Eglises d'Asie – Divers Horizons
S P I R I T U A L I T E Une perspective asiatique
Publié le 18/03/2010
1. L’ouverture d’esprit d’un “chrétien en devenir”
Je partirai d’un double postulat: nous sommes destinés à être plus que ce que nous sommes maintenant, nous sommes des chrétiens en devenir. Ces deux présupposés sont liés. Parce que nous sommes destinés à plus, nous sommes toujours tendus vers le meilleur et, dans notre cas, notre être chrétien n’a pas encore atteint son accomplissement. Soyons plus clairs: “Nous sommes des chrétiens en devenir qui n’ont pas encore trouver vraiment leur place en chrétienté1). Ne sommes-nous pas un peu comme le Bouddha qui a quitté sa maison et qui, sans-abri, est à la recherche de la vérité ? Ce qui ne veut pas dire que nous ne sommes pas du tout chrétiens.
Cela signifie en second lieu que, parce que nous sommes ouverts à plus – et appelons ce “plusDieu – nous ne sommes jamais pleinement chrétiens dans le sens où nous ne pouvons être satisfaits et dire: “Je peux maintenant me reposer; le combat est terminé; je suis arrivé à ce que je voulais; je suis un chrétien”. Nous serons toujours des chrétiens en devenir et conscients de l’être. Ce qui est un appel à la prudence et à l’humilité. Ce qui aussi devrait nous prémunir contre une excessive hauteur, contre une demande d’obéissance peut-être trop rigide qui ne donne pas assez de liberté pour une réalisation personnelle tant pour soi que pour les autres.
Les deux parties de mon propos sur “l’ouverture d’un chrétien en
devenir” sont bien sûr d’ordre très général et imprécises et demanderaient davantage de précision concrète.
Chacun se connaît comme membre spécifique d’une communauté, grande ou petite. Il en parle la langue, en partage les concepts et le mode de vie. Il mesure spontanément toute chose aux critères de son peuple ou de son génie. Ce qui nous permet de parler d’ethnocentrisme comme d’une chose familière à tous les êtres humains. Ce terme d’ethnocentrisme doit être entendu de façon positive et non dans un sens anti-universaliste ou nationaliste. En même temps, quand nous utilisons le terme d’ethnocentrisme dans son sens exact, nous parlons bien sûr de sa relativité culturelle. Une culture universelle n’existe pas, mais existent beaucoup de cultures qui elles-mêmes expriment des ethnocentrismes différents et sains.
Il est évident que l’ouverture d’un Asiatique chrétien en devenir s’exprimera à travers l’écran des cultures asiatiques auxquelles il appartient. Quoique l’écran asiatique soit extrêmement varié à cause d’une pluralité religieuse établie au cour d’une pluralité culturelle, il est possible de tracer quelques grandes lignes, valables pour la plus grande partie de l’Asie et pour les chrétiens asiatiques comme pour les non-chrétiens. Nous devrions, tous, vouloir demeurer au plus prés de cette mentalité asiatique, corrigée, cristallisée et ré-exprimée à travers l’écran des valeurs du message de Jésus. La vie alors devrait se caractériser par les belles qualités de l’Asie et en même temps être chrétienne. Il ne s’agit donc pas là de fuir l’idée que le message de Jésus puisse avoir une fonction critique dans le contexte asiatique.
2. Expérience religieuse et religion en Asie
Le fondement de toute religion est l’expérience. Le sacré se manifeste lui-même et sollicite l’homme. Les êtres humains sont capables de répondre à l’appel du sacré et, en ce sens, un processus dialectique est engagé. Ce dialogue, question-réponse, se situe au plus profond du cour humain et nous pouvons dire que réponse et appel du sacré sont surtout pré-formulés ou non formulés; quelque chose qui s’exprime au sein d’une expérience intuitive en tant que telle et est tout à fait subjectif bien que ne manquant pas pour autant d’une certaine objectivité. Dès que nous essayons de rendre explicite cette expérience fondamentale, nous nous servons de mots et formulons des credo, des théologies, etc. La religion arrive. Dans un certain sens, il s’agit d’un processus d’objectivation et il y a toujours un danger d’un évidement de l’expérience et d’une totale extrapolation. Nous ne pouvons oublier, quand nous abordons la religion, que les faits intérieurs ou ce que le contenu religieux signifie d’expérience pour quelqu’un, sont plus importants que les faits extérieurs ou les données religieuses objectives. Bien sûr, je ne nie pas que Dieu soit présent dans les systèmes religieux en tant que tels, mais je suis convaincu que le dialogue entre Dieu et l’homme est plus fort dans le processus de l’expérience religieuse fondamentale (quoique non pas nécessairement plus consciente) que dans la religion elle-même qui peut si aisément se désolidariser de la vie quotidienne. Ce qui est, de fait, le cas de bien des chrétiens qui vivent dans les pays occidentaux.
