Eglises d'Asie

Goa : des catholiques issus des castes supérieures s’opposent aux initiatives d’un prêtre visant à promouvoir l’égalité entre tous ses paroissiens

Publié le 18/03/2010




A Goa, des catholiques issus des castes supérieures s’opposent aux efforts de leur curé qui souhaite que l’influente confrérie laïque de leur paroisse s’ouvre aux fidèles issus des basses castes. “Les [fidèles] des hautes castes ont menacé de détruire l’église et de me couper en morceaux si j’osais introduire des paroissiens de basses castes à l’intérieur de la confrérie de la paroisse », a précisé le P. Soccor Mendes, curé de Notre-Dame-de-la-Santé dans le village de Cuncolim.

Héritage de la présence portugaise, les paroisses de Goa ont presque toutes mis sur pied des associations de laïcs, appelées confréries, qui ont pour but d’organiser la vie de la paroisse et de favoriser l’évangélisation. Selon Levinson Martins, un paroissien de haute caste, le droit » des membres des castes supérieures à être membres de ces confréries est le privilège que les Portugais nous ont accordé en remerciement de notre conversion au christianisme ». Il précise aussi que, depuis 400 ans, ces confréries accueillent exclusivement des Goankars, de castes supérieures.

En 1945, un décret édicté par le Portugal, alors souverain à Goa, a ouvert les confréries à tout catholique pratiquant, mais ce décret a été contourné, les castes supérieures imposant des droits d’entrée aux confréries beaucoup trop élevés pour les basses castes », explique le P. Mendes. Aujourd’hui, poursuit le prêtre, ces traditions qui ont maintenu la majorité des paroissiens, issus des basses castes, à l’écart de toute responsabilité dans la paroisse sont ridicules ». Cela peut bien être leur coutume de n’avoir que des castes supérieures dans les confréries, mais, devant Dieu, nous sommes tous égaux », conclue-t-il.

Pour leur part, Levinson Martins et d’autres Goankars soulignent que les trois prêtres de la paroisse sont issus des basses castes et que leur point de vue est donc faussé. Ils reprochent aux prêtres d’avoir divisé les paroissiens selon une logique de castes et de semer ainsi la discorde dans le village. Dans une lettre à l’archevêque de Goa, Mgr Raul Nicolau Gonsalves, ils se plaignent d’avoir été traités de criminels » dans les prêches des prêtres.

Malgré diverses tentatives de médiation, le débat s’est envenimé. Les castes supérieures (qui rassemblent 3 000 personnes issues de douze familles différentes) ont boycotté la fête paroissiale. Les 10 000 autres paroissiens, issus des bastes castes, menacent de réclamer une église séparée si l’archevêque ne prend pas fermement position » sur le sujet. Selon le P. Santana Faleiro, responsable du Secrétariat des confréries à l’échelon de l’archidiocèse, Mgr Gonsalves envisagerait de supprimer ces confréries, à condition que chacune des deux parties, les basses castes comme les castes supérieures, expriment par écrit leur désir de les voir supprimer.

Depuis de très nombreuses années, les évêques catholiques sont engagés dans la lutte pour la promotion des basses castes et des dalits dans la société indienne (7). A l’intérieur de l’Eglise, si, à une certaine époque, l’Eglise a pu donner l’impression qu’elle entérinait la division en castes qui prévalait dans la société environnante, on peut constater aujourd’hui que les prêtres et les évêques dalits ou issus des basses castes sont nombreux. Dans plusieurs diocèses du sud de l’Inde, les problèmes de castes restent toutefois vifs ; on a pu assister en certains lieux à une polarisation de l’opposition entre basses et hautes castes (8).