité.

Ne nous laissons pas aller à imaginer que parce que nous vivons au milieu d’une majorité de gens très soucieux des castes, nous aussi devrions être soucieux des castes pour nous gagner de la dignité et le respect de la majorité. La Bible nous dit exactement l’opposé. C’est parce que les premiers chrétiens étaient d’un seul cour et d’une seule âme, mettant de côté toutes les différences et divisions de clocher et de culture, mettant tout en commun, que la Parole de Dieu s’est faite entendre et que leur nombre s’est multiplié à Jérusalem et qu’un grand nombre de prêtres furent obéissants dans la foi (Ac 4, 32-34); 6,7). L’esprit d’unité et de solidarité parmi les premiers chrétiens fut un témoignage puissant qui amena le peuple dans le troupeau de Jésus-Christ.

La vie des premiers chrétiens était un témoignage chrétien à la prière finale de Jésus au cours de la dernière Cène. Jésus révélait le désir profond de son cour quand il priait ainsi : “Je ne prie pas seulement pour mes disciples. Je prie aussi pour tous ceux qui croiront en moi grâce à leur parole, que tous soient un comme Toi, Père, tu es en moi et moi en Toi. Je prie pour qu’ils soient un en nous” (17). C’est ensuite que vient la raison réelle de son désir d’unité parmi les siens: “Que le monde sache que Tu m’as envoyé” (18). En d’autres termes, la meilleure et, en dernière analyse, la plus efficace des méthodes de propagation du christianisme dans le monde est l’unité de ceux qui affirment être disciples du Christ.

Déjà du temps de St Paul, des signe de désunion et de division commençaient à faire surface parmi les communautés qu’il avait fondées. Dans une angoisse douloureuse, il criait : “Le Christ aurait-il donc été divisé en plusieurs parts ?” (19). Aujourd’hui, les non-chrétiens nous posent la même question. Pouvons-nous nous désigner comme les disciples du Christ, tout en maintenant des préoccupations de caste et d’autres types de division ? Les divisions parmi les prêtres, les religieux et les laïcs de nos paroisses ne rendent-elles pas la prière de Jésus scandaleusement impuissante ? C’est ainsi que la communauté de l’Eglise est appelée à devenir un signe plus lumineux d’unité de toute l’humanité, et de la relation entre l’humanité et le reste de la Création.

5 – L’enseignement des apôtres

Nous tous, chrétiens baptisés, partageons le même sacerdoce du Christ. Le baptême nous a donné un statut spécial et la dignité humaine, comme le souligne St Pierre : “Vous êtes une race choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un seul peuple, afin que vous puissiez annoncer les louanges de celui qui vous a appelés des ténèbres vers son admirable lumière” (20). St Pierre veut donc que nous soyons tous “d’un seul esprit, en sympathie, nous aimant les uns les autres, compatissants et humbles” (21).

St Jean est tout aussi affirmatif quand il évoque la primauté de la charité : “Si quelqu’un dit j’aime Dieu, mais qu’il déteste son frère, c’est un menteur. Quiconque n’aime pas le frère qu’il peut voir ne peut aimer Dieu qu’il ne voit pas” (22). Dans sa lettre aux Romains, St Paul souligne la même doctrine : “Il n’y a pas de distinction entre Juif et Grec, le même Seigneur est Seigneur de tous, enrichissant tous ceux qui font appel à lui” (23). Dans sa lettre aux Galates, il dit encore : ” Dans le Christ Jésus vous êtes tous fils de Dieu par la foi. Tous ceux d’entre vous qui sont baptisés ont revêtu le Christ. Il n’y a ni Juif ni Grec. Il n’y a ni esclave ni homme libre; il n’y a ni homme ni femme, car vous êtes tous un dans le Christ Jésus” (24).

