Eglises d'Asie

Certains catholiques estiment que l’Eglise à Taiwan doit préparer ses fidèles à un éventuel transfert de la nonciature de Taipei à Pékin

Publié le 18/03/2010




Alors que l’agitation médiatique est un peu retombée après que la consécration, sans consultation préalable avec le Vatican, de cinq évêques de l’Eglise “officielle” à Pékin a mis fin aux rumeurs annonçant un établissement prochain des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Chine populaire (17), certains catholiques à Taiwan estiment que l’Eglise doit préparer les fidèles de l’île au jour où cet événement se produira effectivement.

En visite dans l’île entre les 12 et 17 janvier derniers, Mgr Paul Josef Cordes, président du Conseil pontifical Cor Unum (le dicastère de la charité du pape a tenu à rassurer les catholiques taiwanais de la solidité » des liens entre le Vatican et la République de Chine (Taiwan). Le Saint-Siège ne délaissera pas Taiwan avec lequel il entretient des relations depuis longtemps et Taiwan ne doit pas s’inquiéter de changements éventuels dans la nature des liens entretenus avec le Saint-Siège, a-t-il déclaré en substance (18). Après avoir visité les zones touchées par le tremblement de terre du 21 septembre 1999, Mgr Cordes a reçu des mains mêmes du président Lee Teng-hui le grand cordon de l’Ordre de l’étoile brillante, en reconnaissance des efforts déployés par Cor Unum pour rassembler les dons des catholiques du monde entier destinés aux victimes du tremblement de terre.

Pour rassurant qu’ait voulu être cette visite de Mgr Cordes, les catholiques taiwanais s’interrogent cependant sur les conséquences pour l’Eglise de Taiwan de l’éventuel transfert de la nonciature de Taipei à Pékin. Dans une lettre ouverte adressée à Jean-Paul II et faxée au chargé d’affaires de la nonciature apostolique en Chine » (installée à Taipei), 300 jeunes catholiques ont dit leur souci. Ils disent accepter que les liens de Taiwan avec le Vatican ne soient plus un jour unilatéraux » à condition que l’Eglise à Taiwan ne soit pas négligée et humiliée et que la Chine perde un prétexte pour persécuter les catholiques sur le continent. Le Saint-Siège doit être attentif à ne pas donner un contretémoignage » qui laisserait l’Eglise à Taiwan dans une situation très délicate, écrivent-ils encore.

Selon Mgr Joseph Wang Yu-jung, du diocèse de Taichung, le transfert de la nonciature de Taipei à Pékin provoquera inévitablement des réactions négatives parmi certains fidèles. Certains pourront penser que le Vatican préfère [à un pays démocratique comme Taiwan] un régime qui réprime nos propres catholiques », mais, ajoute-t-il, nous devrons expliquer les raisons de la décision du pape et je crois que la plupart la comprendront et l’accepteront ». D’autres évêques taiwanais se montrent soucieux de l’impact que pourrait avoir une telle décision sur l’évangélisation à Taiwan même. Selon Mgr Joseph Cheng Tsai-fa, du diocèse de Tainan, et Mgr Philippe Huang Jaw-ming, évêque auxiliaire de Kaohsiung, un tel événement peut être dommageable à l’évangélisation car les non-catholiques pourraient penser que même l’Eglise catholique abandonne les principes de justice et de paix et qu’elle ne diffère donc en rien des autres entités politiques.

Selon Mgr Cheng, des deux conditions posées par Pékin à l’établissement de relations diplomatiques entre le Vatican et la Chine populaire, i.e. rompre les relations diplomatiques avec Taiwan et ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures de la Chine, la première est secondaire par rapport à la seconde. La principale mission du pape est de répandre l’Evangile et de prendre soin des catholiques, a-t-il dit. Si un pays permet la prédication de l’Evangile, alors le Saint-Siège peut établir des liens diplomatiques avec lui. Si le principe de la nomination [des évêques] par le pape, transmis au cours des siècles depuis les apôtres, est abandonné, l’établissement de relations diplomatiques [entre la Chine populaire et le Vatican] n’aura pas de sens », a-t-il conclu.