Eglises d'Asie

LES ARRESTATIONS DE CHRETIENS SE MULTIPLIENT

Publié le 18/03/2010




En 1991, la République démocratique populaire lao, un des derniers régimes communistes d’Asie, a fait montre d’une certaine ouverture dans le domaine de la liberté religieuse, avec notamment l’adoption d’une nouvelle Constitution reconnaissant la liberté religieuse. Régulièrement pourtant, des chrétiens sont arrêtés du fait de leur foi (1). Sur une population de 5 millions d’habitants, les chrétiens ne sont qu’une toute petite minorité de 1,2 %, soit environ 60 000 personnes. Les catholiques sont les plus nombreux avec 42 000 fidèles, les protestants (baptistes et évangélistes) formant le reste.

Selon de récentes informations, les arrestations de chrétiens se sont multipliées ces derniers mois au Laos. Au moins 33 chré-tiens sont actuellement sous les verrous. Ces arrestations con-cernent surtout des protestants et principalement des membres des minorités, des groupes ethniques minoritaires du Laos.

* Dans la province d’Attopeu, à l’extrême sud-est du pays, onze chrétiens, de la minorité Ta Oy et appartenant presque tous à l’Eglise évangélique lao, sont en prison. Certains d’entre eux jouissent d’une liberté conditionnelle et peuvent sortir de prison le jour mais y retournent la nuit.

Sur ces onze, deux sont détenus depuis l’an dernier. Il s’agit de M. Virakorn, âgé de 38 ans, de Ban Huay Phai, dans le district de Sanamxai, et de M. Kaew, âgé de 50 ans, de Ban Khang, dans le district de Sanamxai.

Marié, père de 2 filles, M. Virakorn été arrêté le 13 juillet 1998. Il est depuis détenu à la prison d’Attopeu. Cet ancien professeur, aujourd’hui cultivateur, a déjà été arrêté le 19 mai 1997, détenu pendant 25 jours, libéré, puis de nouveau arrêté le 7 octobre 1997 pour être relâché le 13 avril 1998.

Déjà arrêté à plusieurs reprises pour ses activités de prédication, M. Kaew est détenu depuis le 8 septembre 1998 à la prison d’Attopeu. Les responsables de la prison lui ont décla-ré qu’il serait libéré s’il renonçait à ses activités religieuses.

Les neuf autres ont été arrêtés cette année : le 25 février 1999, la police a arrêté huit chrétiens et les a incarcérés à la prison d’Attopeu. Trois d’entre eux sont du village de Ban Khang, dans le district de Sanamxai. Il s’agit de M. Kham Seuk, âgé de 50 ans, de M. Nuang, 49 ans, et de M. Sawat, 45 ans. Le quatrième, M. Tcha Leng, âgé de 49 ans, vient du village de Ban Huay Phai, dans le même district de Sanamxai. Le cinquième, M. Hamuan, âgé de 25 ans, vient du village de Ban Dontapart.

Les trois autres viennent de la province voisine de Champasak, du village de Huay Namsai Theung, dans le district de Uthum-phorn, mais ont été arrêtés dans la province d’Attopeu alors qu’ils rendaient visite à des chrétiens de cette province. Ils sont détenus à la prison d’Attopeu. Il s’agit de M. Khammuan, 42 ans, arrêté au motif qu’il convertissait les gens au christianisme en usant de propagande; de M. Sinh, 37 ans, arrêté sous le même motif et de M. Sanguan. Ce dernier, âgé de 33 ans, est en isolement, dans une cellule sans fenêtre de la prison d’Attopeu. Du onzième, on ne connaît que le nom, M. Sompong, et le lieu de détention, la prison d’Attopeu.

* Au nord-ouest du pays, dans la province de Houaphan, le 22 octobre dernier, 13 chrétiens de la minorité h’mong ont été arrêtés. Aucun chef d’inculpation n’a été pour le moment retenu contre eux mais le motif de leur arrestation et de leur emprisonnement paraît bien être leur appartenance à la religion chrétienne et leurs activités religieuses. Certains ont été relâchés mais six d’entre eux sont toujours sous les verrous. Il s’agit de Khoua Neg Yang, chef de la communauté chrétienne locale, de Thao Tchong La, de Vang Pao Ya, de Tscheu Yang, de Pao Ye Yang et enfin de Vang Yang. Tous les six sont détenus à la prison provinciale.

