Eglises d'Asie

La politique religieuse officielle à l’égard des chrétiens hésite entre une répression active et une tolérance inquiète

Publié le 18/03/2010




Le gouvernement laotien semble avoir quelque difficulté à définir et appliquer une politique religieuse cohérente vis-à-vis des chrétiens, catholiques et protestants. Les situations sont en effet très diverses suivant les provinces. Elles vont de la répression active, en particulier à l’encontre de certaines communautés protestantes, à la tolérance de fait, souvent non exempte d’inquiétude devant le succès rencontré par le christianisme en certains lieux, …

… habités le plus souvent par des minorités ethniques.

A Savannakhet, dans le centre du pays, les autorités politiques et militaires, de même que la police, s’inquiètent du succès relatif de l’Eglise catholique dans un certain nombre de villages peuplés par diverses minorités ethniques. Celles-ci se sont installées dans la région depuis une trentaine d’années après avoir fui la guerre dans la région de Luang Prabang et de Samneua dans le nord ou dans les régions frontalières du Vietnam. Elles n’ont jamais été impliquées dans la rébellion contre le régime. Depuis quelques années, beaucoup de ces villages ont demandé à entrer dans l’Eglise catholique, « parce qu’elle est la seule organisation à s’occuper de nous », selon les termes d’un habitant de la région.

De source sûre, confirmée par plusieurs observateurs de la situation laotienne, Eglises d’Asie a appris que les autorités militaires, politiques et policières de Savannakhet ont lancé depuis plusieurs mois une campagne concertée destinée à inciter la population de ces villages à abandonner « la religion des étrangers » pour revenir à la « tradition ». Pressions et menaces répétées ont amené un certain nombre de catholiques, baptisés ou catéchumènes, à signer un formulaire (11) par lequel ils renoncent à leur foi chrétienne qualifiée de « religion étrangère ». Certaines communautés ont refusé en bloc de signer le formulaire. Selon des sources locales interrogées par Eglises d’Asie, « dans d’autres villages, à la suite de plusieurs visites de membres des forces de police, certains ont fini par accepter de signer, mais tous les chefs de communauté ont, jusqu’à présent, refusé ». Ces pressions affectent environ une douzaine de villages de la région de Savannakhet. Par exemple, dans le village de Setamouak, par trois fois, l’armée, la police et les autorités politiques du secteur sont venues faire pression pour que les catholiques du village signent le formulaire d’abandon de la religion chrétienne. En fin de compte, il y a quelques semaines, l’ancien président de la République démocratique du Laos, M. Nouhack, en visite dans la région, a exigé la démolition de la chapelle catholique du village. Les non-chrétiens du village ont accédé à son désir, devant une communauté catholique impuissante.

Il est à noter que la plupart des minorités ethniques laotiennes n’ont jamais été très marquées par le bouddhisme mais s’adonnent surtout à des pratiques animistes traditionnelles.

Dans le sud, à Paksé, les communautés catholiques jouissent pour le moment d’une certaine tolérance de la part des autorités même si certains villages restent interdits d’accès aux prêtres qui en sont responsables. Dans la capitale, Vientiane, la situation est aussi plus paisible. Il y est même possible d’organiser discrètement des rassemblements de jeunes.

En revanche, à Luang Prabang, dans le nord, la situation de l’Eglise catholique reste plus complexe. Le P. Tito Banchong, devenu depuis lors administrateur apostolique de Luang Prabang (12), avait été emprisonné pendant quelques mois l’année dernière pour avoir « enseigné la religion chrétienne illégalement ». Aujourd’hui encore, il rencontre des difficultés lorsqu’il souhaite se déplacer dans son diocèse. Dans cette région, cependant, ce n’est sans doute pas la religion chrétienne qui inquiète le plus les autorités mais l’agitation continue entretenue par des minorités ethniques en rébellion larvée depuis longtemps, des groupes de bandits qui écument la région et aussi le trafic d’opium qui est très important.

De manière générale, dans tout le pays, les protestants sont réprimés de manière plus active que les catholiques. Ils sont perçus à tort ou à raison comme ayant des liens avec des puissances étrangères, tout particulièrement les Etats-Unis. Eglises d’Asie a rapporté il y a quelques semaines les arrestations qui ont frappé les Eglises protestantes depuis environ un an (13). De manière habituelle, toutes les bibles trouvées par les autorités chez des membres des Eglises protestantes sont confisquées et les réunions protestantes sont interdites dans la plupart des villages sur l’ensemble du pays. Dans les villes, la situation est cependant moins répressive. On peut dire de manière générale que, dans la plaine laotienne, occupée par la population lao et très majoritairement bouddhiste, la situation faite aux chrétiens est relativement paisible. Dans les villages périphériques occupés par des minorités ethniques animistes, elle est souvent plus délicate.

La population chrétienne au Laos compte environ 60 000 personnes (42 000 catholiques et un peu moins de 20 000 protestants – baptistes et évangéliques pour la plupart) pour une population totale de cinq millions de personnes. Le bouddhisme du petit véhicule (Theravada) est la religion majoritaire.