Eglises d'Asie

Démission du ministre de la Justice après la libération controversée du meurtrier d’un missionnaire italien

Publié le 18/03/2010




Trois jours après que les responsables de l’Eglise catholique aux Philippines se sont entretenus avec le secrétaire général de la présidence pour manifester leur désaccord à l’amnistie accordée au meurtrier d’un missionnaire italien (20), le président Estrada a annoncé le 11 février la démission de Serafin Cuevas, son ministre de la Justice. Le Bureau des grâces et des libérations conditionnelles, à l’origine du choix des 500 détenus amnistiés à l’occasion de Noël dernier, est en effet placé sous l’autorité du ministre de la Justice et celui-ci a en quelque sorte servi de « fusible » politique au président Estrada face aux virulentes protestations de la hiérarchie catholique.

Mgr Romulo Valles, évêque de Kidapawan, le diocèse de Mindanao où le P. Tullio Favali, PIME, a trouvé la mort le 11 avril 1985, assassiné par un groupe de huit hommes dirigés par Norberto Manero, le meurtrier amnistié il y a quelques semaines, a déclaré ne pas vouloir savoir si la démission du ministre de la Justice était directement liée à l’amnistie accordée à Norberto Manero. « Nous souhaitons seulement concentrer notre travail avec le gouvernement sur la façon de revenir sur l’amnistie dont a bénéficié Manero », a-t-il déclaré. Selon les évêques philippins, cette amnistie fait courir un risque très sérieux aux personnes qui doivent témoigner au procès du dernier des huit hommes accusés d’avoir pris part à l’assassinat du prêtre italien. Ce huitième homme a été arrêté en 1998 seulement et son procès n’a pas encore eu lieu. « A Kidapawan, les cicatrices du meurtre du P. Favali ont été rouvertes. Elles étaient à peine refermées. Les gens disent qu’ils ne peuvent plus faire confiance au gouvernement pour les protéger », a encore déclaré Mgr Valles.

Selon le P. Giorgio Licini, vice-provincial des PIME (Institut pontifical des missions étrangères de Milan), qui a assisté à l’entretien avec le secrétaire général de la présidence, « l’amnistie en tant que telle ne pose pas de problème tant que Roberto Manero pouvait légalement y prétendre. La signature du président Estrada [sur le décret d’amnistie] peut être juridiquement légale mais qu’en estil des étapes en amont ayant abouti à ce que Manero soit inscrit sur la liste des détenus à amnistier » Le P. Licini estime que le processus aboutissant au choix des détenus élargis a pu être influencé par des militaire ou des hommes politiques ayant intérêts à aider Manero à obtenir une amnistie afin de le remercier pour sa loyauté passée. Manero, du temps où il était en liberté, a été en effet membre d’une unité paramilitaire, les « Forces civiles de défense intérieure », manipulée par les autorités dans les années 1980 pour lutter contre les communistes.

Le 24 février, le nouveau ministre de la Justice, Artemio Tuquero, a déclaré que les autorités remettrait Roberto Manero en prison si celui-ci ne se conformait au contrôle judiciaire auquel il est encore soumis. Or, il semble bien que cela soit le cas. A la fin février, Roberto Manero, qui a promis de prendre le maquis si les autorités cherchaient à l’arrêter de nouveau, était toujours en liberté.