Eglises d'Asie – Indonésie
TIMOR OCCIDENTAL : UN RESPONSABLE MUSULMAN PRECHE LA PAIX
Publié le 18/03/2010
Abdulkadir Makarim : Les musulmans ont eu à déplorer de grands dommages matériels. Au moins 23 mosquées à Kupang ont été incendiées ainsi que des écoles, des dortoirs, des maisons de formation et des dizaines de résidences particulières. Ce fut terrible. A ce moment, pour moi, les chrétiens étaient des ennemis et leurs actions appelaient vengeance. Mais que s’est-il réellement passé ? Nous avions connaissance que des personnes extérieures à la province avaient suscité ces émeutes. Dieu merci, ce conflit entre communautés n’est pas allé plus loin. Et, aujourd’hui, les différentes religions vivent en bonne harmonie, comme avant.
Quels sont les points les plus importants dans les relations entre chrétiens et musulmans au Timor occidental ?
Les relations entre les musulmans (en minorité) et les chrétiens (la majorité) ne vont pas sans difficulté ici. Dans le domaine économique, les autochtones (des chrétiens) sont jaloux de la réussite des musulmans, en particulier de celle des migrants qui contrôlent l’économie. Dans le domaine religieux, si un ou deux chrétiens (des autochtones) se convertissent, aussitôt des rumeurs d'”islamisation” se développent. Nous sommes accusés d’utiliser nos succès économiques pour amener des chrétiens à se convertir à l’islam. En tant que musulman né dans cette province, j’ai essayé d’expliquer la situation tant aux chrétiens qu’aux musulmans. Dans la mesure où la situation ne s’est pas détériorée et que les conflits n’ont pas dégénéré, on peut dire que cela a été un succès. Nous demandons toujours aux migrants musulmans de respecter les chrétiens locaux et de ne pas faire usage de hauts-parleurs dans les mosquées comme ils peuvent le faire dans leur province d’origine. Nous demandons aussi aux marchands musulmans d’être patients et de ne pas construire de nouvelles mosquées, lesquelles pourraient provoquer des réactions de jalousie.
Les musulmans sont-ils injustement traités au Timor occidental?
Dans une certaine mesure, nous sommes victimes d’injustices. Il est difficile pour un musulman de parvenir à des postes de res-ponsabilités au sein de l’administration locale. Ici, aucun musul-man n’a été nommé à la tête d’un district. Mais nous sommes bien conscients que cela répond aux voux de la majorité de la population. Dans la vie sociale, nous voyons que des chrétiens ne nous respectent pas lorsqu’ils nous convient à leurs fêtes. Ils ne préviennent pas leurs hôtes musulmans que du porc sera servi à table. A la campagne, certains chrétiens laissent leurs cochons fouiner autour des mosquées. Nous devons ériger des barrières autour des mosquées afin d’éviter que ces animaux ne pénètrent à l’intérieur. Enfin, nous rencontrons des difficultés lorsque nous demandons des permis de construire pour des mosquées.
Quels sont les aspects positifs qui devraient être promus pour faciliter des relations harmonieuses entre les communautés ?
D’une façon générale, les aspects positifs prévalent sur les aspects négatifs car tant les chrétiens que les musulmans dans cette province du NTT ne sont pas des fanatiques. En cas de mariage mixte, les chrétiennes mariées à des musulmans se convertissent à l’islam et, généralement, les familles n’interviennent pas. Les musulmans au Timor occidental sont des modérés. A mes yeux, musulmans et chrétiens ici ont vécu et vivent toujours en bonne harmonie. Les émeutes de Kupang en novembre 1998 ont été rapidement circonscrites, grâce en partie à cette harmonie vraie et profonde. Les provocateurs n’ont pas réussi à fomenter de troubles supplémentaires. Je suis certain que Dieu nous conduit à la paix.
Vous avez été élu président de la Nahdlatul Ulama pour le Timor occidental. Qu’attendez-vous du président Abdurrahman Wahid, ancien président de la Nahdlatul Ulama ?
Je n’attends rien du président Wahid. En fait, les membres de la Nahdlatul Ulama n’attendent aucun traitement de faveur de la part du gouvernement. Toutes nos activités sont financées avec nos propres fonds. Avec l’élection de Gus Dur [surnom familier du président Wahid] à la présidence, nous avons plutôt la responsabilité morale d’avoir une attitude de tolérance. Si nous échouons en cela, le président sera le premier à nous en blâmer.
Quel est votre programme pour l’an 2000 ?
J’ai été élu à la tête de la branche ouest-timoraise de la Nahdlatul Ulama pour la période 1999-2004. Dans notre programme, nous avons mis l’accent sur l’intériorisation des enseignements vrais de l’islam. Nous souhaitons aussi maintenir la paix et l’harmonie avec les personnes des autres religions. Les rencontres interreligieuses font partie de notre programme. Nous nous efforçons enfin à propager l’islam par un témoignage de vie islamique. Nous ne voulons pas manipuler les gens pour les amener à se convertir à l’islam. Dans ce nouveau millénaire, nous souhaitons être de bons citoyens et de bons musulmans.