Eglises d'Asie

Orissa : l’assassinat d’un prêtre catholique soulève une vague de protestation dans toute l’Inde

Publié le 18/03/2010




Le P. Arul Doss, âgé de 35 ans, du diocèse de Balasore (Etat de l’Orissa), a été assassiné, transpercé d’une flèche, par un groupe d’hommes masqués dans la nuit du 2 au 3 septembre. Les assaillants, au nombre d’une quinzaine, sont fortement soupçonnés d’être des militants d’un mouvement hindouiste extrémiste. Ce meurtre succède à l’assassinat d’un marchand musulman le 25 août dernier (7) et à la mort du missionnaire australien Graham Stuart Staines et de ses deux fils, brûlés vifs dans leur voiture le 23 janvier dernier par des fondamentalistes hindous (8). Ces cinq meurtres ont tous eu lieu dans l’Etat de l’Orissa, à l’est de l’Inde.

A l’occasion de la fête des moissons, le P. Arul Doss, curé de la paroisse d’Anandpur, s’était rendu à Jamabani, un village isolé dans la forêt du district de Mayurbhanj, habité par une quinzaine de familles tribales Ho, pour y célébrer la messe. Selon des témoins oculaires, cités par le P. Verghese Puthumattam, du diocèse de Balasore, les assaillants sont entrés masqués dans le village sous prétexte d’assister aux chants et danses de la fête. Peu après une heure du matin, alors que le P. Arul Doss et un catéchiste du nom de Katesingh Khuntia s’étaient retirés pour dormir dans l’abri qui tient lieu de chapelle, les hommes masqués sont entrés dans l’abri et ont commencé par frapper le catéchiste. Celui-ci est tombé, inconscient. Réveillé par le tumulte, le P. Arul Doss cherchait à s’enfuir quand une flèche, tirée d’un arc, le transperça mortellement en pleine poitrine. Les assaillants s’en prirent ensuite aux villageois et mirent le feu à la chapelle avant de s’échapper à la faveur de l’obscurité.

Selon le P. Verghese, le P. Arul Doss avait déjà reçu à plusieurs reprises des menaces de la part de groupes hindous extrémistes. “Le 17 juillet dernier, alors que nous roulions en jeep, Doss, Katesingh Khuntia et moi-même, nous avons été arrêtés et retenus pendant 24 heures dans une maison isolée. Nos ravisseurs ont passé à tabac Khuntia, avant de nous ordonner de quitter la région”, précise-t-il. Une plainte fut déposée au bureau de police d’Anandpur, mais sans résultat, poursuit-il.

En Inde, les réactions ont été immédiates. Le premier ministre Atal Behari Vajpayee a condamné le meurtre du P. Arul Doss le qualifiant de crime “haineux”. Il a également dénoncé le gouvernement de l’Etat de l’Orissa, un Etat contrôlé par le Parti du Congrès (opposition), pour “ne pas avoir pris immédiatement les mesures nécessaires” pour arrêter les meurtriers du pasteur australien Staines et d’avoir ainsi laissé la situation se dégrader. Au lendemain de l’assassinat, le 3 septembre, Mgr Alan de Lastic, archevêque de New Dehli, en sa qualité de président de l’UCFHR (United Christian Forum for Human Rights), a adressé un télégramme de protestation au premier ministre, demandant des “mesures urgentes” pour assurer la sécurité des minorités dans le pays. “Nous sommes alarmés de constater que de tels crimes continuent à avoir lieu en dépit des assurances données tant par le gouvernement central que par les gouvernements locaux, assurances selon lesquelles des mesures adéquates sont prises pour assurer la sécurité des communautés minoritaires”, a déclaré Mgr de Lastic. L’archevêque de New Dehli notait également que l’assassinat du P. Arul Doss était intervenu le lendemain de l’annonce par le gouvernement de la visite du Pape en Inde en novembre prochain. A Chennai, au Tamil Nadu, d’où était originaire le P. Arul Doss, 5.000 personnes ont manifesté pour protester contre cet assassinat. Au Kerala, le conseil régional des évêques a appelé à la prière et au jeûne pour la journée du 5 septembre en mémoire du P. Arul Doss. A Goa, Luizinho Faleiro, gouverneur de l’Etat et catholique lui-même, a dénoncé le gouvernement fédéral pro-hindou mené par le BJP comme le responsable des attaques dont sont victimes les minorités. A Calcutta, le Bengal Christian Forum a organisé une marche de protestation le 3 septembre au cours de laquelle Samuel Mohan Gomes, ancien responsable de la police à Calcutta, a déclaré : “Les forces extrémistes craignent que les chrétiens, par leurs institutions [caritatives, éducatives], aient une influence sur les basses castes et que ce faisant, les hautes castes hindoues perdent leur domination sur les basses castes”.

Le 4 septembre, à Balasore, les obsèques du prêtre ont été célébrées dans un climat tendu. Giridhar Gamang, gouverneur de l’Etat d’Orissa, fut dans un premier temps empêché par la foule d’assister à la cérémonie. Il lui était reproché de ne pas avoir pris de mesures contre son ministre de l’Intérieur, Prasad Harichandan, qui avait déclaré ne pouvoir assurer la sécurité des missionnaires travaillant à l’intérieur des terres, dans les régions reculées. Le ministre de l’Intérieur avait aussi attribué le meurtre du P. Arul Doss à un geste de ressentiment des tribus contre “les conversions forcées” imposées par l’Eglise. Le même jour, samedi 4 septembre, la police annonçait l’arrestation de trois suspects et la recherche active de cinq autres, identifiés comme ayant pris part au meurtre. “La police est sur leur piste. Ce n’est qu’une question de temps”, a déclaré le ministre de l’Intérieur à une délégation de responsables de l’Eglise. La paroisse du P. Arul Doss se trouve dans le district de Keonjhar, celui-là même où furent tués le missionnaire australien Graham Staines et ses deux enfants en janvier dernier, crime dont est accusé un certain Dara Singh, fanatique hindou, membre du groupe hindouiste Bajrand Dal, organisation qui entretient certains rapports avec le BJP (Bharatiya Janata Party), le parti nationaliste hindou au pouvoir. Originaire du diocèse de Thanjavur, dans le Tamil Nadu, le P. Arul Doss avait étudié la philosophie dans cet Etat avant de partir pour l’Orissa où il fit sa théologie. Ordonné en 1993, il est décrit par Mgr Thomas Thiruthatil, évêque du diocèse de Balasore, comme “un prêtre jeune et dynamique, au service des aborigènes”.