Eglises d'Asie

Selon les évêques catholiques, le nouveau président représente « une force de progrès » pour Taiwan

Publié le 18/03/2010




Dans un communiqué publié avec une inhabituelle rapidité, très peu de temps après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle, les évêques catholiques de Taiwan ont appelé Chen Shui-bian, le président nouvellement élu de l’île, à favoriser la réconciliation et la paix avec la Chine continentale et à bâtir une nouvelle société. Selon la Conférence épiscopale régionale chinoise à Taiwan, le résultat des élections du 18 mars montre que les Taiwanais ne recherchent pas uniquement la stabilité mais qu’ils désirent également « des changements profonds » et veulent « une force de progrès » pour présider aux destinées de l’île.

La participation à ces élections, les deuxièmes élections présidentielles démocratiques que l’île ait connues, a été importante, 82,7 % des 15,4 millions d’électeurs taiwanais s’étant déplacés pour voter. Les évêques soulignent ce fait et disent leur satisfaction face à la « maturité » du système démocratique à Taiwan. Tandis que les évêques appellent le nouveau président à faciliter « une interaction positive » avec le continent chinois et à projeter une nouvelle image de Taiwan sur la scène internationale, ils enjoignent également « les compatriotes en Chine continentale à respecter le choix du peuple de Taiwan, choix exprimé lors d’un processus démocratique ».

Taiwan et le continent devraient travailler à la mise en place d’un consensus, écrivent encore les évêques taiwanais. « Nous voudrions dire aux compatriotes et aux dirigeants du continent : Allons ! Mettonsnous en route ! Je marcherai avec toi.(Gn 33,12). Parce que les peuples d’une part et d’autre du détroit de Taiwan partagent la même culture et les mêmes traditions, (.) nous ne devons pas déclencher imprudemment la guerre ou faire usage de violences verbales », poursuivent encore les évêques, ajoutant que tout tort causé ou toute expression de haine se transmettront à la génération suivante. Quelques jours avant les élections, Zhu Rongji, Premier ministre du gouvernement de Pékin, avait très nettement durci le ton, menaçant d’utiliser « tous les moyens » dont dispose la Chine populaire pour préserver l’unité de la nation chinoise.

Le communiqué de la Conférence épiscopale conclut en disant que l’Eglise catholique à Taiwan s’est toujours montrée soucieuse du développement harmonieux de l’île et que les catholiques coopéreront avec le nouveau gouvernement pour bâtir une société respectueuse de la vie, de la dignité humaine et de la justice sociale.

Chen Shui-bian, du Parti démocrate progressiste (PDP), favorable à l’indépendance de l’île par rapport à la Chine continentale, est arrivé en tête des élections avec 39,3 % et a donc été élu président de la République de Chine (Taiwan). Son élection marque la défaite du Kouomintang (KMT), le parti nationaliste au pouvoir dans l’île depuis 55 ans, dont le candidat Lien Chan n’a obtenu que 23,1 % des suffrages. L’autre candidat d’envergure, James Soong Chu-yu, ancien secrétaire général du KMT et dissident du KMT, est arrivé en deuxième position avec 36,8 % des voix, soit trois pour cent seulement de moins que Chen Shui-bian. Aux côtés de Chen Shui-bian, pour la première fois, une femme, Annette Lu Hsiou-lien, accède à la vice-présidence.

Dans une lettre pastorale publiée avant les élections, les évêques avaient appelé les catholiques de Taiwan à voter avec sagesse et à refuser les achats de vote

Quelques jours avant les élections présidentielles du 18 mars, la Conférence épiscopale régionale chinoise, au nom des évêques de Taiwan, avait publié une lettre pastorale pour appeler les catholiques de l’île à voter avec sagesse et à refuser de vendre leurs voix. Alors que la paix, la stabilité et les relations avec la Chine populaire sont apparues comme des questions clefs au cours de la campagne électorale, les évêques ont enjoint aux catholiques de voter avec sagesse. Se refusant à donner des consignes de vote, ils se sont contenté d’appeler à voter pour un candidat qui puisse apporter espoir, paix et harmonie à l’ensemble de la société taiwanaise.

Demandant au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la campagne électorale et les élections se déroulent dans une atmosphère « propre et juste », les évêques avaient lancé un appel à toutes les communautés religieuses de l’île, quelle que soit leur confession, pour que leurs fidèles s’en-gagent à soutenir des élections exemptes de corruption. Ils avaient aussi demandé aux catholiques de faire une neuvaine du 9 au 17 mars pour que le sort des urnes aille dans le sens du bien de la société.

Au sein de la communauté catholique, les engagements politiques varient. L’Eglise catholique, à l’image du reste de la société, a connu d’importants changements au cours de ces dernières années et elle ne peut plus être identifiée au Kouomintang, le parti au pouvoir dans l’île depuis 50 ans, explique Maria Chao Rung-chu, rédacteur en chef du mensuel catholique Témoignage. Selon William Yeh Wei-ming, directeur de la Fondation culturelle catholique Tien à Taipei, les liens étroits que l’Eglise a entretenus avec le Kouomintang, liens qui remontent à la période de la guerre sino-japonaise sur le continent, ne sont plus de mise. Désormais, les catholiques tendent à se prononcer en fonction des plateformes électorales des candidats plutôt qu’en fonction de leur seule appartenance partisane, précise Peter Yang Tuen-ho, ancien président de l’université catholique Fu Jen.

Parmi les aborigènes, qui constituent environ 2 % de la population et qui forment un tiers des 300 000 catholiques taiwanais, le Kouomintang ne jouit plus d’un soutien automatique. Martha Yang Tzann-mey, catéchiste appartenant au groupe des Ami, estime que, « même si nous devons prendre en considération la stabilité et l’avenir de Taiwan, le Kouomintang a accumulé trop de pouvoir, trop de richesses et trop d’influence au cours des cinquante années passées à diriger le pays»