Eglises d'Asie

Un colloque sur le nationalisme hindou réunit des universitaires hindous et chrétiens

Publié le 18/03/2010




Hindous et chrétiens se sont exprimés librement au cours d’un colloque organisé au mois de janvier dernier, à Varanasi, dans le nord de l’Inde, par le grand séminaire d’une société missionnaire indienne. Le thème choisi pour être l’objet des débats et des interventions revêtait pourtant un caractère particulièrement brûlant dans le contexte de l’Inde contemporaine. Il a, en effet, été question du succès rencontré dans le pays par , terme qui désigne le mouvement nationaliste hindou actuel, ainsi que l’idéologie qui l’accompagne, visant à identifier l’hindouisme à la nation indienne. En ouvrant la première séance, le P. Vinod Prad, qui est directeur général des études au Séminaire de la Lumière du monde, avait bien précisé que les exposés et les discussions se situeraient à un niveau purement universitaire.

Les participants hindous au colloque avaient été invités à réagir sur des textes préalablement rédigés par les étudiants et enseignants du séminaire et ayant trait à l’origine et à l’expansion d’un certain nombre de groupes hindouistes et de leurs idéologies. Diverses définitions du concept ont été données par les chercheurs hindous. Shukla, maître de conférence à l’Université de sanscrit de Varanasi, a décrit comme un concept plus large que la religion (hindouisme), qui refuse les limites imposées par les lois rigides ou les dogmes et engage la totalité de la vie humaine ». Un autre orateur a encore élargi les limites de , puisque pour lui, celle-ci professe une tolérance active à travers son acceptation de toutes les voies humaines utilisées pour découvrir la vérité. Si bien que, selon lui, chacune des religions est une composante de et il n’y a donc pas de conflit entre elles. Tous les érudits hindous présents au colloque n’ont pas fait preuve d’une telle largeur de vue, comme par exemple, Nagenda Paney, dirigeant local du Rashtriya Swayamsevack Sangh (Corps national des volontaires) qui a défini les hindous comme ceux qui aiment leur patrie et a admis qu’on peut qualifier de chrétiens hindous ou de musulmans hindous, les adeptes de ces deux religions lorsqu’ils aiment leur patrie.

Bien que tous les hindous venus au colloque aient condamné la centaine d’attaques anti-chrétiennes qui ont eu lieu l’année dernière, certains ont regretté que l’on ait qualifié certains groupes hindous d’anti-chrétiens ou anti-missionnaires sous le prétexte que, pour renforcer la culture indienne, ils se sont opposés aux sentiments anti-nationalistes répandus, selon eux, chez les chrétiens par les missionnaires. Par ailleurs, un spécialiste des textes sanscrits, Rajneesh Shukla, a estimé que pour être compréhensibles aux Indiens les croyances chrétiennes avaient besoin d’une réinterprétation. Il a souligné certains points de l’anthropocentrisme chrétien qui rendent difficile sa compréhension par les hindous comme l’âme attribuée aux seuls êtres humains ou encore la nature destinée à des hommes qui ne bénéficient que d’une seule existence.

Au cours du colloque, le P. Paul Rajeev, professeur au séminaire, a essayé de présenter une réponse chrétienne à l’idée . Il a mis en cause la tentative d’enrôler l’ensemble des traditions indiennes à l’intérieur de la nébuleuse “hindoue”. Pour lui, une société uniculturelle est devenue absurde à l’intérieur d’un monde moderne qui partout fait naître et favorise des sociétés pluriculturelles. Il a présenté le concept chrétien de mission comme un essai pour répandre le message du Christ en vue d’une transformation intérieure de l’homme. Enfin, il s’est élevé contre les campagnes de haine menées contre les chrétiens et les musulmans qui ne peuvent que mener à la désintégration du pays. Car, a-t-il dit, l’ennemi de la religion n’est pas l’autre religion, mais la corruption, la pauvreté et l’analphabétisme ».