Eglises d'Asie

Gujarat : la levée de l’interdiction frappant une organisation hindoue extrémiste inquiète les chrétiens et donne une énergie nouvelle à ses militants

Publié le 18/03/2010




Le 3 janvier 2000, une circulaire de l’Etat de Gujurat informait que l’organisation hindouiste, le Rashtriya Swayamsevack Sangh (Corps national des volontaires, RSS) était retirée de la liste des associations auxquelles les fonctionnaires du gouvernement n’avaient pas le droit d’adhérer. Cette levée d’interdiction concernant une organisation accusée d’avoir pris une large part aux menées anti-chrétiennes et anti-musulmanes qui se sont multipliées dans l’Etat au cours de ces deux dernières années, a immédiatement suscité des craintes dans les milieux des minorités religieuses. On redoute en particulier de voir s’intensifier les initiatives belliqueuses de militants de l’association. Avec cette décision, a fait remarquer un religieux, militant social, le P. Joseph Valiamangalam, c’est le principe même de la laïcité qui est atteint.

Il n’aura fallu que quelques jours pour que ces pressentiments pessimistes commencent à trouver un début de concrétisation. Dès le 7 janvier, le RSS tenait une session de deux jours à Ahmedabad, capitale de l’Etat. Des propos très violents y ont été prononcés par H.V. Seshadri, secrétaire général de cette organisation, devant les 26 000 volontaires présents, tous uniformément vêtus d’un tee-shirt noir et d’un short kaki. Désignant nommément le christianisme et l’islam, le militant hindouiste a affirmé que les activités missionnaires de ces deux religions en Inde étaient plus dangereuses que le terrorisme Il a jugé que la christianisation » et l’islamisation » pouvaient être considérées comme deux variétés de massacre de la culture indienne. Il a ajouté qu’aucun effort ne serait épargné par son organisation pour mettre un terme aux conversions et récupérer ceux qui avaient quitté l’hindouisme pour le christianisme, car, a-t-il fait remarquer, le fait de revenir à la religion ancestrale ne peut être appelé conversion. Le principal responsable du RSS est aussi revenu sur la visite du pape en Inde et sur son appel à une nouvelle moisson de la foi pour le troisième millénaire. Chaque famille indienne, a-t-il dit, s’est étonnée de l’objectif du pape. Pourquoi faudrait-il devenir chrétien ?

Selon de nombreux d’observateurs, ces premières conséquences de la levée de l’interdiction faite aux fonctionnaires du gouvernement d’adhérer au RSS seront suivies de beaucoup d’autres. Un membre du Parti du Congrès a même considéré que cette décision constituait un pas de plus vers l’établissement d’un Etat hindou, doté d’une idéologie théocratique. Désormais, affirme-t-il, les agents de police peuvent, sans crainte, participer aux activités du groupe extrémiste et les enseignants de l’éducation publique peuvent ouvertement inculquer à leurs élèves l’idéologie pernicieuse qu’il diffuse. Les responsables religieux de l’Etat ont accueilli la décision avec la même défiance. L’évêque de Baroda, Mgr Godfrey de Rosario, a déclaré que l’autorisation accordée aux fonctionnaires de participer aux activités du groupe extrémiste ne pouvait que conduire à l’anarchie. Le P. Cedric Prakash, porte-parole du Forum des chrétiens unis pour les droits de l’homme, s’est déclaré persuadé que, désormais, les membres du RSS pourront obtenir des fonctions dans toutes les branches de l’administration, y compris des postes de haut niveau dans l’enseignement supérieur.

Les autorités de l’Etat s’emploient de leur côté à justifier la mesure prise. Interrogé sur les motifs de la décision, le ministre de l’Intérieur, Haren Pandya, a déclaré que celle-ci pouvait insuffler aux fonctionnaires le sens du patriotisme, de la discipline, et de l’intégration nationale. Cependant, il s’est montré embarrassé dans ses réponses lorsqu’on lui a demandé pourquoi l’interdiction n’a été levée que pour le seul RSS et non pas pour les 15 autres organisations interdites aux fonctionnaires figurant sur la liste, qui a été dressée par les autorités fédérales. Les 25 Etats de l’Inde ont toujours respecté l’ensemble des prohibitions qui y sont contenues. Le Gujarat est le seul à avoir fait une exception pour le RSS et certains opposants affirment que, ce faisant, le gouvernement de l’Etat a violé la Constitution de l’Union indienne.

Le RSS, fondé en 1825, a été interdit une première fois en 1948 après le meurtre du Mahatma Gandhi par un de ses adhérents. Il fut interdit une deuxième fois entre 1975 et 1977, puis en décembre 1992, après la destruction de la mosquée de Ayodhia et les troubles qui ont suivi.