Des chrétiens de la minorité h’mong, dans cette province de Houaphan, ont par ailleurs fait savoir qu’en juin de cette année, les autorités laotiennes avaient visité chaque famille chrétienne et les avaient obligées à payer une amende de 50 000 kips (2) au motif qu’elles étaient des disciples de Jésus. La police a prévenu que si, en décembre ou en janvier au plus tard, elles continuaient à professer leur foi en Dieu, les amendes seraient portées à 500 000 ou un million de kips. Selon ces chrétiens h’mongs, c’est la première fois que les autorités se comportent de cette façon.

* Au début de cette année, des chrétiens de la minorité khmu ont été arrêtés autour de Luang Prabang. La plupart ont été relâchés depuis mais trois d’entre eux sont toujours en prison. Il semble que ces arrestations soient à mettre en corrélation avec la désignation par l’Onu de Luang Prabang comme ville du patrimoine mondial et la publication d’un recensement indi-quant que 200 villages dans la région alentour sont majoritai-rement peuplés de chrétiens. La plupart de ces 200 villages sont habités de chrétiens de la minorité khmu. Luang Prabang est le principal centre du bouddhisme au Laos. Il semble qu’à la suite de la publication de ce recensement, le gouverneur de Luang Prabang ait déclaré que sa province devait devenir une zone sans chrétiens“. La police et l’armée se sont livrées à des manouvres d’intimidation, encerclant certains villages chré-tiens. Des églises protestantes ont été fermées. En avril/mai 1998, au moins quatorze chrétiens ont été arrêtés. Dans le district de Siang Ngoen, trois fonctionnaires ont été licenciés pour avoir refusé de renoncer à leur foi chrétienne. Une ensei-gnante chrétienne, jouissant pourtant d’une bonne réputation après 20 ans d’enseignement, a dû démissionner après qu’une manifestation de 300 étudiants eut été organisée contre elle ; elle était apparentée à un responsable chrétien emprisonné.

Dans cette province, les autorités locales perçoivent les Khmu chrétiens comme des éléments allogènes : qu’un Khmu se dise chrétien signifie, à leurs yeux, qu’il refuse son appartenance à la nation laotienne. Deux ou trois jours après la visite au Laos de Robert Seiple, ambassadeur spécial des Etats-Unis pour la liberté religieuse dans le monde, la police laotienne a arrêté de nouveau trois responsables khmus de communautés chrétien-nes de la province de Luang Prabang. Les trois avaient déjà été arrêtés puis relâchés au début de cette année. Il s’agit de M. Peto, du village de Ban Huay Khang, dans le district de Xiang Ngoen, de M. Sisamouth, de Ban Phone Pheng, dans le district de Luang Prabang et de M. Boonme, de Ban Huay Kiea, dans le district de Xiang Ngoen. Tous trois ont été arrêtés le 25 juillet 1999 et sont détenus à Mano, la prison de Luang Prabang. Les trois ont fait parvenir un message à l’étran-ger et demandent de l’aide : la situation ne peut pas être pire“.

* Le long de la route nationale n° 9, qui relie Savannakhet au Vietnam, les autorités ont pris des mesures très sévères contre les minorités chrétiennes, principalement les Brus et les Ta Oy, qui habitent dans les zones rurales. Des chrétiens brus ont été délogés de chez eux et transférés dans d’autres districts, avec pour seul papier un document qui leur donne droit à être relogé mais qui ne leur donne pas la permission de s’installer quelque part ! Ces mesures datent déjà de plusieurs années et un docu-ment de 1994 désigne ceux qui doivent être déplacés comme ceux qui croient à la religion de Jésus“. Toutefois, la visite à la fin 1999 de M. Nouhak, ancien président du Parti commu-niste, dans la région a relancé les mesures contre les chrétiens. C’est particulièrement vrai dans les districts de Sephone et de Savannakhet.

Un groupe de huit à dix familles chrétiennes est ainsi ballotté entre les autorités civiles de deux districts. Ces familles sont actuellement installées à Nawn Sampawn, dans le district de Champawn. Les autorités du district de Sephone se plaignent à leurs homologues du district de Champawn et affirment que ces gens ont fui Sephone sans raison“. Elles veulent les arrêter et les renvoyer à Sephone. Cependant, ces familles ne peuvent retourner à Sephone que si elles abandonnent leur foi. Dans le cas contraire, elles seront envoyées en prison.

Dans cette région, les autorités cherchent à créer des tensions entre chrétiens et animistes, par-delà les divisions ethniques. Les animistes ont en effet souvent peur que la conversion de certains d’entre eux au christianisme ne mette en colère les esprits tutélaires de leur village. On rapporte que les autorités laotiennes sèment la discorde en racontant que ceux qui se convertissent au christianisme le font parce qu’ils sont achetés par des puissances étrangères (les Etats-Unis) ; elles répandent aussi le bruit que ceux qui suivent Jésus ne sont pas de bons citoyens laotiens ; dernièrement, elles ont aussi fait croire que le président Clinton, pour l’an 2000, allait donner des armes aux chrétiens pour que ces derniers se rebellent contre le gouvernement. Le résultat d’une telle politique est que là où animistes et chrétiens vivaient en paix depuis des décennies, la question religieuse est devenue un problème.

