Eglises d'Asie

Moluques : l’évêque catholique d’Amboine demande au président A. Wahid de procéder aux remplacements des dirigeants de la province

Publié le 18/03/2010




Mgr Petrus Canisius Mandagi, évêque d’Amboine, a demandé au président Abdurrahman Wahid de faire procéder aux changements des responsables civils et militaires aux Moluques afin de tenter de mettre fin au conflit communautaire qui a redoublé d’intensité ces dernières semaines. Accompagné du nonce apostolique en Indonésie, Mgr Renzo Fratini, Mgr Mandagi a rencontré le président indonésien le 5 janvier dans son palais présidentiel de Djakarta. “J’appelle cela un rafraîchissement par la tête. Les dirigeants doivent être remplacés non parce qu’ils sont mauvais ou incapables, mais plutôt parce qu’ils ont été usés par un conflit qui s’éternise », a déclaré l’évêque d’Amboine.

Entre les jours qui ont précédé Noël (12) et ceux qui ont suivi le Nouvel An, la ville d’Amboine, l’île d’Amboine et les Moluques de façon générale ont connu une flambée de violences particulièrement meurtrières. Selon les chiffres fournis par le gouvernement indonésien, 700 personnes sont mortes au cours de ces deux semaines. Des milliers d’habitants des Moluques ont trouvé refuge dans les montagnes ou ont fui vers les Célèbes septentrionales ou l’Irian Jaya.

Selon Mgr Mandagi, le président Wahid partage son analyse de la situation et estime lui aussi que les Moluques ont besoin de dirigeants neufs et neutres. Afin de garantir cette neutralité, Abdurrahman Wahid a promis de nommer un responsable militaire qui ne soit ni musulman ni chrétien pour remplacer l’actuel commandant en chef des forces armées aux Moluques, le général de brigade Max Tamaela, un protestant né aux Moluques. Il (le président) a dit qu’il souhaitait voir nommer un officier de confession hindoue au poste de chef des forces armées aux Moluques. Il a aussi précisé qu’il désignerait un gouverneur par intérim », a déclaré Mgr Mandagi. En réponse aux prises de position du président Wahid, un porte-parole des forces armées à Djakarta a déclaré que l’urgence, pour l’heure, ne paraissait pas être de changer les responsables aux Moluques mais qu’il fallait avant tout faire appliquer l’état d’urgence. Selon des observateurs, ces déclarations témoignent des tensions qui existent au sommet du pouvoir indonésien entre les dirigeants civils et les dirigeants militaires, tensions certes liées à la politique à mener aux Moluques mais aussi à la place que l’armée doit occuper au sein du pouvoir.

Au cours de leur entretien, l’évêque d’Amboine a demandé au président Wahid de prendre des mesures afin de venir en aide aux populations réfugiées dans les montagnes. Le président indonésien en a profité pour exprimer sa gratitude envers les catholiques moluquois qui ne se sont pas rangés d’un côté ou de l’autre dans ce conflit où musulmans et protestants s’affrontent les armes à la main. Il a souligné les initiatives prises par les catholiques pour servir de médiateur entre les deux groupes, malgré les souffrances endurées.

Jusqu’à récemment encore, les Moluques étaient citées en exemple de la bonne et harmonieuse cohabitation des communautés religieuses en Indonésie. Avant les années 1970, les Moluques étaient majoritairement chrétiennes (60 % de la population environ), les musulmans formant les 40 autres pour cent de la population. Avec la politique dite de transmigration » organisée par le régime Suharto afin de désengorger les îles estimées trop peuplées, les Moluques ont reçu, à partir des années 1970, un flux de population, principalement musulmane, en provenance des Célèbes voisines (13). L’équilibre entre les communautés s’en est trouvé modifié. Aujourd’hui, les chrétiens sont minoritaires (environ 44 % de la population dont 7 % de catholiques) face à des musulmans devenus majoritaires. Enfin, à partir de 1984, une maladie dont ont été victimes les girofliers, qui produisent le clou de girofle, une des principales ressources de ces îles, ainsi que la monopolisation du commerce du clou de girofle par la famille de Suharto ont contribué à fragiliser l’économie et la société moluquoise. Au mois de janvier dernier, la décision du gouverneur provincial, fraîchement arrivé, de remplacer par des transmigrants », des autochtones qui occupaient certains postes importants de l’administration locale, a mis le feu aux poudres. Depuis, les deux communautés se sont repliées sur elles-mêmes ; certaines unités de l’armée et de la police, quelles soient locales ou venues de l’extérieur, ont, semble-t-il, pris le parti de l’un ou l’autre camp (14). On dénombre depuis janvier 1999 près de 2 000 morts et 8 500 bâtiments détruits (dont 122 lieux de culte).