Etre chrétien, c’est participer à un dialogue entre Dieu et nous, et ce dialogue forme un ensemble divino-humain. Ne pas y voir la part de l’humain serait absurde et ne pas y reconnaître l’élément divin le serait tout autant (2). Ce qui présuppose bien sûr d’être réceptif au divin et à la manière dont le sacré apparaît dans l’expérience de ceux qui, en Asie, appartiennent à d’autres religions. Ici, la validité d’une religion se teste à partir de l’expérience religieuse. Si la religion ne reflète pas cette expérience même, c’est qu’elle a perdu son influence sur la vie de tous les jours. C’est un danger qui peut menacer de pétrification toute religion établie. Les gens réagissent spontanément à ce phénomène en créant de nouveaux mouvements religieux qui ramènent à une vie au plus près de la Suprême Réalité.
Nous avons à cultiver en nous cette sensibilité à l’expérience religieuse sans oublier la corrélation étroite qui existe entre expérience et religion. Nous ne pouvons permettre que systèmes, structures et rationalisation supplantent l’intuition.
3. Nature et religion
La manière dont en Asie on expérimente la réalité n’est pas compartimentée mais totale et globalisante. Le cloisonnement de la réalité est le résultat d’une rationalisation exagérée, destructrice de l’unité de la création où l’humain et le divin sont imbriqués. Nonobstant toutes les rationalisations et leurs cortèges d’invasions techniques, le divin et l’humain restent liés l’un à l’autre en Asie. Cette unité fondamentale pourrait, en Asie, être appelée nature. Le terme lui-même de “nature” ou de “naturel” ne désigne pas la même chose que “les sciences naturelles ou les lois de la natureL’hypothèse sous-jacente de ces derniers termes suppose une relation sujet (l’homme)-objet (la nature) et se rattache à la nature observable par l’homme comme s’il était placé en dehors de la nature ou en opposition à elle. Le naturel ou la nature dans le sens asiatique doit se comprendre comme une réalité à laquelle l’homme participe et avec laquelle il est en harmonie. Les Asiatiques ne veulent faire qu’un avec la nature; ils veulent être “nature” (3). Cette façon d’envisager la réalité trouve son expression dans le bouddhisme et le taoïsme philosophique. Le grand maître zen, Dôgen (1200-1253), dit que la vérité dont nous sommes à la recherche, n’est rien d’autre que le monde de notre expérience quotidienne. C’est pourquoi il peut écrire, tout à fait dans la vraie ligne du bouddhisme zen qui admet l’omniprésence de la Suprême Réalité en tout: “L’impermanence est nature de bouddha; l’impermanence de l’herbe, des arbres et des forêts est vraiment nature de bouddha; l’impermanence du corps humain et de l’esprit est vraiment nature de bouddha; ces montagnes, ces rivières et cette terre, tous constituent l’océan de la nature de bouddha” (4). Dôgen témoigne de cette incorporation dans la totalité de la nature.
Le taoïsme philosophique recèle beaucoup de similitudes. Un être humain est enclin à s’imposer aux autres et au monde. Ce que le taoïsme appelle “agressionPar l’introspection et la connaissance de soi, quelqu’un peut découvrir ce qu’il est: une parcelle de l’éternel Tao ou de l’ordre continu de ce monde et du cosmos, du pouvoir caché qui fait que le cosmos bouge, du principe le plus élevé du sens, de l’existence et de la morale. Quand on entre en soi-même, on y découvre son moi originel, son naturel. En résulte une éternelle tranquillité et l’abandon de toute volonté d’imposition et d’agressivité; celui qui se fond avec le Tao et qui désormais agit de façon naturelle, de lui-même, sans analyse et sans jugement. Il demeure simplement dans le Tao, absorbé en lui (5).
Tout ceci possède une profonde signification religieuse: le monde et l’humanité sont enracinés dans leur nature qui est une façon d’être. Je n’emploie pas ici le terme de “créationEn effet les religions monistes de l’Asie n’ont pas de théologie de la création; le cosmos a, de fait, ni commencement ni fin; il ne comporte pas d’acte divin par lequel le cosmos serait venu à l’être. Si les religions asiatiques parlent de dieux créateurs, elles utilisent un langage populaire symbolique se référant à la Suprême Réalité qui a toujours été et sera toujours. Le bouddhisme et le taoïsme devraient dire simplement: “Les choses sont ainsi parce qu’elles sont ainsi; elles sont comme ça parce qu’elles sont comme ça
Ceci est vraiment très différent du christianisme et de toutes les autres religions monothéistes avec leur insistance fondamentale sur la création, mais je ne pense pas que nous devrions rejeter complètement ce “naturel”. Il n’y a pas de difficulté à accepter que notre cour profond soit présent à l’intérieur de la réalité. Après tout, le Dieu des chrétiens, lui aussi, n’est pas assis au plus haut, Seigneur de la création, il est proche de ses créatures. Depuis la création, Dieu n’est plus un être solitaire, noble prisonnier de sa propre gloire; il nous est devenu un Dieu accessible dans la plus grande intimité qui soit. Cette connivence, je crois, n’existe pas simplement parce que Dieu nous accepte et nous considère dignes de son amour; il y a davantage. Il est le centre le plus intime de nous-mêmes comme de toutes choses et non pas seulement quelqu’un qui nous effleure et nous pousse en avant de temps en temps. Nous sommes ancrés en Dieu; nous sommes en lui; n’y a-t-il pas là certaines ressemblances avec les religions asiatiques naturelles ?
