Eglises d'Asie

Après l’abandon par le président Estrada de son projet de réforme constitutionnelle, les évêques philippins réaffirment qu’ils restent solidaires mais critiques à l’égard du gouvernement

Publié le 18/03/2010




“Nous prenons le président au mot mais nous continuerons à être vigilant », a déclaré le 11 janvier dernier Mgr Hernando Coronel, porte-parole de la Conférence des évêques catholiques des Philippines, après que le président Joseph Estrada eut annoncé le 8 janvier dans son “Adresse à la nation » qu’il renonçait pour l’heure à amender la Constitution du pays et qu’il consacrerait désormais son énergie à faire passer des réformes économiques “susceptibles de produire plus de résultats en moins de temps et sans mettre en danger l’unité nationale ». Depuis plusieurs mois (11), l’Eglise s’opposait au président Estrada à propos de son projet de révision de la constitution, un projet visant à permettre aux capitaux et aux investissements étrangers d’entrer plus librement aux Philippines, projet dénoncé par l’Eglise comme une source inévitable de corruption et de concussion.

Mgr Jaime Sin, cardinal-archevêque de Manille, a salué l’initiative du président, qualifiant celui-ci de dirigeant à l’écoute ». [Les critiques de l’Eglise] à l’endroit de son administration n’ont pas pour objet de faire de nous ses ennemis ou ses opposants. Leurs succès signifieront une amélioration des conditions de vie des pauvres », a-t-il déclaré. Mgr Orlando Quevedo, archevêque de Cotabato et président de la Conférence épiscopale depuis décembre 1999, a pour sa part réaffirmé la position de l’Eglise vis-à-vis du gouvernement : solidaire mais critique ». Soulignant le rôle des paroisses et des communautés ecclésiales de base dans le pays, Mgr Quevedo a déclaré que la Conférence épiscopale fera de son mieux pour aider le gouvernement à écouter le peuple ». Nous faisons face à la question de savoir comment utiliser ce capital d’influence pour le bien des gens et comment faire remonter jusqu’au gouvernement les soucis des gens afin que ce dernier puisse répondre aux besoins de ceux qui lui ont confié le pouvoir », a-t-il ajouté (12).

Mgr Quevedo a rappelé que les évêques seront, cette année, particulièrement sensibles aux questions touchant à la famille, au contrôle des naissances, aux nouvelles technologies de communication et à l’éducation. De plus, a-t-il dit, les problèmes brûlants » sont, mis à part la réforme constitutionnelle pour l’heure ajournée, les initiatives de paix des évêques pour Mindanao, au sud du pays » et le nouveau rôle que la Conférence épiscopale veut jouer afin de promouvoir la moralité dans les médias (13)». Mgr Quevedo a enfin ajouté que la Conférence épiscopale va faire pression pour que les projets de loi actuellement débattus au parlement à propos de la légalisation du divorce, des mariages entre personnes de même sexe, de l’avortement et d’une nouvelle politique de contrôle des naissances ne soient pas votés.

Par ailleurs, le remaniement ministériel annoncé par le président Estrada au début du mois de janvier a été bien accueilli par les évêques. Ce remaniement montre que le gouvernement n’est pas statique » et que le président a tenu compte de la chute de popularité de son équipe », a déclaré Mgr Quevedo, ajoutant que l’Eglise souhaiterait voir [au gouvernement] des hommes et des femmes compétents et intègres afin d’en extirper la corruption ». Selon un institut de sondage indépendant, l’indice de satisfaction du président Estrada, calculé en soustrayant le taux d’opinions défavorables à celui des opinions favorables, a chuté d’un niveau de 65 points en juin 1999 à environ 5 points en décembre dernier. Une chute impressionnante qui, selon les observateurs philippins de la scène politique, a convaincu le président Estrada d’abandonner sa réforme constitutionnelle et de procéder à un remaniement ministériel. Toujours selon cet institut de sondage, certains ministres étaient descendus à -38 points !

L’attitude de l’Eglise solidaire mais critique a été adoptée par les évêques philippins en 1986 après la révolution pacifique du pouvoir populaire » et la déposition de Ferdinand Marcos. La Conférence épiscopale soutient l’action du gouvernement dans la mesure où elle l’estime conforme à l’enseignement de l’Eglise mais n’hésite pas à s’opposer à ce qu’elle considère comme des politiques antichrétiennes ».