Eglises d'Asie

Des groupes extrémistes hindous menacent de perturber la visite prochaine du pape en Inde

Publié le 18/03/2010




“Le pape est bienvenu dans notre pays, mais il doit montrer un égal respect pour toutes les religions”, a déclaré Rajendra Singh, dirigeant du Rashtriya Swayamsewak Sangh (RSS), le groupe principal de la nébuleuse hindouiste dont fait partie le BJP, le parti au pouvoir, ajoutant que “si [le pape] dit qu’une seule religion peut apporter le salut, à l’exclusion des autres, nous devrons nous opposer à [cette visite]”. Par ailleurs, le Vishwa Hindu Parishad (VHP – Conseil mondial hindou) a annoncé une “marche de protestation contre les atrocités catholiques” dans plusieurs Etats de l’Inde, une marche qui doit partir de Goa, l’ancienne enclave portugaise, siège de “la tristement célèbre Inquisition installée par les Jésuites au XVIème siècle”, pour aboutir à New Delhi le 4 novembre, veille du jour de l’arrivée du pape dans la capitale indienne.

Le pape se rendra en Inde du 5 au 8 novembre prochain. A l’occasion de sa deuxième visite dans ce pays (la première remonte à 1986), Jean-Paul II doit non seulement rencontrer les chrétiens indiens mais aussi rendre publique l’exhortation apostolique Ecclesia in Asia donnant les conclusions officielles du Synode des évêques pour l’Asie (qui s’est tenu à Rome au printemps 1998). A cette occasion, des évêques de toute l’Asie seront réunis autour du Saint Père à New Delhi. Etant donné le climat actuel de l’Inde, et malgré le désir du pape de visiter Calcutta et Bombay, le gouvernement indien avait obtenu du Saint-Siège que New Delhi, la capitale fédérale, soit la seule étape du voyage de Jean-Paul II (4). Cette visite, qui s’annonçait déjà difficile et avait été placée sous haute sécurité, le devient encore plus après les récentes prises de position de ces groupes extrémistes.

A l’occasion du lancement du site web de son mouvement, Rajendra Singh, le dirigeant du RSS, s’est fait presque menaçant lorsqu’il a déclaré que, si la religion hindoue prêchait la paix et la tolérance, cela ne signifiait pas pour autant que nous [les hindous] passons notre temps à parler de l’amitié, de la paix, de la bonne volonté et de la coexistence tandis que d’autres profitent de notre pacifisme pour nous attaquer, nous brutaliser et que nous tolérons silencieusement cela“. Il ajou-tait : Si toutes les religions sont égales, pourquoi devraiton se convertir !”, une allusion directe au travail pastoral des prêtres et des missionnaires en Inde, un travail dénoncé par les extrémistes hindous pour les conversions forcées” qu’il est supposé entraîner.

Les dirigeants du Vishwa Hindu Parishad (VHP), pour leur part, ont déclaré que la marche qu’ils envisagent traversera les Etats du Maharashtra, du Gujarat, du Madhya Pradesh et du Rajasthan pour finir à New Delhi, la veille de l’arrivée du pape dans la capitale indienne. Le choix de Goa, ancienne colonie portugaise, située à l’ouest du pays, catholique à 30 %, comme point de départ de la marche n’est pas neutre. Subash Velingkar, secrétaire général du RSS à Goa, a confirmé à l’agence catholique UCA News que ce choix est dû au fait que les origines des conversions [d’hindous au catholicisme] se trouvent dans l’Ancienne Goaau temps de l’Inquisition“, une Inquisition pour laquelle le VHP veut que le pape demande pardon.

Enfin, le VHP s’est déclaré opposé à ce que le gouvernement indien invite le pape en Inde car, à l’occasion de la réunion des évêques d’Asie autour du Saint Père, ce dernier dressera les plans destinés à répandre la christianisme dans la région pour la prochaine décennie“. De plus, le VHP prévoit d’organiser à l’occasion de la visite du pape une réunion nationale des chefs aborigènes pour débattre de la décadence de la culture aborigène du fait de l’agression chrétienne“. En en appelant à la protectiondes cultures aborigènes, le VHP cherche à accréditer la thèse selon laquelle les peuples aborigènes de l’Inde, que ce soit dans le nord-est du pays ou dans des Etats comme l’Orissa, le Gujarat ou le Madhya Pradesh, étaient, à l’origine, de religion hindoue et que ceux d’entre eux qui sont aujourd’hui chrétiens ont été convertis de force par les missionnaires.

L’Eglise n’a pas réagi de façon officielle à ces prises de position. Selon Valentino Fernandes, un responsable de communautés catholique à Goa, cette idée de marche à travers le pays est un simple prétexte pour attirer de la publicitéau moment où les médias internationaux porteront leur attention sur l’Inde. Pour le P. Ivo Concessao De Souza, professeur au séminaire Rachol à Goa, commentant la demande du VHP de voir le chef de l’Eglise catholique s’excuser pour l’Inquisition, le pape a déjà demandé pardon pour les erreurs passées de l’Eglise et ce serait plutôt aux groupes hindous de demander pardon pour les atrocités qu’ils ont commises contre des chrétiens au cours du XXème siècle“.