Nous avons là une seconde signification aux mots nature et naturel à laquelle j’ai déjà fait allusion plus haut. Nous parlons de “monde naturel” en tant que monde façonné et modifié par l’homme à travers la technologie, laquelle n’est évidemment pas mauvaise en elle-même. Il y a là pourtant un danger, celui d’isoler de façon trop stricte ce “monde naturelde sa “source naturelle” ou de son fondement qui est le divin aux yeux des chrétiens. S’il en est ainsi, nous devrions créer pour nous-mêmes un monde sans relation à Dieu, ce qui serait catastrophique. Un Dieu séparé de nos joies humaines et de nos souffrances ne serait plus du tout Dieu. Le monde ne serait plus qu’un lieu désespéré où régnerait le seul laïcisme. Nous serions abandonnés dans le froid, sans point d’appui ferme auquel nous rattacher. S’ensuivrait une conséquence pitoyable pour nous, l’attente jusqu’au franchissement des barrières de la mort, de trouver la plénitude en récompense d’une vie de souffrances et de peines.
4. Histoire et religion
En lien avec le “monde naturel” et comme une seconde “nature” se trouve l’histoire. Le “monde naturel” que nous pouvons dominer par notre maîtrise trouve bien sûr ses origines dans cette plus grande réalité que sont le “naturel” et la “nature”. Nous pouvons modeler et changer le “monde naturel” et ce qui est à la base de l’histoire concrète comme processus évolutif. Ce monde naturel et le monde de l’histoire sont importants pour les chrétiens asiatiques dans leurs relations avec les gens d’autres religions. Puisque ces religions n’ont pas de théologie de la création, leur conception du temps et de l’histoire est différente de celle des chrétiens. D’après le bouddhisme et l’hindouisme, le cosmos tourne dans un kalpa sans fin, c’est à dire d’immenses cycles qui passent approximativement par trois stades; un mouvement ascendant qui du chaos atteint un sommet puis redescend vers la destruction et le chaos où un nouveau cycle prend forme. Un kalpa peut être pris pour une unité de temps; les kalpas se succèdent sans fin les uns aux autres. Cette conception du temps débouche sur une conception cyclique de l’histoire sans être absolument non historique. On retrouve plus ou moins la même chose dans les religions archaïques où les hommes doivent toujours refaire les actes mythologiques accomplis par les dieux. Dans cette répétition, la fraîcheur des temps originels est recréée. C’est pourquoi ces religions manquent d’une réelle vision historique.
Ceci démontre que les êtres humains ont peur de l’histoire comme d’un processus continu qui va du passé à travers le présent vers le futur. Ce serait mieux de parler ici de “terreur de l’histoireune sorte de peur existentielle de l’inconnu qui semble bouleverser l’homme qui, dans un certain sens, n’est pas seulement opposé à l’histoire mais qui désire être dénué d’histoire.
Le christianisme est différent. Le Dieu silencieux qui existait depuis toujours s’est mis à parler à haute voix à partir du moment où il s’est risqué dans la création; il a parlé de façon très claire dans son Verbe co-créé (Logos) qui est entré dans le monde créé, Jésus de Nazareth. Ce Jésus est une personne historique porteuse du joyeux message du règne de Dieu. Quand le Verbe s’est incarné, Dieu a brisé les chaînes de la terreur de l’histoire, Jésus devenait théophanie ou manifestation de Dieu à travers sa vie, sa mort et sa résurrection (7). En lui, le chrétien voit qu’il peut devenir lui-même parce que le Seigneur ressuscité est le “nouvel Adamle prototype du cosmos renouvelé. Il est le futur de l’homme. La création toute entière progresse vers ce qu’elle est déjà. Ce mouvement vers le futur est linéaire ou mieux spiroïdal. Le culte chrétien commémore chaque année dans la liturgie les événements de la vie, de la mort et de la résurrection du Seigneur Jésus. En Jésus, l’éternel retour au vrai commencement a été démythifié; depuis sa venue, le temps progresse pendant que nous continuons à commémorer ce qu’il a fait pour nous.
5. Le monde et la religion
Liée à “histoire et religion” se pose la question: “Quelle est la valeur du monde religieux en Asie ?”. Je pense à l’hindouisme et au bouddhisme. L’ignorance de soi est le point de départ des deux religions. Il est de notre devoir de dissiper notre ignorance de nous-mêmes pour que nous puissions voir (connaître) qui nous sommes réellement.
