Eglises d'Asie – Indonésie
Amboine : le parlement a refusé un plan militaire de ségrégation des communautés chrétienne et musulmane
Publié le 18/03/2010
Mais la suggestion a été jugée trop dangereuse pour l’idée de citoyenneté et l’unité nationale indonésienne. Mme Maria Astrid Susanto, vice-présidente de la commission, a expliqué, le 14 décembre, que “tout citoyen indonésien doit demeurer libre de résider dans la partie du pays de son choix quelle que soit sa religionSelon elle, la grande majorité des chrétiens des Moluques ont aussi rejeté ce plan pour différentes raisons, alors que beaucoup de musulmans y seraient favorables. Mme Susanto est elle-même catholique et élue d’un parti chrétien, le Partai Demokrasi Kasih Bangsa (Parti démocrate ami de la nation).
Selon le plan, les îles fertiles de Saparua et Haruku, où chrétiens et musulmans sont à peu près égaux en nombre, auraient été allouées aux musulmans, et les chrétiens auraient été relogés sur l’île de Seram d’où beaucoup de musulmans sont partis. Selon Mme Susanto, “les chrétiens refusent ce plan parce qu’ils ne veulent pas quitter la terre de leurs ancêtres
Sur l’île même d’Amboine où se sont déroulés les conflits les plus sanglants depuis un an, le plan de partition du territoire n’est pas populaire, mais le fait est que, à l’heure actuelle, les deux communautés vivent complètement repliées sur leurs villages ou leurs quartiers respectifs. Chaque communauté a ses marchés, son système de transport et ses propres services publics. La peur semble avoir profondément pénétré les esprits.
M. Hendardi, avocat musulman bien connu et directeur de l’Association indonésienne pour l’aide légale et les droits de l’homme, s’est montré lui aussi favorable à la position défendue par la commission parlementaire. S’exprimant à la télévision nationale le 14 décembre, il a dénoncé le plan de ségrégation imaginé par les militaires, en disant qu’il serait contraire au pluralisme reconnu par la constitution indonésienne et que, par ailleurs, ce serait un mauvais précédent à utiliser pour la solution future de conflits du même type. M. Hendardi a aussi vigoureusement critiqué le président Abdurrahman Wahid et la vice-présidente Megawati Sukarnoputri, après leur voyage commun aux Moluques : “La déclaration du président donne l’impression que le gouvernement veut éviter de prendre ses responsabilités dans le maintien de la loi et de l’ordre. En rejetant ses responsabilités et en déclarant que le conflit des Moluques est l’affaire de la population locale, le gouvernement accepte une inaction qui est une violation des droits de l’homme et un refus du fait que les forces de sécurité sont impliquées dans le conflit“. Le 12 décembre, le président indonésien avait rencontré 300 représentants de la société civile des Moluques à Amboine (12). Il avait souligné que l’avenir de la paix sur le territoire était entre leurs mains.
Les violences n’en continuent pas moins dans l’archipel. Selon le quotidien Kompas, des émeutes interreligieuses ont éclaté dans la semaine précédant Noël, sur l’île de Buru. Au lendemain de Noël, selon Media Indonesia Daily, on comptait au moins 125 morts et près de 170 maisons incendiées. Des milliers de personnes auraient cherché refuge dans les montagnes de l’île. A Amboine, les violences ont repris depuis Noël, causant la mort d’au moins 33 personnes dans la ville d’Amboine. Des tirs d’armes automatiques et des explosions de grenades ont été entendus partout dans la ville. Les musulmans comme les chrétiens accusent l’armée indonésienne d’épauler et d’armer l’autre camp. Le 28 décembre, la Communion des Eglises d’Indonésie (PGI) a appelé au déploiement d’une force internationale d’interposition et de maintien de la paix dans toute la province des Moluques. Elle a aussi demandé que les forces armées (militaires et policiers) soient tenues responsables pour l’escalade du conflit dans l’archipel. Au total, on compte plus de 850 morts depuis le début des violences aux Moluques, en janvier 1999.