6 – La tradition chrétienne

Les Pères de l’Eglise ont transmis le message des Evangiles et celui des apôtres dans leurs sermons et leurs enseignements. “C’est l’homme, cette figure vivante grande et admirable, qui est plus précieux aux yeux de Dieu que toute la Création. C’est pour lui que ciel et terre, la mer et la création toute entière existent” (25). Parlant d’harmonie dans la vie de communauté, St Augustin nous dit que “l’harmonie n’est pas simplement une question de cohabitation. L’harmonie suppose une transformation profonde de notre être tout entier, inaugurée au baptême. Notre naissance selon la chair nous divise les uns d’avec les autres, notre re-naissance selon l’esprit nous rassemble tous en Un Seul, le Christ, quelle que soit notre origine terrestre, Juifs ou Gentils, riches ou pauvres. Un seul corps, un seul cour, une seule âme. Un seul corps, aussi nombreux que nous soyons, parce que nous participons à un seul pain (cf 1 Cor. 10, 17)” (26).

7 – Les vertus théologales

La charité

Notre vie de vertu est fondée sur les vertus théologales de foi, d’espérance et de charité, qui sont les fondements de la vie morale chrétienne. Elles sont infusées dans nos âmes par Dieu pour nous rendre capables d’agir en enfants de Dieu et de mériter la vie éternelle. “La charité est la vertu théologale par laquelle nous aimons Dieu au-dessus de toutes choses, pour lui-même, et notre prochain comme nous-mêmes pour l’amour de Dieu” (27). Jésus a dit : “Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Comme je vous aimés, ainsi vous devez vous aimer les uns les autres. C’est ainsi que tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres” (28). Sans la charité, nous ne sommes rien (Cf. 1 Cor. 13, 1-4). La charité est supérieure à toutes les autres vertus.

Commentant la charité, telle qu’elle est proposée dans la première lettre de St Jean (cf Jn 4, 8-16), le Saint Père rappelle que, dans sa double dimension d’amour de Dieu et du prochain, elle est l’ultime réalité de la vie morale du croyant. Il ajoute : “Si nous nous souvenons que Jésus est venu prêcher la Bonne Nouvelle aux pauvres (29) comment pouvons-nous ne pas mettre davantage l’accent sur l’option préférentielle pour les pauvres et les rejetés ? Il faut dire en effet que l’engagement pour la justice et la paix dans un monde comme le nôtre, marqué par tant de conflits et d’intolérables inégalités sociales et économiques, est une condition nécessaire pour la préparation et la célébration du Jubilé” (30). Si nous pratiquons la justice et la charité, il y aura de la joie, de la paix et de la compassion. “La charité exige la bienveillance et la correction fraternelle, elle est bienveillance; elle nourrit la réciprocité et demeure désintéressée et généreuse; elle est amitié et communion” (31).

La foi

La foi inspire et motive notre vie morale chrétienne. Elle soutient notre vie de prière et la prière, à son tour, enrichit notre foi. “Prière et vie chrétienne sont inséparables parce qu’elles concernent le même amour, la même renonciation, elles procèdent de l’amour, la même conformité filiale et aimante avec le plan d’amour de Dieu” (32). Nous prions comme nous vivons, parce que nous vivons comme nous prions.

8 – Eucharistie et unité

Dans les prières eucharistiques nous prions tous les jours pour l’unité parmi nous. “Que tous ceux d’entre nous qui partagent le corps et le sang du Christ soient rassemblés dans l’unité par le Saint Esprit” (Prière eucharistique N° 2); “Fais que nous, qui sommes nourris par son corps et par son sang, soyons remplis de son Esprit Saint et devenions un seul corps, un seul esprit dans le Christ, un vivant sacrifice de louange” (Prière eucharistique N° 4). Toutes ces prières que nous adressons à Dieu ne seraient-elles que des mots vides ? Ces mots ne pénètrent-ils pas profondément dans nos cours pour transformer nos esprits et nos cours, parce que nous sommes tous incorporés dans le même corps du Christ? Si nous sommes nourris et renforcés par la foi et la prière, comment expliquer nos sentiments intérieurs de dissensions, divisions et conflits ? Notre foi ne serait-elle que superficielle et formaliste ?

