Eglises d'Asie

L’Eglise catholique apporte son soutien à la reconnaissance du confucianisme comme religion

Publié le 18/03/2010




Le 19 janvier, le président Abdurrahman Wahid a pris une décision qui revêt une particulière importance pour la communauté chinoise indonésienne. Par le décret présidentiel n° 14, il a aboli l’instruction n° 6 de 1967 qui, deux ans après le coup d’Etat manqué attribué à la Chine, avait interdit l’exercice des diverses pratiques religieuses liées à la tradition chinoise. Cette décision a permis aux Indonésiens d’ethnie chinoise de célébrer publiquement le nouvel an lunaire pour la première fois depuis plus de trente ans. Par ailleurs, grâce au nouveau décret présidentiel, les croyances et les cérémonies liées au confucianisme ont de nouveau droit de cité dans le pays. Beaucoup espèrent que cette religion obtiendra bientôt un statut officiel, au même titre que les cinq grandes religions aujourd’hui reconnues, l’islam, le catholicisme, le protestantisme, l’hindouisme et le bouddhisme. Jusqu’à présent, le confucianisme était classé dans la catégorie des sectes bouddhistes.

Cette éventuelle reconnaissance officielle du confucianisme en tant que religion ne pose aucun problème dans les milieux de l’Eglise catholique. L’archevêque de Pontianak, dans la province du Kalimantan occidental, région peuplée de Dayaks et de Malais mais surtout mise en valeur par des Chinois, dont l’installation est très ancienne, a été interrogé à ce sujet. Le prélat a déclaré qu’il n’élève aucune objection contre la récente mesure prise par le président. Il approuve la proposition gouvernementale de donner au confucianisme le statut officiel de religion. L’Eglise catholique bien évidemment respecte la liberté de religion garantie par la Constitution, grâce à laquelle chaque citoyen a le droit de pratiquer sa propre religion ou son propre système de croyance. L’archevêque a même ajouté qu’un catholique d’ethnie chinoise est tout à fait libre de revenir au confucianisme s’il le juge bon.

Le responsable des Affaires religieuses de cette même province, Abdul Madik, commentant cette même mesure, s’est déclaré persuadé que le confucianisme, avec un statut officiel, pourra se développer comme les cinq autres religions. Le patronage de l’Etat n’est pas monopolisé par les seules cinq religions reconnues. Le problème se pose maintenant de savoir comment les adeptes de cette religion pourront exprimer leurs aspirations et faire valoir leur droit. Actuellement, au ministère des Affaires religieuses, trois religions seulement, l’islam, le catholicisme et le protestantisme, sont placées chacune sous des directorats différents tandis que l’hindouisme et le bouddhisme dépendent d’un même directorat. Il est probable, pense le responsable provincial des Affaires religieuses, que le confucianisme pourra être pris en charge au plus haut niveau par les autorités ministérielles.

Les dirigeants confucéens, interrogés par l’agence UCAnews peu avant les célébrations du nouvel an, ont déclaré apprécier au plus haut point le décret présidentiel n° 14 et se sont montrés reconnaissants. Selon eux, on ne peut dénier au confucianisme sa qualité de religion, car, déclarent-ils, ses adhérents croient à Shang Thi, qu’ils vénèrent tel un Dieu tout-puissant ; ils célèbrent des cérémonies religieuses et ont des livres sacrés. Ce n’est toutefois pas l’avis de certains catholiques prêts à reconnaître Confucius comme un philosophe mais non comme un prophète. Le P. Franciscus Xaverius Asali pense ainsi que si les catholiques ne peuvent reconnaître le confucianisme comme une religion, ils sont tout prêts à l’accepter comme leur tradition.

Cependant, malgré les autorisations officielles, la communauté chinoise de Pontianak, qui représente environ le tiers des 387 000 habitants de ce port de commerce, s’est volontairement efforcée d’observer une certaine discrétion dans les manifestations publiques organisées pour le nouvel an lunaire. Les dirigeants de la communauté avaient averti à l’avance que des célébrations trop voyantes risqueraient de créer un sentiment de jalousie dans les autres parties de la population, surtout en un temps de sérieuses difficultés économiques. Les Chinois de la province ont marqué cette fête en participant aux cérémonies organisées dans les divers lieux de culte et en accomplissant les visites traditionnelles aux proches. Dans la nuit du 4 au 5 février beaucoup d’entre eux ont bravé la pluie pour se rendre dans les temples chinois (klenteng) ou les pagodes bouddhistes (vihara). Les catholiques chinois, eux, sont venus nombreux participer aux diverses messes célébrées dans la matinée du 5 février. Pour beaucoup de catholiques, ce fut la seule cérémonie religieuse à laquelle ils ont participé en cette journée du nouvel an.