Eglises d'Asie

L’Eglise demande, en vain, au président Estrada de revenir sur l’amnistie dont a bénéficié le meurtrier d’un missionnaire italien

Publié le 18/03/2010




Le 31 janvier, au nom de l’Eglise aux Philippines, Mgr Romulo Valles, évêque de Kidapawan (Mindanao), a instamment demandé, dans une lettre ouverte, au président Estrada de revenir sur l’amnistie dont a bénéficié un des meurtriers du P. Tullio Favali, missionnaire de l’Institut pontifical des missions étrangères (PIME), assassiné le 11 avril 1985 à Tulunan, dans le diocèse de Kidapawan. “Nous faisons appel à votre sens de la justice. Nous vous demandons de reconsidérer au plus vite l’amnistie » accordée à Norberto Manero, écrit l’évêque de Kidapawan. Après avoir demandé à des juristes d’étudier la possibilité de revenir sur l’amnistie accordée et malgré la vague d’indignation que cette décision a soulevée aux Philippines, le président Estrada a fait savoir le 4 février qu’il lui était impossible de revenir légalement sur cette décision. Il a simplement recommandé que, l’an prochain, la liste des personnes devant être graciées soit publiée quelques semaines avant la date de leur libération effective “afin que, si il y a des plaintes, celles-ci puissent être exprimées ».

Ainsi que le veut la tradition, le président Estrada avait signé peu avant Noël un décret d’amnistie et, le 28 décembre, 500 détenus avaient été libérés. Parmi ces 500 détenus sélectionnés par le Bureau des grâces et des libérations conditionnelles, figurait l’un des meurtriers du P. Favali, Roberto Manero. Ce dernier ainsi que six de ses complices (dont deux sont ses frères) avaient été reconnus coupables du meurtre de ce missionnaire italien et condamnés en 1987 à la prison à vie, une sentence ramenée par le président Ramos à 24 ans de prison. En 1985, à l’époque des faits, Roberto Manero, alias Kumander Bukay », dirigeait une milice anti-communiste. Le 11 avril 1985, à la tête d’un groupe de huit personnes, il avait assassiné le P. Faveli devant ses paroissiens, criblant son corps de balles, le piétinant et allant jusqu’à manger une partie de son cerveau.

Libéré, Roberto Manero est retourné vivre non loin de Tulunan. Dans une interview accordée à une chaîne de télévision, il n’a montré aucun signe de remords pour son geste de 1985 et il a déclaré être prêt à prendre le maquis si les autorités cherchaient à le remettre en prison. Mgr Valles a écrit dans sa lettre que la libération de ce criminel était d’autant plus injustifiable que le huitième complice du meurtre du P. Faveli, finalement arrêté en 1998, n’était toujours pas jugé. Il serait désormais désormais difficile de garantir la sécurité des personnes appelées à témoigner contre lui. Le P. Giulio Mariani, supérieur des PIME aux Philippines, a déclaré qu’il cherchait des solutions pour protéger l’un de ses prêtres, témoin à ce procès.

Selon la Commission “Justice et paix” de la Conférence épiscopale philippine, durant la dictature Marcos, l’armée et les forces paramilitaires se sont rendues coupables de nombreuses violences et abus contre les catholiques et les gens du peuple. De nombreux prêtres, religieuses, laïcs et agents pastoraux ont été assassinés ». Aujourd’hui, et par rapport aux années 1980, la situation s’est beaucoup améliorée à Mindanao. La rébellion communiste a beaucoup perdu en virulence mais le banditisme reste un problème. Les enlèvements pour rançon sont fréquents et des missionnaires en ont été victimes (16). Enfin, l’insécurité dans cette partie méridionale des Philippines est aussi entretenue par des groupes islamistes, soutenus par des missionnaires musulmans étrangers (17). Malgré tout, réunis à Paranaque, les prêtres PIME de Mindanao ont décidé en février 1999 de poursuivre leur apostolat dans la région (18).