Eglises d'Asie – Indonésie
La politique de “transmigration” est discrètement abandonnée par la nouvelle administration
Publié le 18/03/2010
La politique de “transmigration” (transmigrasi) remonte à la période coloniale lorsque les Hollandais eurent l’idée de “déconcentrer” l’île de Java, relativement surpeuplée, en organisant des transferts de population vers les régions périphériques de l’archipel indonésien, beaucoup moins densément peuplées. Cette politique démographique fut reprise après l’indépendance par Sukarno, puis systématisée par Suharto au cours des années 1970. L’objectif était de soulager Java d’une pression démographique trop forte tout en peuplant les zones périphériques de l’archipel. L’Indonésie devait au passage gagner une indépendance alimentaire grâce à la mise en valeur de terres jusqu’ici non exploitées ou sous-exploitées. Financée par les revenus tirés de l’exploitation des ressources pétrolières et par des prêts de la Banque mondiale, cette politique n’a cependant pas rencontré le succès espéré.
Dès les années 1980, les critiques se sont multipliées, dénonçant les conséquences sociales et environnementales négatives de cette politique. Face à ces critiques, la Banque mondiale, qui avait prêté 560 millions de dollars au total, a retiré son soutien. Sur le terrain, les infrastructures prévues à l’origine pour accueillir les nouveaux immigrants à Kalimantan, à Sumatra, aux Moluques ou en Papouasie n’ont souvent pas vu le jour, les aides publiques ayant disparu dans les méandres d’une administration corrompue. Ailleurs, les transmigrants partis sous l’égide du gouvernement ont été dépassés en nombre par des transmigrants “spontanés”, partis de Java de leur propre chef chercher fortune ailleurs.
En définitive, si cette politique a permis à de nombreux Javanais pauvres de vivre une vie meilleure sur d’autres îles de l’archipel indonésien, elle n’a pas toujours été bien accueillie par les populations autochtones, qui l’ont perçue comme une forme de colonisation par des Javanais dominateurs. Les tensions qui en ont résulté ont été, sous le régime Suharto, de manière habituelle fermement et rapidement contrôlées par l’armée ; mais, depuis la chute de Suharto et la démocratisation du régime qui a suivi, ces conflits ont pris de l’ampleur et l’armée, en prenant parfois parti pour l’une ou l’autre des factions, n’a fait qu’exacerber la colère populaire (3). Aujourd’hui, les provinces, ayant de fait plus d’autonomie que du temps de Suharto, cherchent à défendre les intérêts des populations autochtones aux dépens des transmigrants. Dans certaines régions, en cas de troubles, ce sont d’abord les transmigrants qui sont pris pour cible : à Aceh, les partisans Merdeka (“Aceh libre !”) forcent les transmigrants originaires de Java à partir (4).
Pour l’heure, un des soucis du gouvernement est de trouver une solution au problème des transmigrants chassés par les troubles en Papouasie, aux Moluques, à Aceh ou encore à Kalimantan. Bien que ces transmigrants déplacés ne représentent que 5 % du total des réfugiés en Indonésie, ils sont un problème grave pour les autorités qui ne savent pas où les envoyer. Selon Alhilal, ministre de la Population et des Transmigrations, le gouvernement central ne peut organiser la réinstallation à Java et à Madura que de quelques milliers de familles et espère pour les autres, le temps aidant, qu’ils pourront retourner sur leurs terres d’adoption.