Eglises d'Asie

Gujarat : sous la menace d’une manifestation hindouiste dirigée contre eux, les chrétiens du district de Dangs ont vécu un Noël paisible mais triste

Publié le 18/03/2010




L’année dernière, durant la période de Noël, des violences anti-chrétiennes avaient éclaté dans la province de Gujarat (11). Les troubles avaient commencé le 25 décembre dans le district de Dangs par une manifestation de protestation contre les conversions opérées par les chrétiens. Ils s’étaient prolongés jusqu’au 27 décembre après s’être propagés dans le district voisin de Surat. Plusieurs écoles catholiques avaient été brûlées et trois églises attaquées. Pour le premier anniversaire de ces tristes événements, aucun trouble n’a eu lieu : le temps de Noël s’est écoulé sans incidents mais dans la tristesse générale pour la communauté chrétienne qui a regretté le faste des Noëls d’autrefois et déploré l’absence de toute manifestation extérieure de festivité. “Il n’y a eu cette année, ni festivités, ni célébrations, ni joie a fait remarquer le Révérend T.V. Gaikwad, responsable spirituel des protestants de Ahwha, chef-lieu du district de Dangs.

Peu avant les fêtes, le Hindu Jagran Manch (HJM, Forum pour l’éveil des hindous) a fait peser sur les chrétiens la menace d’une nouvelle manifestation anti-conversions. Le religieux hindou coordinateur du HJM avait, en effet, fait annoncer que le jour de Noël était déclaré Jour anticonversion » pour empêcher les chrétiens de mettre à profit cette fête pour convertir la population. La tension était d’autant plus vive que le gouvernement de l’Etat avait levé une interdiction en vigueur précédemment, empêchant toute manifestation qui coïnciderait avec la fête d’une communauté religieuse minoritaire. En fin de compte, la manifestation a été décommandée et remplacée par un rassemblement destiné à accueillir un des dirigeants spirituels du mouvement.

Cependant, le jour de Noël, la communauté chrétienne du district ainsi que la population locale était encore dans l’incertitude sur ce qui allait se passer. La plupart des boutiques de Ahwha avaient fermé leurs portes par crainte des troubles. Diverses mesures avaient pourtant été prises au plus haut niveau par l’administration de l’Etat. L’ordre public avait été renforcé ainsi que la surveillance des lieux réputés sensibles On avait interdit l’entrée dans la région des présumés fauteurs de troubles venant de l’extérieur. Malgré cela, la plupart des boutiques avaient fermé leurs portes le jour de Noël.

Dans les diverses communautés chrétiennes de la région, la discrétion a été de rigueur. Un peu partout, des récitals de chants religieux ont été annulés et c’est dans une grande réserve que la messe de minuit a été célébrée. Des offices ont pu avoir lieu en la principale église protestante de Ahwa grâce à la protection de la police. L’école catholique, Deep Darshan, a déprogrammé les manifestations qui ont lieu chaque année à cette occasion, auxquelles participent une majorité d’élèves non chrétiens.

Lors d’une conférence de presse, les dirigeants chrétiens ont exprimé leur crainte de voir le gouvernement de l’Etat baisser les bras devant les groupes de pression hindouistes. Nous n’avons jamais demandé au gouvernement l’interdiction de toute manifestation, a fait remarquer Mgr Godfrey de Rosario, évêque de Baroda. Quand elle a été annoncée, ce fut pour nous une grande surprise. Mais lorsque nous fûmes informés de son retrait, ce fut pour nous une surprise plus grande encore Il a ajouté que tous les essais de dialogue de l’Eglise avec le HJM avaient jusqu’ici échoué et que ce mouvement n’était intéressé que par la politique et la violence exercée au nom de la religion.