Avec l’hindouisme, nous devons aller à la recherche de notre véritable identité individuelle, notre moi individuel ou atman pour trouver ce qui ressemble au Grand Tout et qui est le moi universel ou brahman. Quel est le rôle du monde dans cette recherche ? Il y a semble-t-il, deux possibilités. La première possibilité est celle où le monde est accepté comme un ensemble ou des réalités à qui nous attribuons une valeur dans la mesure où il nous aide à découvrir ce que réellement nous sommes. En ce sens, le monde est une condition préliminaire dont nous avons besoin et une illusion ou maya, dans la mesure où il nous fait nous tenir éloignés du brahman ou de la réalité de l’au-delà. Dans ce cas, le monde peut avoir une valeur positive et contribuer à l’accomplissement religieux de l’homme. La seconde possibilité est que le monde n’est rien d’autre qu’une illusion d’optique, maya, au plein sens du terme et n’existe pas en réalité. Ici, la valeur du monde peut être niée; le monde devient un lieu d’obscurité et de tristesse, nous empêchant de dissiper l’ignorance de nous-mêmes; c’est un formidable blocage sur la route de notre union consciente avec Brahman.
Dans l’une et l’autre possibilité, ce monde, dans toute sa matérialité, a une profonde signification religieuse. Il est la demeure de tous ceux d’entre nous qui on besoin d’une poussée à travers ce monde matériel et historique vers la plus haute Suprême Réalité, au delà de la terre et de l’histoire. L’idéal est donc Sat-Cit-Ananda; Brahman-Atman est l’être éternel (Sat), l’éternelle conscience (Cit) et l’éternel bonheur (Ananda), semblable à la découverte de Tat Tvam Asit ou “Ce que vous êtes
Mais l’hindouisme lui aussi a besoin, je pense, de la correction apportée par le message de Jésus qui jette une claire lumière sur ce monde vu comme un don précieux de Dieu pour nous. Cependant, reste l’avertissement que nous apporte l’hindouisme. Nous les chrétiens et spécialement les chrétiens d’Occident ne nous sommes-nous pas trop attachés à ce monde et à ses richesses ? Ne sommes-nous pas trop engagés sur la route du consumérisme ? Ne sommes-nous pas des exploiteurs excessifs de la terre mère ? Ne sommes-nous pas devenus trop extravertis et superficiels ? L’hindouisme peut certainement nous donner de précieuses leçons quant à cet ascétisme devenu obsolète pour bien des chrétiens.
Passons maintenant au bouddhisme dont les concepts sont plus ou moins semblables et plus ou moins différents de l’hindouisme. Le bouddhisme nie catégoriquement l’existence du moi (personne). Lequel, en fin de compte, n’est rien d’autre qu’un conglomérat d’éléments continuellement changeants, jamais soutenus par un élément central substantiel, un ego, un moi. Rien n’est stable; tout est contingent, fragile et éphémère. Mais dans l’ignorance où nous sommes de nous-mêmes, nous imaginons que nous sommes un moi et cette conviction profonde est la racine de toutes nos souffrances. Pour éliminer la souffrance nous devons éteindre tout désir d’être un moi et devenir sans moi. Celui qui pense qu’il est un moi a perdu son moi réel qui est le non-moi. Cette voie à suivre est celle de l’extinction du désir d’être un moi dans les huit voies des préceptes moraux. Une fois cette extinction réalisée, nous ne sommes plus sujets de souffrance; nous sommes éteints, illuminés; nous avons atteint le nirvana (extinction); c’est un état qui finalement peut être réalisé durant cette vie comme ce fut le cas pour le Bouddha historique.
A première vue, cette conception de la vie semble être athée parce que Bouddha n’a jamais dit avoir fondé une religion et n’était pas intéressé par les questions métaphysiques. Pourtant, en réalité, le bouddhisme est vraiment religieux. Il désigne et admet le nirvana comme une réalité qui va au-delà de la vie d’aujourd’hui; donc il est de l’ordre du religieux et est une catégorie religieuse.
Abordant maintenant les principales branches du bouddhisme, nous pouvons dire que le Hinayana ou Petit véhicule est hors du monde et tend à être profondément ascétique et monastique, fournissant pratiquement seulement aux moines et aux religieuses la possibilité de tendre à l’illumination. Mahayana ou Grand véhicule élargit ses possibilités à tous, spécialement à ses branches japonaises de la Terre pure qui ont donné la plus libérale des interprétations du message de Bouddha. En général, les deux branches du bouddhisme, le Hinayana et le Mahayana considèrent le monde et la vie plus ou moins à l’exemple de l’hindouisme. Réserve faite cependant de la position spéciale du bouddhisme japonais qui est un curieux mélange d’attachement extérieur et intérieur aux biens de ce monde.
