Eglises d'Asie

INTERVENTION DU DIRECTEUR DU BUREAU DES AFFAIRE RELIGIEUSES DU GOUVERNEMENT A LA REUNION ANNUELLE DE LA CONFERENCE EPISCOPALE DU VIETNAM A NHA TRANG, LE 12.10.1999

Publié le 18/03/2010




Monsieur le vénéré cardinal Pham Dinh Tung, président de la Conférence épiscopale du Vietnam, messeigneurs les vénérés archevêques, évêques et administrateur apostolique,

Un an s’est écoulé depuis la 7ème réunion de votre Conférence. Aujourd’hui, le Bureau des Affaires religieuses du gouvernement vient à nouveau s’entretenir avec vous en cette belle ville de Nha Trang, riche de tant de monuments et d’acquis historiques, culturels, scientifiques et techniques, une ville visiblement en train de progresser vers la richesse et le prospérité, sur la voie d’une société juste et civilisée. Je consacrerai mes premiers mots à vous souhaiter à tous une santé sans faille qui vous permette de guider l’Eglise catholique au Vietnam dans le droit chemin, et à exprimer tous mes voux de pleine réussite à votre assemblée.

Messeigneurs,

L’année écoulée a fait trembler le monde avec ses guerres raciales et religieuses. Au Kosovo en Europe, en Afghanistan, au Sri Lanka en Asie, en Afrique et en Amérique latine, combien de guerres ont éclaté dont les motifs étaient raciaux ou religieux !

Dans notre pays, il y a eu aussi des événements notables de caractère religieux. Nous rappellerons ceux qui touchent le catholicisme. Au début de l’année 1999, une délégation des Affaires étrangères » du Saint-Siège est venue au Vietnam pour des négociations, comme nous avons convenu de le faire chaque année. Ce fut ensuite une année comme il n’y en avait jamais eu auparavant : cinq nouveaux évêques ont été consacrés. Au mois d’août ont été célébrées les fêtes de clôture de l’année de l’indulgence plénière de La Vang avec la participation de centaines de milliers de pèlerins, dans le calme et la discipline. Au mois de septembre, la Conférence épiscopale des Etats-Unis rendait visite à la Conférence vietnamienne. En tant que fonctionnaires ouvrant dans le domaine religieux, nous nous réjouissons de cette belle harmonie : le catholicisme et les religions en général, ont pratiqué leur culte et mené leur vie religieuse dans la ferveur, à l’intérieur d’un pays en paix.

Messeigneurs,

L’Etat ne cesse de réfléchir aux moyens de satisfaire aux besoins spirituels et culturels de notre nation afin de réaliser une politique d’union de tout le peuple, une politique d’union des croyants et des non-croyants.

Notre peuple pratique beaucoup de religions. Selon les statistiques les plus récentes, le nombre total de nos compatriotes participant à des activités religieuses ne dépasse pas 20 millions de personnes. Il reste donc 50 millions de personnes qui n’y participent pas. L’Etat garantit la liberté de croyance et de religion ainsi que la liberté de non-croyance et de non-religion. Il est strictement interdit d’exercer une quelconque discrimination pour des raisons de croyance ou de religion.

Il y a des personnes – je veux parler ici, messeigneurs, de personnes demeurant à l’étranger – pour affirmer que la République socialiste du Vietnam étant un Etat dirigé par la Parti communiste devrait, pour cela, être un Etat athée. Par athéisme, ils entendent l’interdiction de la religion, sa destruction, sa limitation. Nous nous permettons de répondre qu’un tel jugement est issu d’un raisonnement qui se fonde sur le vocabulaire et non pas sur la nature des choses. Notre Etat, y compris celui de la République démocratique du Vietnam au cours de la guerre de résistance anti-française (1945-1954) et au Nord-Vietnam libéré et indépendant (1955-1975), celui du Gouvernement révolutionnaire provisoire du Sud-Vietnam (1968-1975) et celui de la République socialiste du Vietnam après l’indépendance complète et la réunification (de 1976 à nos jours) n’a jamais été un Etat athée. S’il est un Etat athée, comment se fait-il qu’il interdit absolument toute discrimination pour raison de croyance ou de religion ?

