Eglises d'Asie

Un haut responsable bouddhiste rappelle au Parti ses engagements à l’égard des croyants et lui présente trois requêtes

Publié le 18/03/2010




Une lettre envoyée par le vénérable Thich Quang Dô, recteur de l’institut de propagation du Dharma aux quatre dirigeants suprêmes du Parti communiste et de l’Etat vietnamiens, à l’occasion de la nouvelle année lunaire, vient d’être connue en Occident par des sources différentes (21). Le deuxième plus haut personnage du bouddhisme unifié rappelle à ses correspondants les engagements pris par le Parti communiste, à la fin des années 1940, au début de la révolution, à l’égard des croyants bouddhistes, engagements qu’il estime non tenus à ce jour. Il souligne la spécificité et la légitimité de l’Eglise bouddhiste unifiée et enfin présente au gouvernement vietnamien trois requêtes concernant la société vietnamienne.

Le religieux commence par évoquer la collaboration existant dans les années 1945 et 1946 entre les fidèles et la révolution par l’intermédiaire de l’Eglise bouddhiste vietnamienne fondée en avril 1946. Celle-ci avait pour objectif d’associer les fidèles à la lutte du peuple contre ses trois ennemis : la faim, l’ignorance et l’envahisseur, ce qu’ils ont fait dans la loyauté. L’année suivante, dans une lettre adressée aux fidèles, Hô Chi Minh affirmait même que seule l’indépendance nationale permettrait au bouddhisme de s’épanouir véritablement. Revenant aujourd’hui sur ces engagements passés, le religieux affirme que seuls un des trois ennemis a été vaincu, l’envahisseur. Les promesses de Hô Chi Minh concernant la période qui suivrait l’indépendance n’ont pas été tenues. Au contraire, après 1954 au Nord-Vietnam, après 1975 au Sud, c’est une politique d’élimination de la religion qui a été mise en place. En réclamant aujourd’hui le respect des droits de l’homme, l’Eglise bouddhiste unifiée ne fait que suivre les conseils que Hô Chi Minh adressait autrefois aux bouddhistes : Si vous voulez sauver les êtres vivants de la douleur, vous devez vous sacrifier et combattre»

Après cette introduction destinée à rappeler que les bouddhistes sont restés fidèles à leurs engagements, le religieux tient préciser le sens profond du terme unifié » qui est contenu dans l’appellation Eglise bouddhiste unifié Ce terme est destiné à rappeler la vocation que s’est donné le bouddhisme vietnamien dans les années 1960. Pour la première fois au sein du monde bouddhiste, la communauté vietnamienne entreprenait de rassembler petit et grand véhicule dans une même association. Subsidiairement, le terme désignait aussi le rejet de toutes les discriminations erronées, de la séparation entre religieux et laïcs, ainsi que de l’écart existant entre le sacré et le profane.

Le religieux présente ensuite au gouvernement trois requêtes précises à l’occasion de l’année nouvelle Canh Thin (année du dragon). Evoquant une tradition observée par les anciennes dynasties vietnamiennes, le religieux demande d’abord aux gouvernants de son pays une large amnistie pour les prisonniers de conscience incarcérés en raison de leur idées dissidentes, de leurs croyance ou de leur religion. Il cite notamment le patriarche de son Eglise, le vénérable Thich Huyên Quang, âgé de 83 ans, en résidence surveillée depuis 18 ans. Cette amnistie devrait être accompagnée d’un allégement d’impôts pour les paysans pauvres qui constituent 80 % de la population.

La seconde requête demande que l’Eglise bouddhiste unifiée recouvre tous ses droits et puisse librement mener des activités normales. En dehors des raisons propres à cette Eglise de jouir de l’existence normale d’une association religieuse, la lettre met en avant l’utilité sociale du bouddhisme unifié pour combattre les fléaux sociaux et la décadence morale qui affectent aujourd’hui le pays.

Enfin, la lettre du vénérable Thich Quang Dô demande l’abolition de la peine de mort, sanction pénale dont il a beaucoup été question à l’Assemblée nationale vietnamienne au mois de décembre (22). Il insiste sur son inutilité tant qu’aucune morale profonde n’est inculquée à la société vietnamienne.