L’Eucharistie nous engage aux côtés des pauvres. Pour recevoir en vérité le corps et le sang du Christ donné pour nous, nous devons reconnaître le Christ dans les plus pauvres, ses frères. “Vous avez goûté le sang du Christ et pourtant vous ne reconnaissez pas son frère… Dieu vous a libérés de tous vos péchés et vous a invités ici, mais vous n’êtes pas devenus miséricordieux” (33). St Augustin s’exclame : “O Sacrement de dévotion ! O signe d’unité ! O lien de la charité !” (34). Il est très douloureux de considérer les divisions parmi nos fidèles, divisions qui cassent notre participation commune à la table du Seigneur. L’Eucharistie fait l’Eglise. La communion au corps et au sang du Christ fait la communion des uns et des autres parce que nous sommes tous incorporés dans le même corps mystique du Christ. “Ceux qui reçoivent l’eucharistie sont unis plus étroitement au Christ. Par elle, le Christ les unit à tous les fidèles en un seul corps – l’Eglise. La communion renouvelle, renforce et approfondit cette incorporation dans l’Eglise, déjà accomplie dans le baptême. Dans le baptême, nous avons été appelés à ne former qu’un seul corps (cf 1 Cor. 12,13L’Eucharistie accomplit cet appel : “La coupe de bénédiction que nous bénissons n’est-elle pas participation au sang du Christ ? Le pain que nous rompons n’est-il pas participation au corps du Christ ? Parce qu’il n’y a qu’un seul pain, nous qui sommes nombreux ne formons qu’un seul corps, car nous partageons le même pain” (1 Cor. 10, 16-17) (35).

9 – Les applications pastorales

Considérons maintenant sérieusement l’état des choses dans notre archidiocèse. Il semble qu’il y ait des divisions parmi nos prêtres, qui sont supposés être des acteurs d’unité et de solidarité dans le peuple et dans le clergé. Il n’est pas rare que quelques-uns d’entre nous, avec des laïcs, s’adonnent à des agressions publiques et quelquefois sournoises. Toutes les attaques personnelles et diffamatoires contre d’autres ne mènent nulle part. Les écrits accusateurs destinés à intimider, indiquant une animosité revancharde, sont le plus souvent des péchés de diffamation et de calomnie. De telles actions sont des péchés sérieux qui violent les principes de la charité.

Ici et là, nous constatons que des communautés catholiques sont divisées sur des considérations de castes et de clans. Il y a encore dans notre archidiocèse des lieux où les distinctions de caste sont appliquées sous des formes et à des degrés divers. Je connais les cas de trois ou quatre villages où il n’y a qu’une seule caste ou un seul groupe dalit. Même dans ces cas, un seul groupe domine tous les autres à cause de certains privilèges traditionnels, alors que les autres groupes demandent des droits égaux. Le groupe privilégié résiste au partage des droits avec les autres. Ceci crée des situations difficiles et entraîne les curés de paroisse au beau milieu du conflit. Même ce type de division doit être évité. Si une telle division peut surgir parmi les membres d’un même groupe, que dire des divisions qui naissent parmi les fidèles de castes ou de groupes différents ? Ne pouvons-nous pas à juste titre et avec angoisse crier avec St Paul “le Christ est-il divisé en parts Si des personnes souffrent de discrimination juste parce qu’elles sont nées dans telle ou telle famille d’intouchables ou de basse caste, une telle action n’est-elle pas intrinsèquement mauvaise et non chrétienne ? Notre célébration du Jubilé a-t-elle encore un sens si nous ne décidons pas de nous débarrasser de toute considération et prétention de caste ?

