Eglises d'Asie

La revue du Parti consacre un article à la description du Vietnam religieux

Publié le 18/03/2010




Il est très rare que les statistiques officielles du gouvernement prennent en compte les données religieuses. Les renseignements de toutes sortes fournis par l’Office général de la statistique, organe d’Etat, qui rend compte de la situation socio-économique du pays, ne concernent jamais le phénomène religieux. Les observateurs n’en sont que plus heureux de trouver dans le dernier numéro de la revue théorique du Parti communiste vietnamien, Tâp Chi Công San, un article signé du directeur du bureau gouvernemental des Affaires religieuses, Lê Quang Vinh, donnant un panorama global et chiffré du Vietnam religieux. Cette description est d’autant plus intéressante qu’elle suit immédiatement une enquête menée par l’Eglise catholique vietnamienne, dont les résultats ont été mentionnés dans le bulletin de décembre 1999 de la Conférence épiscopale vietnamienne (Hiêp Thông, n° 6) (10).

S’appuyant sur les résultats d’une enquête nationale menée par le Ban Dân Van (la Commission d’action populaire ou Agit-prop) en 1997, le directeur des Affaires religieuses donne une première estimation concernant l’ensemble des croyants. Leur nombre s’élèverait à 15,2 millions, soit 20 % de la population totale du pays qui, selon le recensement d’avril 1999, comporte 76 324 753 habitants (11). Cependant l’article ne dit pas quels ont été les critères utilisés pour distinguer les croyants des non-croyants et on ne voit apparaître nulle part les effectifs de ceux qui pratiquent l’animisme, nombreux parmi les minorités ethniques, ou le culte des ancêtres reconnu par nombre de Vietnamiens comme leur unique religion.

En réalité, semble-t-il, le chiffre de 15,2 millions est obtenu grâce à l’addition des adhérents des seules six religions dont il est question dans l’article. Ce sont les seules religions autorisées » ou légales selon un lexique apparu récemment dans le vocabulaire officiel, dont on voit mal ce qu’il recouvre (12). Pour chacune de ces six religions, l’auteur de l’article donne des estimations. Par ordre de grandeur, le bouddhisme viendrait en tête avec 7 378 417 fidèles. Ensuite suivraient les catholiques avec 4 952 605 adhérents, les protestants, appelés évangéliques (Tinh Lanh), n’étant crédités que de 403 238 fidèles. Les deux religions locales, le caodaïsme et le bouddhisme hoa hao, auraient respectivement 1 122 827 et 1 252 906 fidèles. L’islam ne constitue qu’une petite minorité de 93 174 fidèles.

Sauf pour les catholiques, les chiffres donnés par le directeur des Affaires religieuses sont très loin de correspondre aux chiffres revendiqués par les religions en question. Le chiffre de 7 378 417 bouddhistes pour tout le pays est très loin de correspondre aux 80 % de la population traditionnellement revendiqués par le Bouddhisme unifié, qui, il est vrai, englobe dans ce nombre les fidèles hoa hao, ainsi que tous ceux qui vont occasionnellement à la pagode. Les chiffres du caodaïsme et du bouddhisme hoa hao sont également largement sous-estimés par l’enquête dont il est fait état dans la revue du Parti communiste. Ces deux religions, selon leurs propres déclarations, comptent respectivement 6 millions et 2 millions de fidèles. Une égale sous-estimation marque le nombre de fidèles attribué au protestantisme qui s’est considérablement développé ces dernières années. Le chiffre de protestants doit être presque doublé pour approcher celui qui est généralement donné par les responsables, à savoir 800 000.

Pour des raisons qui nous échappent, les statistiques concernant le catholicisme, sont bien plus près de la réalité. L’article attribue au catholicisme 4 952 605 catholiques, à peine 120 000 de moins que le chiffre établi par la dernière enquête menée par l’Eglise catholique elle-même et rapporté par le bulletin de la conférence épiscopale en décembre 1999, à savoir 5 080 487 fidèles. Les autres chiffres mentionnés dans l’article concernant le nombre de prêtres, de religieux et religieuses ne diffèrent de celui rapporté par la Conférence épiscopale en décembre 1999 que de quelques centaines d’unités : 2 200 prêtres pour le gouvernement, contre 2 300 pour la conférence épiscopale, 10 647 religieuses pour le gouvernement contre 9 739 pour les évêques. Seul le nombre de séminaristes varie de 1 pour 2 : 548 pour le gouvernement et 1 036 pour les évêques.

On trouve aussi, dans cet article, les déclarations habituelles dans ce genre de littérature, vantant la politique de liberté religieuse pratiquée par la République socialiste du Vietnam. Parmi les heureux résultats de cette politique religieuse du gouvernement, sont cités la fondation de l’Eglise bouddhiste d’Etat, patronnée par le gouvernement, la fondation de la Conférence épiscopale du Vietnam en 1980, de même que la création du Comité d’union des catholiques patriotes en 1983, association membre du Front patriotique. Enfin, selon M. Lê Quang Vinh, les deux événements les plus remarquables qui ont marqué l’histoire récente du catholicisme vietnamien sont les cérémonies qui ont ouvert et clos le bicentenaire de Notre-Dame de La Vang en 1998 et 1999, cérémonies qui ont attiré des centaines de milliers de fidèles.