Sur les quinze chrétiens appartenant à la minorité bru et qui ont été emprisonnés entre janvier et mars de cette année, six ont été relâchés ; sur ces six, trois auraient été libérés après avoir signé une renonciation écrite à leur foi. Les neuf chrétiens toujours sous les verrous sont les suivants :

Pa Tood, 45 ans, marié, père de cinq enfants âgés de 5 à 12 ans. Responsable de l’église de son village, il a été arrêté le 7 mars 1999 sous l’inculpation croit à la religion de Jésus“. Ses conditions de détention sont très dures. Parce qu’il a refusé de renoncer à sa foi en échange de sa libération, il est maintenu en isolement complet. Une de ses jambes est attachée à un piquet de bois 24 heures sur 24. Il peut boire de l’eau chaque jour mais il est parfois privé de nourriture solide pendant plusieurs jours. Ce n’est pas le premier séjour en prison de Pa Tood : arrêté en 1993, il avait été libéré le 27 octobre 1994, après un an et demi de détention. Sa femme, Koom, a également été arrêtée, le 17 mars 1999, avec son bébé. Privée de nourriture, après sept jours de détention et une crise nerveuse, elle a été relâchée.

M. Sakua, âgé de 66 ans, est le père de Pa Tood. Ce n’est pas sa première arrestation (en 1994, il avait fait un séjour en prison). Il a été arrêté le 31 janvier de cette année, au motif croit à la religion de Jésus“.

M. Laria, veuf, âgé de 43 ans, père de 3 enfants, a aussi été arrêté le 31 janvier.

M. Kwang Ya, âgé de 35 ans et père de 3 enfants. Il a déjà fait un et demi de prison avant d’être relâché en octobre 1998. Il a été arrêté le 31 janvier.

M. Chan, 38 ans, marié et père de 5 enfants. Il a été arrêté le 31 janvier.

M. Tamuay, 41 ans, marié et père de 5 enfants, a été arrêté au motif croit à la religion de Jésus“.

M. Adaeng, 35 ans, marié et père de 3 enfants, a été arrêté le 31 janvier au motif croit à la religion de Jésus“.

M. Amok, 38 ans, marié et père de 4 enfants. Il a été arrêté le 31 janvier.

M. Ateum, marié et père de 3 enfants, a été arrêté le 25 mars dernier.

Tous sont paysans et cultivent le riz sur les hauts plateaux. Ils sont détenus à la prison de Savannakhet, sauf M. Ateum qui est détenu à la prison de Sephone.

* Dans la région de Savannakhet, les divers responsables de l’Eglise évangélique dans la province ont été interrogés récem-ment ensemble puis séparément. La police veut connaître la nature de leurs liens avec l’étranger, les financements et les visiteurs qui viennent des Etats-Unis. Elle les soupçonne d’entretenir des liens avec des mouvements de subversion.

* Dans la province d’Udomsay, au nord du pays, des informa-tions datant du mois dernier font état de plusieurs arrestations, pour raisons religieuses, de chrétiens. Quatre au moins seraient détenus à la prison provinciale : M. Boon Chanh, M. Tcheng, M. Thong Chanh, M. Nhot. Tous les quatre sont lao.

*A une trentaine de kilomètres de Vientiane, la communauté chrétienne de la minorité h’mong qui vit au lieu-dit Kilomètre 52 a connu des difficultés au mois d’octobre et de novembre derniers. La police a cherché à forcer les chrétiens à signer des renonciations à la foi chrétienne. Les policiers ont justifié leur action en affirmant que le parlement avait voté une loi faisant du bouddhisme la religion d’Etat au Laos. En vérité, une telle loi n’a pas été votée mais un projet de loi a été déposé au parlement. Ce projet, déposé en novembre, propose que le bouddhisme devienne la religion officielle du Laos.

Au cours d’un autre incident qui s’est aussi passé non loin de la capitale, un chrétien interrogé par la police à propos de ses activités religieuses a demandé pourquoi, puisque la liberté religieuse est garantie par la constitution, des églises étaient fermées dans les provinces alors que les églises de Vientiane restent ouvertes au culte. Il lui a été répondu que les églises de Vientiane restaient ouvertes du seul fait de la présence de nom-breuses représentations diplomatiques dans la capitale du Laos.