Eglises d'Asie

Les dernières directives gouvernementales en matière religieuse ont provoqué un vif mécontentement qui s’est exprimé ouvertement

Publié le 18/03/2010




Deux textes législatifs destinés à servir de directives aux activités religieuses ont paru depuis le début de cette année, le décret 26/1999/ND-CP du 19 avril émanant du gouvernement (24) et la lettre d’application 1/1999/TT-TGCP publiée par le Bureau des Affaires religieuses le 16 juin dernier (25). Ces deux documents ont suscité un vif mécontentement dans les milieux religieux, surtout le second, particulièrement négatif et comportant de nombreuses restrictions et limitations inconnues jusque là. Sa volonté de sanctionner la non-observation des directives et de contrôler jusqu’à la vie monastique a particulièrement déplu. Des échos de ce mécontentements se sont fait entendre dans les textes clandestins diffusés par des dissidents de diverses religions (26), mais aussi dans des milieux plus officiels, comme dans l’entourage de l’organe du Comité d’union du catholicisme à Hô Chi Minh-Ville, “Catholicisme et Nation”. Le P. Thiên Cam, dominicain, y a écrit une série d’articles (27) où étaient relevés sans complaisance les aspects répressifs de ces textes, leur volonté de contrôle injustifié de la vie des croyants, qui, en fin de compte, se sont révélés des citoyens soumis depuis le changement de régime de 1975.

Le plus fouillé de ces articles, destiné à fournir un commentaire à la lettre d’application du Bureau des Affaires religieuses (1/1999/ND-CP), a paru au mois de juillet 1999 et portait contre ce document trois critiques essentielles.

Il relevait en premier lieu le terme “sanction” (chê tài) employé pour la première fois dans un texte de ce genre (28). Le chapitre I de la lettre était malencontreusement intitulé Sanctions des activités religieusestandis que l’ensemble du texte s’appliquait à préciser la nature des sanctions encourues par ceux qui violaient interdictions et réglementations de l’Etat au sujet de la religion. Il était précisé par exemple que tous ceux qui utilisent la religion pour s’opposer à l’Etat et commettre d’autres transgressions…, sont passibles des punitions prévues dans le décret sur les sanctions administratives à l’article 12 (avertissement) et à l’article l25 (surveillance et détention administratives). Nous ne pouvons manquer de nous interroger, remarque le religieux dominicain : Pourquoi ce mot ‘sanction’qui apparaît subitement comme un sévère avertissement destiné aux religions ? Quels articles de loi ontelles transgressés pour que l’Etat soit obligé de prendre de telles mesures ? Selon l’auteur de l’article, une telle attitude des autorités civiles à l’égard des croyants contraste avec les efforts faits de part et d’autre pour vivre en harmonie depuis qu’à la fin des années 1980 a été lancée la politique du renouveau (dôi moi). L’Etat a corrigé sa conception de la religion et apprécie désormais les aspects positifs des diverses Eglises ainsi que leur utilité sociale.

L’article du P. Cam s’élevait également avec vigueur contre le pouvoir exorbitant de contrôle donné à l’Etat sur la vie monastique et sur le recrutement par la lettre d’application du décret 26/1999/ND-CP. Jamais, peut-être un autre document n’est allé aussi loin dans le contrôle détaillé de la vie religieuse. Le chapitre sur les congrégations religieuses précise les diverses formalités qui accompagnent l’entrée au couvent de l’aspirant à la vie religieuse ainsi que les conditions auxquelles il doit répondre. La congrégation qui s’installe devra fournir à l’Etat son règlement ou sa charte d’activités, comprenant idéal de vie, objectif, organisation intérieure, activités extérieures, relations sociales au Vietnam et à l’étranger… Contre le “joséphisme” de l’Etat vietnamien, le religieux dominicain répliquait : L’accueil de celui qui aspire à la vie religieuse concerne les maisons religieuses et non pas l’Etat. Ce n’est pas lui qui les reçoit chez lui. Par ailleurs, le choix de la vie religieuse, tout comme celui du mariage est un droit fondamental. Pour les croyants, c’est de plus une vocation de caractère sacré, vocation qui exige une liberté absolue chez celui qui la reçoit de Dieu. Aller contre cette liberté, c’est violenter une conscience humaine…”

Une disposition de la lettre d’application qui stipulait que L’Etat n’accepte pas la transformation d’une maison ou d’un terrain privé en un établissement de culte sous quelque forme que ce soita été jugée particulièrement humiliante par le P. Cam : Voilà une pénalisation: nous en ressentons de l’humiliation. Alors que l’Etat permet aux étrangers d’acheter et de vendre des biens au Vietnam, nous citoyens vietnamiens n’avons pas le droit de vendre ou de céder nos terrains à d’autres citoyens vietnamiens pour en faire des lieus de culte

Une réponse de deux pages aux critiques formulées par ces articles vient d’être envoyée à la revue Catholicisme et Nation“, qui l’a publiée (29). Son auteur, Nguyên Xuân Diên qui se présente comme un spécialiste de la législation religieuse semble avoir été inspiré par le Bureau des Affaires religieuses. Pour chacun des trois griefs, M. Diên fournit une justification parfois assez embarrassée. Selon lui, le mot “sanction”, telle qu’il est utilisé dans la lettre d’application doit être compris comme le moyen et la mesure par lesquels les législateurs garantissent que la disposition de la loi sera appliquée“. Les mesures prises pour contrôler l’entrée des jeunes gens dans les maisons religieuses sont selon lui destinées à vérifier qu’ils y rentrent librement et qu’ils ne subissent aucune contrainte. Enfin, pour ce qui concerne l’interdiction faites aux particuliers de transmettre des terrains pour en faire des lieux de culte, ce ne serait que la conséquence d’une disposition de la loi sur les terrains, loi amendée en 1998. Celle-ci stipule que les particuliers peuvent transmettre, louer ou léguer des terrains à condition de respecter la leur destination première (30). Or, il est bien évident que dans le cas d’une transformation d’un terrain privé en terrain destiné au culte, cette condition n’est pas respectée.