Eglises d'Asie – Inde
Bihar : des religieuses, menacées par des extrémistes hindous, ont dû quitter leur couvent tandis que la messe de Noël s’est déroulée sous la protection de la police
Publié le 18/03/2010
Selon Mgr Jean-Baptiste Thakur, jésuite, évêque de Muzaffarpur, diocèse où se trouve le couvent des religieuses, “la situation demeure précaire et menaçante ». Il a demandé aux sours de ne pas regagner leur couvent “tant que les choses ne seront pas redevenues normales ». Dans la nuit du 23 décembre, six hommes armés ont mis à sac la mission de Madhubani d’où, par chance, était absent le P. Sudeep Chacko, jésuite. Selon ce dernier, en dépit de ces incidents et des menaces reçues, “la veillée et la messe de Noël ont été célébrées dignement » et “nombre de nos amis hindous nous avaient rejoint ». Cette célébration de Noël s’est toutefois déroulée sous la protection armée de la police.
Par ailleurs, à quatre kilomètres de Madhubani, une centaine de militants du Hindu Jagran Manch (Forum pour l’éveil des hindous), un groupe extrémiste hindou, se sont rassemblés lors de la nuit de Noël devant le temple protestant du Christ-Roi. Un membre du Forum soutenait que sa femme était dans l’église, retenue contre son gré par un chrétien qui voulait la convertir de force au christianisme. Le révérend Guna Shekharan, pasteur de cette église, a démenti l’accusation et a déclaré qu’une cinquantaine de personnes de différentes confessions avaient pris part cette nuit-là, en toute liberté, à une veillée de prières charismatique. Le chef de la police locale a par la suite fait savoir qu’il avait fait procéder à l’interpellation de l’homme et de sa femme et qu’il “enquêtait ». “Des éléments peu scrupuleux » cherchent à créer des problèmes, a-t-il déclaré, ajoutant que la police “protégerait les chrétiens ».
Mgr Thakur a remercié les autorités civiles pour avoir rapidement fourni une protection policière. Il a aussi ajouté qu’il “ne pouvait pas transformer les dessertes de mission en perpétuels camps retranchés, gardés par la police ». Enfin, il a rejeté les accusations de conversion et précisé que Madhubani était aussi appelé “le pays de la déesse [hindoue] Sita ». “Même les plus zélés des missionnaires protestants ne se risqueraient pas à des actions de prosélytisme ici », a-t-il conclu.
Selon le pasteur Shekharan, c’est dans une perspective de gains politiques que les extrémistes hindous tentent en ce moment de créer des problèmes aux missionnaires chrétiens. Des élections doivent en effet bientôt avoir lieu dans l’Etat de Bihar, a-t-il précisé. Selon les statistiques indiennes, les chrétiens ne sont qu’une toute petite minorité de 1 % dans cet Etat de 86 millions de personnes. Le district de Madhubani ne compte qu’une quarantaine de chrétiens face à 2,8 millions d’habitants principalement hindous. Cependant, des groupes extrémistes hindous ont lancé une campagne à travers tout le district, appelant les autorités à fermer les écoles dirigées par des missionnaires chrétiens et tous les autres projets animés par les Eglises chrétiennes. “Si le gouvernement ne prend pas de mesures, nous recourrons à tous les moyens afin de bouter les chrétiens hors de cette région », a notamment déclaré Madan Srivastava, du Bajrang Dal (ou Parti de Hanuman, une divinité hindoue qui a l’apparence d’un singe).
James Seraphim, directeur du bureau pour le travail social du diocèse de Muzaffarpur, remarque que les douze écoles animées par des protestants dans le district de Madhubani se trouvent en compétition directe avec les écoles dirigées par les groupes pro-hindous. “C’est la raison pour laquelle [ces derniers] demandent la fermeture des écoles chrétiennes », précise-t-il.