L’Etat est dirigé par le Parti communiste mais celui-ci suit le chemin indiqué par le président Hô Chi Minh : Le Parti communiste non seulement ne détruit pas la religion mais encore il la protège. Le Parti communiste ne détruit que les crimes de ceux qui oppriment les hommes »

Retournons donc maintenant à ce qui est au cour des préoccupations de l’Etat : celui-ci ne cesse de réfléchir aux moyens de satisfaire les besoins en matière religieuse. Je me souviens qu’il y a deux ans, la Conférence épiscopale a demandé d’ouvrir un certain nombre de grands séminaires supplémentaires. L’Etat a beaucoup réfléchi à ce besoin légitime. Nous avons nous-mêmes très rigoureusement étudié ce besoin présenté par la Conférence pour proposer au gouvernement des projets réalisables. L’année dernière, le Premier ministre a donné son accord pour l’ouverture de facultés du grand séminaire de Hô Chi Minh-Ville à l’extérieur de la ville. Cependant, un an s’est écoulé, et aucun accord n’a été trouvé au sujet de ce projet.

Ce désaccord tient d’abord à ce que les diverses demandes à ce sujet divergent. La demande du grand séminaire d’Hô Chi Minh-Ville a pour objet l’ouverture d’un établissement annexe. Celle du président de la Conférence épiscopale sollicite l’ouverture de nouvelles facultés. En outre, lors des discussions à ce sujet avec l’évêque de Xuân Lôc, celui-ci a fait savoir qu’il ne demandait pas la création d’une simple faculté, mais du grand séminaire de Xuân Lôc.

Aujourd’hui, nous vous informons clairement que le Chef du gouvernement donne son accord à l’ouverture d’un établissement annexe du grand séminaire de Hô Chi Minh-Ville à Xuân Lôc dans la province de Dông Nai.

En second lieu, vous avez demandé d’organiser des pèlerinages pour participer au programme de l’année sainte au Saint-Siège et en Terre sainte. Nous tenons à vous informer que le gouvernement à donné son acceptation et nous vous prions de procéder aux formalités de visa de sortie en chacune de vos provinces.

Le troisième point est celui du bulletin Communion. A ce propos, nous vous informons que, dans le principe, le Chef du gouvernement a donné son accord. Nous vous prions de préciser l’objectif de cette demande, le type de diffusion intérieure, de façon concrète, pour les soumettre à l’examen des organes compétents. Ainsi, je prie le secrétaire général de la Conférence de remplir les formalités nécessaires et de nous les envoyer (au Bureau des Affaires religieuses du gouvernement) en précisant plus particulièrement l’objectif de cette demande et le mode de diffusion intérieure du bulletin, comme il l’a fait dans la lettre sollicitant la tenue de la réunion de la Conférence épiscopale.

Je voudrais maintenant vous parler de ce qu’on appelle L’appel des religions pour la liberté religieuse au Vietnam appel de quelques personnes qui prétendent représenter les religions et qui, sans vergogne, exigent que soient abandonnés l’article 4 de la Constitution, le décret 26 sur les activités religieuses et la lettre d’application 01/99 publiée le 16 juin 1999 et que soit restauré le statut légal des religions tel qu’il existait avant 1975 ». Ces demandes absurdes ont été rejetées par la réalité de la vie quotidienne et même par vous, les dirigeants des religions.

Je voudrais vous parler dans un esprit de compréhension mutuelle. En réalité, le décret 26 élargit l’espace de liberté démocratique pour les religions. Alors que le décret 69 n’avait retenu que la liberté de croyance, le nouveau décret affirme clairement la garantie de la liberté de croyance et de religion. La croyance appartient au domaine de la conscience, du sentiment, de la pensée. La religion relève d’un domaine beaucoup plus large, comportant les activités et les structures. Le décret 26 contient de nouvelles réglementations concernant les activités et les organisations religieuses. Il met en relief la protection que leur apportent la loi et l’Etat.

Ici on va peut-être me demander : Comment serionsnous libres puisqu’il faut demander l’autorisation » (1). De fait, entre liberté et demande d’autorisation, au véritable sens de ces mots, il n’y a aucune opposition. Dans le monde, il n’existe aucun Etat de droit qui ait éliminé les formalités légales de demande d’autorisation. Cette formalité aide la société à distinguer entre ce qui est légal et illégal. Le principe essentiel dans ces questions, c’est que l’Etat et la loi garantissent et protègent la légalité.

