Eglises d'Asie

Orissa : un grave conflit oppose deux villages catholiques

Publié le 18/03/2010




Un conflit foncier qui oppose depuis plus de quatre ans deux villages catholiques du district de Gajapati dans l’Etat d’Orissa s’est transformé depuis la fin du mois de décembre dernier en hostilités sanglantes. Le 30 décembre dernier en effet, le village de Majhiguda habité par des catholiques dalits a été investi par les membres d’une ethnie minoritaire, également catholique, dont le village se trouve à quelque trois kilomètres de là. Ceux-ci, armés d’arcs et de flèches ainsi que d’autres armes rudimentaires, exigeaient le départ, hors de Majhiguda, de la police venue assurer la sécurité du village à la demande des 18 familles qui y habitent. Les policiers ayant refusé de quitter les deux postes établis par eux sur les lieux, les agresseurs au nombre de 500 ont fait usage de leurs armes contre les forces de l’ordre et ont commencé à brûler les huttes des villageois dalits, causant la mort d’une personne âgée. Les agents de police ont alors répliqué en ouvrant le feu sur leurs agresseurs tuant huit personnes et en blessant un grand nombre. A l’issue de cette première journée d’hostilité, on déplorait douze morts et environ quarante blessés.

Les attaques se sont répétées au cours des jours qui ont suivi. Le 3 janvier, dans le village d’Amarpur où l’administration régionale avait déplacé certaines familles victimes des événements de Majhiguda, 17 maisons ont été brûlées par une troupe armée appartenant à l’ethnie minoritaire. D’autres habitations ont également été incendiées le même jour dans le village de Mankadapanka.

Ces événements ont été interprétés de diverses manières. Dès le début, des témoins cités par la presse locale ont affirmé avoir entendu les agresseurs crier des slogans pro-hindous, ce qui a donné à penser que la minorité ethnique impliquée dans ce conflit était manipulée par des hindous fondamentalistes. Pourtant, le 3 janvier, dans un entretien avec l’agence Ucanews, l’évêque du lieu, Mgr Joseph Das, rejetait catégoriquement cette hypothèse et affirmait qu’il s’agissait là d’un conflit entre deux groupes catholiques ayant pour cause des problèmes fonciers : C’est une bataille entre gens de chez nous a-t-il déclaré. Il ajoutait que depuis quatre ans que dure la querelle, l’Eglise a organisé de nombreuses rencontres destinées à réconcilier les deux groupes opposés sans parvenir à pacifier les esprits. Cependant dans les milieux catholiques, on n’exclut pas que l’animosité entre les deux parties ait été attisée par les politiciens locaux dont certains sont proches des groupes fondamentalistes hindous. On fait remarquer que l’attaque du village de Majhiguda a eu lieu un jour avant que la Commission électorale annonce que le prochain scrutin pour l’Assemblée législative de l’Etat aurait lieu au cours de la troisième semaine de février. Or, ce village appartient à un district traditionnellement favorable au parti du Congrès qui détient la majorité dans l’Etat d’Orissa.

En fin de compte, beaucoup persistent à croire à une manipulation et décèlent dans ces événements la main invisible du fondamentalisme hindou. Un habitant de Majhiguda a affirmé que les deux groupes aujourd’hui en lutte vivaient en bonne harmonie jusqu’à ce que des groupes hindouistes viennent, il y a deux ou trois ans, dans la région pour y mener une campagne de sensibilisation. On rappelle également que lors de la campagne qui a précédé les élections parlementaires de septembre-octobre 1999, le dirigeant local du groupe hindouiste Rashtriya Swayamsevack Sangh (Corps national des volontaires) avait excité l’animosité de la population des ethnies minoritaires contre les villages dalits. Le P. Robindro Sual Singh, rédacteur d’une revue catholique en langue locale, affirme, lui aussi, que les groupes hindouistes incitent les ethnies de la région à boycotter les prochaines élections, boycott pouvant assurer la victoire du BJP qui aujourd’hui détient le pouvoir à l’échelon du gouvernement fédéral.

Les porte-parole des groupes hindouistes démentent les précédentes allégations. Pour eux, l’irritation des populations autochtones est justifiée par la perte de leurs terres traditionnelles. Elles ne font que réclamer leur bien. Les dalits catholiques, de leur côté, affirment habiter la région depuis des siècles et détenir des documents qui le prouvent.