N’oublions pas tout de même le fait que dans beaucoup de nos communautés chrétiennes, les distinctions de caste ont largement disparu au cours des années. Il ne manque pas de personnes de bonne volonté dans nos propres communautés catholiques. Grâce aux efforts de feu l’archevêque Mgr A. Colas, de vénérable mémoire, et de son très capable successeur, Mgr R. Ambrose, qui, pour notre bonheur, est encore au milieu de nous, beaucoup de distinctions fondées sur l’appartenance de caste ont disparu dans notre archidiocèse. Pour cette situation nous remercions nos évêques et un grand nombre de nos prêtres, de religieux et de laïcs fidèles. Dans notre archidiocèse, Rita Nagar est le meilleur exemple d’un lieu où il n’y a aucune discrimination fondée sur l’appartenance de caste. Nous nous souvenons avec émotion du P. Paul et de ses successeurs qui ont réussi à rassembler différentes castes en une seule famille.

Récemment, j’ai eu connaissance d’une paroisse où des personnes d’une caste particulière voulaient que les dalits catholiques aient un cimetière séparé, et où les prêtres, qui ne sont pas tous dalits, ont lutté vigoureusement et efficacement pour que tout le village partage un cimetière commun sans distinction de caste. Je salue ces prêtres pour leurs efforts nobles et généreux. Je félicite aussi tous ceux qui travaillent à éradiquer les distinctions de caste dans notre communauté. Les gens sont prêts à changer. Toute transformation de traditions profondément enracinées nécessite la patience, le dialogue et des efforts incessants de persuasion. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une foi profonde en Dieu et en l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu.

Mes chers frères et sours, je vous appelle au nom de Jésus-Christ à être suffisamment humbles pour reconnaître nos erreurs à tous, et à être assez audacieux pour vivre les exigences de l’Evangile. Le pape St Grégoire le Grand lançait un avertissement aux chefs religieux : “un silence mal avisé peut contribuer à laisser les gens dans leur erreur… Des dirigeants religieux négligents ont souvent peur de parler librement et de dire ce qu’il faut dire par peur de perdre la confiance du peuple. Comme le dit la Vérité elle-même, ils ne gardent pas leur troupeau avec le soin que l’on attend d’un berger” (36). Puis-je donc rester silencieux face aux divisions de nos communautés ? Je dois parler ouvertement pour défendre les vérités de l’Evangile. Sinon je n’accomplirais pas mon devoir de pasteur de ce glorieux et ancien archidiocèse.

Par conséquent, laissez-moi dire sans détour qu’il est grand temps de commencer à faire quelque chose dans les domaines suivants:

1 – Qu’il n’y ait plus de pratique d’intouchabilité sous quelque forme que ce soit chez nos catholiques dans les lieux du culte sacré, dans les fêtes religieuses, dans les processions de funérailles ou de mariage. Si de telles pratiques discriminatoires continuent dans quelque paroisse que ce soit, il faut s’en débarrasser immédiatement.

2 – L’égalité et la fraternité doivent être les principes directeurs de notre vie chrétienne dans la pratique.

3 – De la même manière, il faut stopper immédiatement tout écrit vengeur, partial et diffamatoire. Ecrire pour agresser, avec ou sans signature, est un acte répugnant pour la dignité humaine et l’égalité. La primauté de la charité doit être suprême dans nos cours. Que nos chers prêtres et notre peuple ne soient pas mal conseillés sur ce qui est bien et ce qui est mal, mais qu’ils soient unis dans la charité pour travailler au bien de tout l’archidiocèse. Que tous nos prêtres, enracinés dans la foi et dans la charité, profondément et spirituellement imprégnés par une vie priante, et unis dans le sacerdoce du Christ, notre seul Maître, réalisent dans leur vie un presbyterium d’amour, d’unité et de service.

Cette lettre doit être lue dans toutes les églises et les chapelles des paroisses et des institutions de notre archidiocèse, le dimanche 8 août 1999. Que Dieu vous bénisse tous. Vous souhaitant les bénédictions divines de paix et de joie, je demeure vôtre en Jésus-Christ.

Très Rév. Dr S. Michael Augustine

archevêque de Pondichéry et Cuddalore