D’un côté, il a laissé dans l’esprit des Japonais une forte sensibilité à l’impermanence, la fragilité et la contingence, conduisant quelquefois même à des attitudes psychologiques de nostalgie accompagnées d’une inclination à se retirer des affaires du monde. De l’autre, le Japon a une longue tradition de “célébration” du monde, de sa beauté et de ses aspects positifs. Pourtant, je n’adhère pas pleinement à la théorie selon laquelle “le phénoménal, (l’apparence des choses) est le réel” comme le proclamaient au Japon les philosophes de la période qui a suivi celle de Meiji (1868-1912) (8). Bien que l’attachement intérieur des Japonais au monde soit vraiment fort, ils sont capables d’aller au-delà de la plate dimension horizontale de ce monde et de la vie, sans quoi ils ne se sentiraient pas profondément concernés par les réalités spirituelles comme la présence constante des ancêtres, des esprits, etc. Bien sûr, leur vision de l’au-delà est plutôt faible, spécialement quand elle aborde la notion de la Suprême réalité. Les gens semblent avoir des difficultés quand il leur est demandé de donner un nom à l’Absolu. Le célèbre philosophe zen, Nishitani Keiji, cite quelques exemples de réponse: “l’Etre authentique” ou “le Subsistant authentique (jitsuzai) qui sous-tend le monde des phénomènes”, “la Réalité à laquelle je suis redevable” (katajikenai mono), “l’immuable Absolu” (zettaiteki na mono) ou simplement “Quelque chose” (nani ka). Il est vrai, cependant, que ces réponses ne soulignent pas beaucoup le caractère transcendant de l’absolue réalité mais son immanence.
Un terme philosophique clé que l’on retrouve dans tout le bouddhisme japonais est sokushin jôbutsu (devenir bouddha vivant dans un corps d’homme). Même si dans tel ou tel groupe le terme n’est pas utilisé, l’idée est certainement présente. Cela signifie que quiconque peut devenir illuminé en ce monde puisque l’absolue réalité est une présence latente en nous (appelée hongaku– l’illumination originelle) et peut s’éveiller à la conscience (appelée shikaku – l’illumination acquise) par la méditation. Si nous traduisons cette notion philosophique en langage populaire, nous utiliserons le terme ikibotoke (un bouddha vivant), si familier aux membres des nouvelles religions du Japon qu’il les pousse en direction du bouddhisme.
Les autres religions asiatiques et les philosophies comme le confucianisme et le taoïsme philosophique avec leurs fortes harmoniques religieuses ont toujours eu un penchant pour l’attachement intérieur des Japonais au monde. Le Tao et les religions qui s’apparentent au taoïsme et au confucianisme sont vus comme intérieurs à nous-mêmes. Tous relèvent de la religion tribale du shintô propre au Japon dans ses formes modernes qui dit que la nature de kami (la nature divine) est en nous. J’ai toujours été impressionné par l’impudence du poète qui, il y a longtemps, écrivait sérieusement et sans hésitation: “le temple des kami (des dieux) est mon propre corpsC’est l’expression d’une consécration totale au monde.
Si le christianisme veut apporter un message à l’Asie, il devrait être attentif aux conceptions asiatiques du monde et de la religion et ne pas les écarter comme étant sans valeur. Il devrait être conscient de l’arrière-plan et de la tradition chrétienne. Personne ne doutera que le modèle de chrétienté apporté aux pays non européens était, et malheureusement l’est encore, une trop large extension du modèle occidental où philosophie et théologie étaient capables de fixer Dieu dans sa seule dimension transcendantale. Les religions asiatiques ne pourraient-elles pas corriger ces vues quelque peu rigides de Dieu grâce à leurs conception sur la dimension immanente de la Suprême Réalité ? Les chrétiens appelés à servir le message de Jésus sur la venue du Royaume de Dieu en Asie devraient être capables d’ouvrir leur cour à cette sorte de rencontre des religions.
6. Mystique chrétienne et mystique non chrétienne
Y a-t-il complémentarité ou radicale incompatibilité entre la mystique chrétienne et la mystique asiatique non chrétienne ?
Le point de départ du développement de la théologie catholique des religions se trouve dans la séculaire doctrine johannique du Logos des Pères et des apologistes de l’Eglise primitive qui affirment que des germes du Verbe de Dieu (Logos) sont présents dans le cour et l’intellect des non-chrétiens. Vatican II a développé encore cette doctrine du Logos pour déboucher sur une appréciation positive des religions non chrétiennes exprimée dans un décret spécial (10). Des idées positives similaires se retrouvent ça et là dans d’autres documents de Vatican II.
La théologie actuelle en est arrivée à l’évidente conclusion qu’il existe une base commune parmi les chrétiens comme chez les non-chrétiens d’un accueil et d’une expérience de Dieu. Mais comment l’expérimentent-ils ? Si la religion en Asie est vraiment plus expérimentale et intuitive que rationnelle et intellectuelle, beaucoup plus subjective qu’objective, quelle est alors la nature de cette expérience, qu’elle soit chrétienne ou non? En d’autres termes, quelle est la nature de la mystique dans les religions asiatiques et dans le christianisme ? Peut-être qu’une analyse du processus mystique pourra nous apporter quelque clarté.
