Eglises d'Asie

Un séminaire tenu à Hô Chi Minh-Ville reconnaît la contribution d’un missionnaire français à la culture vietnamienne

Publié le 18/03/2010




Une trentaine d’historiens et de linguistes, parmi lesquels un certain nombre de catholiques, ont participé à un séminaire dont le thème avait été ainsi annoncé : “Comment s’inculturer et vivre l’Evangile au sein de la nation ? En réalité, les travaux ont été entièrement consacrés à la personne et à l’ouvre d’un célèbre missionnaire français du XVIIIème siècle, Mgr Pigneau de Béhaine, à l’occasion du deux-centième anniversaire de sa mort (1799). Organisé par le Comité d’union du catholicisme, le séminaire s’est tenu à le 16 décembre 1999, dans les locaux du Comité à Hô Chi Minh-Ville.

Un chercheur catholique, Nguyên Dinh Dâu, qui a récemment mené à bien une étude minutieuse de la correspondance de l’évêque avec les supérieurs de la société des Missions étrangères de Paris, a brossé devant ses auditeurs le portrait de celui qui fut l’allié et l’ami personnel de l’empereur Gia Long, ainsi que le vicaire apostolique de la Cochinchine, appellation désignant la circonscription ecclésiastique méridionale du Vietnam de l’époque. Le chercheur a souligné le respect particulier que l’évêque d’Adran a toujours témoigné à l’égard de la culture vietnamienne. Il a cité en particulier une des habitudes de Mgr Pigneau de Béhaine, remarquée par ses contemporains, qui lui faisait retirer sa coiffure chaque fois qu’il passait devant une pagode. Témoigne aussi de cet état d’esprit, la réaction de l’évêque à l’égard de la bulle de Benoît XIV, Ex quo singulari interdisant aux fidèles chrétiens les prosternations rituelles devant les dépouilles des morts. Après s’être aperçu que personne dans le clergé vietnamien, comme chez les fidèles, n’approuvait cette interdiction, il fit connaître à Rome ses regrets de voir les chrétiens obligés d’adopter une telle attitude à l’égard de leurs parents et ancêtres.

M. Nguyên Khac Xuyên, spécialiste des débuts de l’histoire de l’Eglise au Vietnam, a, pour sa part, affirmé que la plus importante contribution du missionnaire à la culture vietnamienne fut sans nul doute le dictionnaire écrit par lui, Vocabularium Anamiticolatinum Cet ouvrage écrit en 1772-1773, a, en effet, marqué et illustré la dernière étape de l’évolution de l’écriture nationale appelée “Quôc Ngu”. M. Xuyên s’est efforcé de replacer l’ouvre de l’évêque dans le contexte des apports fondamentaux de la chrétienté vietnamienne à la culture et la littérature vietnamiennes. La première intervention chrétienne et la plus connue fut la mise en place d’un système de notation alphabétique romanisée du vietnamien, que l’on attribue généralement à Alexandre de Rhodes. Ce système, créé dès le début de l’évangélisation du Vietnam au XVIIème siècle, prit plus tard la place du système compliqué des caractères nôm, formés à partir des caractères chinois. A la suite de Mgr Pigneau de Béhaine, de nombreux chrétiens étrangers ou vietnamiens s’illustrèrent dans l’étude du lexique du pays et permirent l’éclosion d’une littérature populaire et moderne. Philippê Binh, Taberd, Paulus Huynh Tinh Cua, Theurel, Génibrel et bien d’autres furent les continuateurs de Pigneau de Béhaine dans son travail sur le vocabulaire vietnamien.

M. Xuyên qui est l’auteur d’une édition saigonaise du dictionnaire de Pigneau de Béhaine, présentée au public à cette occasion, a conclu son exposé en affirmant : A l’issue de mes recherches sur l’histoire de l’Eglise catholique vietnamienne, je commence à apprécier la valeur culturelle des travaux linguistiques des missionnaires ». Un universitaire vietnamien non-chrétien qui participait aux travaux du séminaire a confié que, grâce à eux, il a pris conscience des efforts d’inculturation de l’évêque français et de l’influence exercée sur la littérature vietnamienne par le christianisme. Dans ce domaine, un long chemin a été parcouru depuis 1980, date à la quelle paraissait un livre de M. Tran Van Giau, Les valeurs spirituelles traditionnelles du Vietnam dont le chapitre sur le catholicisme s’intitulait : L’Eglise catholique n’a apporté au Vietnam aucune contribution digne d’intérêt » (22).