Eglises d'Asie

Une manifestation prévue pour le 21 septembre va relancer l’opposition de l’Eglise à la politique du pouvoir actuel

Publié le 18/03/2010




Le mécontentement de l’Eglise catholique face au pouvoir en place continue de croître et le cardinal Jaime Sin n’a nullement l’intention d’abandonner sa campagne d’opposition à la politique pratiquée par le président Joseph Estrada et son administration, politique qualifiée par lui de “corrompue” et “autocratique”. Moins de trois semaines après la manifestation du 20 août dernier (16) qui avait réuni autour du cardinal et de Corazon Aquino plusieurs dizaines de milliers de personnes au coeur de la capitale, un autre rassemblement qui se veut encore plus imposant est en train de se préparer. Il est prévu pour le 21 septembre, à l’occasion du 27ème anniversaire de la déclaration de la loi martiale par le président Marcos. Dans une lettre envoyée le 7 septembre à toutes les paroisses et institutions religieuses de la capitale, le cardinal appelle les catholiques à faire du 21 septembre une journée de protestation contre “les tendances autocratiques du président Joseph Estrada”. Pendant cinq minutes, les cloches de toutes les églises sonneront en signe de condamnation de “l’immoralité du gouvernement actuel”. Clergé, religieux, religieuses, étudiants, fonctionnaires, professions libérales et membres d’organisations de gauche sont invités à se rassembler à proximité du palais présidentiel de Malacanang.

Dans sa lettre du 7 septembre, le cardinal archevêque de Manille affirme que “la promotion de la culture du jeu, de la mort, de la corruption et d’une politique sans vision” constitue la caractéristique principale de la politique suivie par l’équipe gouvernementale actuelle pour l’administration du pays. Le cardinal ajoute ainsi un certain nombre de critiques à celles qu’il avait rendues publiques lors de la manifestation du 20 août dernier (17). Les divers points abordés dans cette accusation font, en effet, référence à certaines mesures récentes prises par le gouvernement. Au cours des dernières semaines, la presse a effectivement pris pour cible des dispositions gouvernementales dont certaines diminuent de moitié les taxes de l’industrie cinématographique, d’autres encouragent les jeux et paris organisés, jusqu’ici interdits, d’autres enfin octroient des faveurs en nature, comme des voitures de luxe, à certains fonctionnaires et ministres. Une recommandation du président visant à appliquer la peine de mort aux enfants mineurs a également soulevé des protestations indignées dans divers milieux.

Les autres motifs d’opposition de l’Eglise à la politique actuelle du président sont connus depuis deux ou trois mois, en particulier depuis le 20 août dernier. Un projet de révision constitutionnelle annoncé par le président est plus particulièrement pris à parti. Celui-ci vise à permettre aux capitaux et investissements étrangers à entrer plus librement sur le marché philippin. Mais, derrière cette révision et la corruption qu’elle pourrait favoriser, l’opposition voit une tentative de rapprochement du président Estrada avec la famille du président Marcos, dont certains protégés sont favorisés en particulier dans le domaine des affaires. Beaucoup craignent que le président actuel ne soit entraîné sur la même pente fatale que son prédécesseur, le président Ferdinand Marcos.

Les rapports entre les dirigeants d’Eglise et le gouvernement ont été encore envenimés par la position prise par Mariano Velarde, le dirigeant des quatre millions de membres du mouvement charismatique El Shaddai. Celui-ci, en effet, s’est ouvertement rangé du côté du président actuel dont il est le conseiller spirituel. Le 20 août, il s’était opposé aux positions du cardinal et, au moment de la manifestation, avait organisé un rassemblement de prières où il avait donné une tribune au président pour qu’il expose sa politique et se défende des accusations portées contre lui. Selon l’AFP, Mariano Velarde aurait annoncé que lors de la manifestation du 21 septembre prochain, il organiserait une réunion de prières pour les membres de son mouvement.

Avant l’annonce de la nouvelle manifestation destinée à relancer l’opposition, une tentative de conciliation avait essayé d’atténuer la tension existant entre la hiérarchie catholique et le pouvoir politique et d’éviter qu’elle n’arrive à son point de rupture. Le 30 août dernier, dans la résidence personnelle du cardinal, une rencontre entre celui-ci, le président et Corazon Aquino avait été organisée pour faire le point sur les différends existants, en particulier sur la peine de mort, le traité sur les forces alliées et l’amendement constitutionnel. Des propos conciliants des uns et des autres avaient été rapportés après l’entretien et une commission comprenant des représentants des trois parties avait été créée pour suivre l’affaire de l’amendement constitutionnel. A voir l’évolution ultérieure des rapports, cette tentative ne semble pas avoir eu de suite.