Il semble que le processus mystique comprend trois phases. Durant la première phase, le mystique, chrétien ou non, rencontre ce qu’on peut appeler une Suprême Réalité personnelle. Ceci est certainement vrai pour le chrétien; Je pense que ce l’est également pour le non-chrétien qui, même versé en philosophie et en théologie, se représente pour lui-même et de façon pratique, la Suprême Réalité comme dotée d’une structure personnelle; une Suprême Réalité capable d’une sorte de relation personnelle au niveau psychologique. Par exemple, un croyant amidiste, n’aurait pas de difficulté à attribuer un caractère pseudo-personnel à Amida, la manifestation apparemment personnelle, miséricordieuse et compatissante de l’impersonnelle Suprême Réalité, bien qu’il sache que cette Amida, en réalité, est accolée à la Suprême Réalité, totalement impersonnelle, c’est-à-dire nature de Bouddha. Le cas du chrétien est différent. Il sait que lui-même est une personne et que Dieu, le Père de Jésus-Christ et son Père, est aussi une personne. Pour cela, il ne lui sera pas nécessaire d’être capable de remonter à la fonction médiatrice de la philosophie grecque.
Dans la seconde phase, les deux mystiques avancent de plus en plus profondément au sein de la divine Réalité. La rencontre de l’être humain avec le divin devient si intime qu’ils semblent coïncider, se fondre ensemble et se couler l’un dans l’autre. Où est alors l’humain et où est le divin ? Il faut avoir lu les écrits des mystiques pour savoir que l’homme et la Suprême Réalité s’estompent; l’hindou, le bouddhiste ou le taoïste ont atteint ici leur but final. Ils sont ou sont devenus un. L’union parfaite a été réalisée. Les mystiques non chrétiens, les membres des religions monastiques sont devenus eux-mêmes Absolue Réalité. Leur vie s’est développée de plus en plus dans l’Absolue Réalité jusqu’à ce que, finalement, ils se dissolvent dans son silence éternel sans laisser de trace. Durant leur vie terrestre, ils nous apparaissaient encore comme des réalités séparées de l’Absolue Réalité, mais au niveau ontologique le plus profond, ils étaient déjà un avec elle. L’hindou dira: “Je suis Ca”, “Brahman est AtmanLe bouddhiste parlera de sokushin jôbutsu: “Je suis devenu un bouddha vivant en cette vieQuand ces mystiques franchissent les barrières de la mort, le pieux souvenir de leur existence personnelle seul demeure, mais, en fait, ils ont été annihilés. Le but final, l’union avec l’Absolue Réalité, s’est réalisé sciemment. Cette union est appelée union mystique, l’homme et l’Absolue Réalité sont ontologiquement un.
Qu’en est-il des mystiques chrétiens ? Les mots et les images qu’ils utilisent sont déroutants; recherchent-ils une complète union avec Dieu ? On trouve ici, par exemple, l’image de la flamme et de la bougie. Si nous regardons la flamme nous voyons que son centre est noir; à mesure que nous regardons vers sa périphérie, sa couleur devient jaune. Mais à partir d’où la couleur noire cesse-t-elle et devient-elle jaune ? Si le cour de la flamme, noir, est l’image de Dieu, et son pourtour jaune, le mystique, où tracer une ligne de séparation entre les deux ? Le chrétien devient-il Dieu lui-même comme l’hindou et le bouddhiste, la Suprême Réalité ? La foi chrétienne nous dit que l’homme ne devient jamais Dieu mais qu’il participe à sa nature divine. Ce qui signifie que le christianisme vise à la divinisation de l’homme. Ce qui suppose que la nature divine soit la suprême et la plus intime constitution de l’homme (11). Augustin dans ses Confessions n’a-t-il pas écrit: “Tu autem eras interior intimo meo et superior summo meo Notre divinisation ne doit pas être entendue en termes d’union parfaite ou d’identification mais en termes de participation à la nature divine: “participes divinae naturaeQuand le chrétien meurt ce n’est pas seulement un pieux souvenir qu’il laisse. Le chrétien est entré définitivement dans l’éternité de Dieu et est maintenant enveloppé par elle. L’expression traditionnelle dit: nous contemplons Dieu face à face. C’est ce que nous appelons participation ou communion mystique.
Cette seconde phase serait-elle donc la fin d’une possible comparaison entre l’expérience d’un mystique chrétien et celle d’un non-chrétien ? Je ne suis pas sûr. L’Absolue Réalité dans le christianisme est une catégorie personnelle; dans les religions monistes elle est une catégorie trans-personnelle. Le mystique chrétien aborde une troisième phase quand il semble faire face à l’Absolue Réalité non pas exactement de la même façon que dans la première phase. Bien sûr, il est encore en présence d’un Dieu personnel mais ce Dieu semble maintenant être encore plus; il a maintenant une sorte de caractère trans-personnel dans lequel le personnel est inclus. Ceci peut-être d’une grande importance pour le dialogue interreligieux. La Suprême Réalité est, après tout, un mystère indicible et indescriptible et c’est bien ainsi qu’est le Dieu des chrétiens.