Il faut demander pour obtenir l’autorisation et ainsi être protégé. Ne pas demander l’autorisation, c’est se priver du très précieux avantage de la protection. Ainsi, le fait de solliciter des autorisations de l’Etat ne comporte rien d’anormal.

C’est ici que nous rencontrons le problème de l’entrée dans la vie religieuse (monastique) et de la demande d’autorisation qu’elle implique. Pourquoi cela ? L’Etat n’interdit pas la vie religieuse. Mais celle-ci doit être menée en conformité avec les dispositions de la loi. L’article 19 du décret 26 l’affirme sans ambages : Les congrégations pour pouvoir fonctionner doivent demander l’autorisation et obtenir la reconnaissance des organes d’Etat compétents. L’acceptation des personnes désirant entrer dans la vie religieuse se conformera aux prescriptions du Bureau des Affaires religieuses du gouvernement ». L’Etat soulève le problème de la protection de celui qui entre dans la vie religieuse. Surtout, pour la congrégation religieuse, il garantit que le nouveau venu est dans la légalité. L’Etat ne permet pas l’entrée au couvent de ceux qui fuient la rigueur de la loi ou veulent échapper à leurs devoirs civiques. Les formalités administratives exigées des congrégations religieuses et des candidats à la vie religieuse n’ont en réalité pour objectif que la protection. Le Bureau des Affaires religieuses est en train d’élaborer des formalités telles qu’elles ne constituent pas une gêne ni pour les congrégations, ni pour les futurs religieux. Mais l’absence de toute demande d’autorisation est inacceptable.

Revenons maintenant à la question de l’Etat et de la religion. Certains veulent que socialisme et athéisme soient synonymes. Mais ce type de raisonnement est sans fondement. Certes, la méthodologie de la religion, d’un côté, et celle du socialisme scientifique, de l’autre, sont différentes. L’une est spiritualiste, l’autre matérialiste. Telles sont les méthodologies, mais qu’en est-il de leur finalité, de leur objet ?

Si l’on remonte à source même de la religion, on s’aperçoit que la finalité et l’objet de la croyance et de la religion, c’est l’au-delà, tandis que le socialisme scientifique préconise de changer la société et l’Etat actuels par une société d’un niveau plus élevé, plus juste, de laquelle serait éliminée l’oppression de l’homme par l’homme. En réalité, entre socialisme et religion, il n’y a pas de convergence, mais il n’y a pas non plus d’incompatibilité.

L’article 1 du décret 26 comporte cette phrase : Toute discrimination pour raison de croyance ou de religion est strictement interdite ». A qui donc est destiné cette stricte interdiction ? Je pense qu’elle vise ceux qui accomplissent une fonction publique. L’Etat a donc porté une interdiction qui le concerne lui-même : telle est l’impartialité de notre Etat. En tant que gérant de la société, l’Etat n’intervient que dans deux types de questions relevant de sa responsabilité et de son pouvoir, les questions juridiques et politiques. L’Etat ne discute pas des problèmes concernant le monde de l’au-delà, des questions purement religieuses, relevant de la théologie ou des croyances. Il ne les critique pas. L’Etat se contente de protéger la religion contre son utilisation au profit d’autre chose qu’elle-même et contre les activités superstitieuses.

Le décret 26 n’est qu’une première étape dans la voie de l’édification, de l’achèvement et du perfectionnement du système juridique de l’Etat dans le domaine religieux. Il est donc normal qu’il comporte des déficiences. Comme l’ensemble du droit de notre Etat, le décret 26 sera parachevé et perfectionné et sera élevé au rang d’ordonnance et de loi religieuse.

Les citoyens ont tout à fait le droit de contribuer par leurs opinions positives à l’amélioration et au perfectionnement de la loi religieuse. Quant à ceux qui présentent des requêtes extrémistes, en exigeant, par exemple que le régime en vigueur avant 1975 soit restauré, leur volonté est, nous semble-t-il, de faire revenir notre pays vers la guerre et de détourner notre société de la normalité. Ni nos compatriotes de diverses religions, ni notre Etat ne peuvent approuver ces tentatives extrémistes.

Messeigneurs, je vous remercie de votre invitation à m’exprimer devant votre assemblée. Mes paroles ont été franches et directes ; mon exposé a été sans artifice. Je vous souhaite, pour vous, une bonne santé et pour votre assemblée, les résultats les plus satisfaisants.