Eglises d'Asie

Dans une communication au gouvernement, les évêques ont exprimé leurs critiques concernant les récentes directives religieuses

Publié le 18/03/2010




Lors de leur réunion annuelle d’octobre 1999, malgré les suggestions du Bureau des Affaires religieuses les invitant à enterrer cette affaire, les évêques vietnamiens avaient fait savoir publiquement qu’ils ne pourraient pas garder le silence (31) sur les deux documents gouvernementaux récents qui ont soulevé un mécontentement général dans tous les milieux religieux du pays, à savoir le décret 26/1999/ND-CP du 19 avril 1999 et sa lettre d’application 1/1999/TT.TGCP (32). A la demande des autorités, l’intervention épiscopale devait prendre la forme discrète d’une communication écrite contenant les considérations de la Conférence à ce sujet, qu’une délégation épiscopale irait transmettre aux autorités compétentes. C’est chose faite comme le révèle une publication franco-vietnamienne en France, Tin Nhà (33), qui a obtenu de bonne source le texte vietnamien intégral de cette communication. Il est daté du 16 octobre, à savoir du dernier jour de la réunion annuelle de la Conférence épiscopale. La date de la remise du document au gouvernement et l’identité des porteurs ne sont pas pour le moment précisées.

Intitulée Considérations générales de la Conférence épiscopale vietnamienne sur le décret N( 26/1999/NDCP du 19 avril 1999la communication, très brève, est composée de quatre propositions que nous traduisons ci-dessous :

1 Beaucoup de personnes appartenant à diverses religions éprouvent la même impression, à savoir que, dans le domaine de la liberté religieuse, le décret 26 n’est pas une ouverture mais une fermeture.

2 Beaucoup d’articles du décret, loin de créer des conditions favorables aux activités religieuses, y ajoutent au contraire complications et difficultés.

3 Le décret 26 fait obstacle à l’établissement des bases légales qui permettraient aux religions de contribuer à l’édification du pays et au développement de la nation, en particulier, dans le domaine spirituel et moral.

4 Le décret 26, au lieu de contribuer à mettre en valeur l’esprit démocratique de l’administration de l’Etat, renforce un système selon lequel toute chose doit faire l’objet d’une demande avant d’être octroyée“, empêchant ainsi les organes du gouvernement de remplir les fonctions d’un Etat au service du peuple.

La brièveté du document ne l’empêche pas de constituer une prise de position très ferme non seulement sur les récentes directives gouvernementales mais sur la politique religieuse en général. En dehors de l’appréciation résolument négative du décret, plusieurs points de la communication doivent être soulignés. En premier lieu, on peut remarquer que, dès sa première ligne soulignant que le décret mécontente également les diverses religions du pays, le texte s’inscrit dans la ligne de l’appel de personnalités de quatre religions, lancé récemment sur le même sujet (34). Les évêques affirment ainsi leur solidarité avec les autres confessions religieuses du Vietnam. A l’époque, le cardinal n’avait pu signer ce premier appel, obligé d’attendre la réunion d’octobre de la Conférence épiscopale qui devait adopter une attitude commune sur ce sujet.

Le troisième point reproche au décret, par ses dispositions négatives, de fermer la porte aux tentatives des religions pour étendre leur action sur la scène sociale. En décidant que les biens et les terrains confisqués autrefois sont désormais propriétés d’Etat, en interdisant à l’Eglise d’acquérir des terrains à usage privé, le décret prive l’Eglise des moyens nécessaires à cette action. Par ailleurs, les religions sont jusqu’à présent pratiquement exclues de la politique de privatisation (“socialisation”, selon le terme officiel) (35) pourtant déjà bien entamée dans le domaine scolaire, culturel et hospitalier.

D’une certaine façon, c’est le comportement général des autorités à l’égard des religions et peut-être même de toute la société civile, qui est mis en cause par le quatrième point de la communication, dans lequel les évêques critiquent un système de gestion des affaires religieuses qui oblige les responsables d’Eglise à se tenir en position de perpétuel quémandeur.