7. Jésus, avatara ou bosatsu
Beaucoup d’Asiatiques considèrent Jésus comme un avatara ou bosatsu (bodhisattvaLes deux termes viennent respectivement de l’hindouisme et du bouddhisme. Ils sont souvent utilisés. Ils se réfèrent à une manifestation personnelle de la Suprême Réalité qui, apparemment, apparaît dans le monde pour sauver l’humanité. Ils ont des noms concrets comme Amida, Kannon, Miroku, etc. Ils sont, mais apparemment, des “dieux personnels”, manifestations temporaires dans ce monde de l’impersonnel Absolu. Ontologiquement, ils sont semblables à l’Absolue Réalité. Une fois leur tâche terminée ils se retirent dans l’intemporel et l’infini sans laisser de traces.
Ce n’est pas un problème pour un chrétien d’accepter Jésus-Christ comme une manifestation de Dieu dans le monde. A vrai dire, ceci appartient au cour de la foi chrétienne: “et le Verbe s’est fait chairJésus est Parole de Dieu incarnée. Cependant, il n’est pas seulement une manifestation de Dieu; il n’est pas seulement apparu au milieu de nous de façon temporaire pour nous sauver. Nous confessons que Jésus est pour nous, chrétiens, une manifestation unique. Il ne se retire pas à nouveau dans le sein de Dieu après sa résurrection; quoique uni au Père, il est encore avec nous et continue activement son travail de rachat à travers son Esprit. En tant que chrétiens, nous avons à insister sur le caractère historique et personnel de Jésus.
Ici, il y a plus. Avatara ou bosatsu sont des concrétisations de l’Absolue Réalité; à ce titre, ils appartiennent à une sorte de niveau horizontal intérieur et symbolisent la présence chaleureuse de l’Absolue Réalité dans ce monde. Bien qu’ils indiquent l’au-delà de l’histoire et le monde transcendantal, ils réaffirment fortement l’immanence de l’Absolue Réalité. Jésus-Christ, quoique vrai homme et vrai Dieu, suggère quelque chose de plus. Il est non seulement la manifestation du monde intérieur et de la présence immanente de Dieu au milieu de nous, réaffirmant en ce sens la valeur du monde matériel, puisque Jésus est un humain, mais en même temps, il ouvre tout grand ce monde à la transcendance de Dieu puisqu’il est aussi fils de Dieu et personne divine. Il apporte dans ce monde horizontal un signe de verticalité. Il est le point où immanence et transcendance se rencontrent. C’est le résultat de l’incarnation de la vie personnelle de Dieu et du Verbe. Tout ceci ne veut pas dire que Jésus détruit la valeur de ou du bosatsu. Ils conservent leur valeur comme référence et rapprochent les êtres humains de la Suprême Réalité.
En Asie, beaucoup ont un grand respect pour Jésus et le suivent sans devenir pour autant membres de l’Eglise (13). Cette vue de Jésus est co-déterminée par la théologie des avatara mais avec un accent spécial. Ils semblent avoir des difficultés avec l’unité ontologique de Jésus-Christ avec Dieu et le considèrent plutôt comme un représentant de l’amour donné et de la générosité. Ils sont impressionnés par le niveau élevé de la moralité qui émane de Jésus, par exemple, dans le sermon sur la montagne. Il était si désintéressé qu’il avait expulsé de lui tout égoïsme pour se remplir de divin; il est une humanité divine. Il est souvent reconnu comme exemple moral universel pour toute l’humanité.
8. La vacuité de Dieu – la vacuité de Jésus – la vacuité du chrétien
Le mot vacuité a beaucoup de synonymes: désintéressement, vide de soi, rien, etc. Je préfère user du terme vacuité (emptiness) et je voudrais l’expliquer dans le contexte du bouddhisme parce que cette notion m’est plus familière en ce sens (14).
C’est le moment de s’enquérir de la nature de l’Absolue Réalité du bouddhisme et du Dieu du christianisme, de son fils Jésus-Christ et des chrétiens.
La nature de l’Absolue Réalité en tant que vacuité est difficile à saisir. Le grand Nagarjuna (100-200) la définit comme transcendant à la fois le réel et le rien. Etant au-delà de l’être et du non-être, elle transcende toute dualité. Elle se situe dans le milieu et ne peut être saisi qu’à l’aide d’une sagesse transcendantale, d’une négation de toute dualité. La vacuité est au cour le plus profond de toute chose (15). Le tout n’a pas de moi, il est sans moi.
