Eglises d'Asie

Des récepteurs radios fournis par le gouvernement aux minorités ethniques captent avec une grande clarté les émissions religieuses en provenance de Manille

Publié le 18/03/2010




Un article publié dans la revue officielle des jeunes communistes Thanh Niên (Jeunesse) (24) montre comment la politique d’aide pratiquée par le Parti et l’Etat à l’égard des minorités ethniques des régions montagneuses du Vietnam a pu quelquefois contribuer d’une façon tout à fait indirecte aux progrès de l’évangélisation dans ces milieux. En l’occurrence, le journal raconte comment des récepteurs-radios vendus à bas prix aux montagnards, grâce à des subventions gouvernementales, ont été les instruments de cette aide involontaire des autorités à la diffusion de la religion.

En 1998, sur la proposition de la Commission des ethnies montagnardes, le gouvernement vietnamien décida de mettre en ouvre un vaste programme de diffusion et de vente d’appareils récepteurs-radios à prix réduit pour les populations des régions montagnardes, une politique déjà expérimentée l’année précédente dans les provinces de Ha Giang et Cao Bang. Pour chaque poste vendu, l’Etat fournirait une somme de 100 000 à 125 000 dôngs (50 à 62 francs français). Au total, l’Etat décidait de débloquer un crédit de 12 milliards de dôngs (6 millions de francs) destiné à subventionner la vente à prix réduit de 105 687 postes récepteurs aux populations montagnardes de 10 provinces. Pour les autorités de l’Etat et du Parti, affirme l’article de Thanh Niên, ce projet revêtait une signification hautement politique, ce qui laisse penser qu’il avait pour objectif de renforcer l’influence du gouvernement dans ces régions éloignées.

Bien que le décret indiquant le mode de fabrication et de diffusion de ces postes ait prévu que la réalisation de ce projet ferait l’objet d’une adjudication publique, en réalité, après quelques tractations à l’amiable, elle fut confiée purement et simplement à quatre sociétés dont les noms sont énumérés dans l’article de Thanh Niên. Chacune d’entre elles fut chargée de produire et de vendre un certain nombre de récepteurs-radios à prix réduit pour une région déterminée.

Selon les révélations d’un fonctionnaire d’un service gouvernemental de Hai Phong, qui a voulu garder l’anonymat, on constata bientôt que les récepteurs fournis à la population de Ha Giang par une compagnie de Hai Phong, appelée Hapeleclec, étaient dotés de caractéristiques extrêmement spéciales. Il leur était très difficile, voire impossible de capter les émissions de la radio nationale, la Voix du Vietnam diffusée pourtant depuis la capitale, Hanoi, alors que des émissions en provenance de l’étranger, de Chine ou des Philippines, étaient reçues particulièrement clairement. Plus étrange encore, selon le fonctionnaire de Hai Phong, ces postes de radio devenaient particulièrement performants le soir, lors des émissions en langue h’mong de Radio Manille » (sic) – en réalité Radio Veritas des émissions, précise l’article, à contenu religieux, visant à semer la division au sein du peuple Les révélations fournies par le journal sur cette affaire s’arrêtent là, sans aller plus avant dans l’éclaircissement de ce mystère.

Dans les autres provinces, les populations bénéficiaires de l’aide gouvernementale ont eu beaucoup moins de chance que celles de Ha Giang. En effet, à Lao Cai, par exemple, selon le secrétaire de la section provinciale du Parti communiste, les 14 000 postes vendus en 1998 par une société de Nam Dinh se sont révélés incapables de capter non seulement Hanoi, mais aussi la Chine et Manille. La plupart de leurs propriétaires les ont jetés au bout de quelque temps et en 1999, il n’y eut plus personne pour en acheter malgré leur prix très avantageux.