Une comparaison est-elle possible avec le Dieu du christianisme ? Traditionnellement nous concevons Dieu comme débordant. Mais il est également possible de voir Dieu comme inexprimable et indescriptible; il est mystère, transcendant tous les concepts d’être ou de non-être. Et ce Dieu-mystère se révèle ouvert de tous côtés.
Dieu est un mystère de salut qui s’ouvre lui-même continuellement, créant et recréant le monde et le cosmos, se révélant à travers la nature, les prophètes de toutes sortes et Jésus de Nazareth. Ce Dieu, être absolu débordant, est capable de se vider lui-même de toute sa plénitude sans rien en perdre, si bien que vide et plénitude sont identiques l’un à l’autre. Un Dieu qui se révèle lui-même dans sa création et dans la nature, se vide de lui-même sans tomber dans l’inexistence (16).
Les choses deviennent un peu plus faciles quand nous réfléchissons à la vacuité en fonction de Jésus-Christ. Le mot habituel du Nouveau Testament pour vacuité est kenôsis. La théologie chrétienne voit dans le passage sur la kenôsis l’interprétation paulinienne du mystère du Christ, son incarnation, son passage par la souffrance, sa crucifixion, sa mort et sa résurrection. Le passage sur la vacuité de Dieu de Paul est classique et se trouve dans la lettre aux Philippiens (2:5.8) “Comportez-vous ainsi entre vous comme on le fait en Jésus Christ: lui qui est de condition divine n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu. Mais il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, par son aspect, il était reconnu comme un homme; il s’est abaissé devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix”.
Ce renoncement à soi de Dieu en Jésus-Christ a également un autre aspect. Cette divine remise de soi au monde en la personne du Verbe correspond à la totale obéissance de Jésus de Nazareth dans sa totale remise de soi au Père. Donc, en Jésus de Nazareth, le renoncement de Dieu et le renoncement de l’homme coïncident parce que Jésus est le Verbe devenu chair, un être humain. C’est pourquoi Jésus, la figure de Dieu donné est aussi la figure de l’homme donné.
Quand nous revendiquons le titre de “chrétiennos yeux se tournent de Jésus vers le monde, les autres et la création toute entière. Jésus est l’objet de notre contemplation et de notre imitation pour qu’il prenne forme en nous-mêmes vraiment. Dans notre esprit nous devons être semblables à Jésus-Christ. Et Paul décrit en images de transformation: “Vous vous êtes dépouillés du vieil homme avec ses pratiques” (Col 3:9; Eph 4:22), “revêtir l’homme nouveau” (Eph 4:24; Col 3:10), “vous avez revêtu le Christ” (Gal 3:27; Rom 13:14), “assimilés au Christ dans sa mort” (Rom 6:5), “devenir semblable à lui dans sa mort” (Phil 3:10), “je vis, mais ce n’est plus moi qui vis , c’est le Christ qui vit en moi (Gal 2:20). N’est-ce pas ainsi que nous serons de vrais chrétiens, quand nous commencerons à nous vider de nous-mêmes et à imiter le désintéressement et le don de soi du Christ?
Le modèle que nous suivons dans cette dernière section prend son point de départ en Dieu qui se donne dans la création et l’incarnation, la mort sur la croix et le don de soi. Ce qui nous montre la totale radicalité de la vacuité de Dieu sans qu’aucune raison ne nous en soit donnée; Dieu n’agit que pour les autres. Et quand Dieu agit ainsi par altruisme, il n’y a qu’un mot que nous puissions prononcer: la vacuité de Dieu est amour. Je ne pense pas que plénitude et vacuité divine soient contradictoires. Elles coïncident dans la même réalité d’amour; la plénitude se change en vacuité et la vacuité en plénitude. Ceci ne peut-il pas être comparé à une vacuité aux mains ouvertes ? Dieu, Jésus et nous-mêmes continuellement, nous nous donnons, sortant de nous-mêmes, faisant le vide en nous pour essayer d’imiter Dieu et Jésus plein d’amour. Nos mains sont des mains ouvertes, sortant de nous-mêmes pour donner aux autres. L’aboutissement final est d’être rempli de vacuité.
La perspective d’une spiritualité asiatique ouvre un horizon immense. Quand on commence à l’étudier, la profondeur des réalités asiatiques devient une évidence: la profondeur de l’hindouisme, du bouddhisme, du confucianisme, du taoïsme, le monde immense des religions nées du sein fertile de l’Asie. J’ai fait une sélection limitée de leurs innombrables facettes et suis pleinement conscient du peu de profondeur des mots humains capables d’exprimer l’inexprimable mystère de la Suprême Réalité, quel que soit le nom qui nous puissions lui donner. Peut-être que les lignes suivantes, de à la parfaite sagesse exprimeront mieux cette impuissance:
Comme les gouttes de rosée au contact des rayons du soleil disparaissent,
ainsi se dissipe toute théorie, une fois qu’on t’a trouvé, Toi.
Qui est capable de te louer, Toi, sans apparence ni aspects ?
Toi qui surpasses tous les discours, toi, sans appui, où que ce soit !”