Eglises d'Asie

L’expérience de captivité a nourri la prédication d’un archevêque vietnamien pour la récollection de carême du pape et des membres de la curie

Publié le 18/03/2010




C’est un archevêque vietnamien, Mgr François-Xavier Nguyên Van Thuân, qui avait été chargé de la prédication, cette année, pour les exercices spirituels du carême du pape et des membres de la curie, qui ont eu lieu, du 12 au 18 mars dernier. La raison de ce choix a été soulignée par le pape dans une lettre de remerciement envoyée à l’archevêque à l’issue de la récollection. Il y révèle qu’il a “souhaité qu’au cours du grand Jubilé une place particulière soit donnée au témoignage des personnes qui ont souffert en raison de leur foi… » . Même si aujourd’hui, en tant que président du Conseil pontifical Justice et paix, Mgr Thuân accomplit des fonctions au service de l’Eglise universelle, son existence passée a été particulièrement impliquée dans l’histoire mouvementée et dramatique de son pays et de son Eglise. D’après les échos de ses conférences qui nous sont parvenus, il semble que le prédicateur se soit largement appuyé sur cette expérience et qu’il y ait puisé une partie des idées spirituelles qu’il a livrées à ses auditeurs et dont le thème principal était l’Espérance.

Sa première conférence (18), en effet, a commencé avec le rappel de son arrestation le jour de l’Assomption, le 15 août 1975, dans le cadre du Palais de l’indépendance à Saigon. Ce fut le début de mon aventure », a-t-il mentionné, une aventure qui devait durer 13 ans, marquée par sa détention mais surtout par l’expérience spirituelle qu’il a partagée avec ses auditeurs au cours de ses conférences. Mgr Nguyên Van Thuân, qui était, en 1975, évêque de Nha Trang, fut nommé, le 24 avril 1975, six jours avant la fin de l’ancien régime du Sud-Vietnam, archevêque coadjuteur de Saigon, nomination refusée aussitôt par les nouvelles autorités qui l’empêchèrent d’exercer ses nouvelles fonctions. Le 16 août 1975, Mgr Nguyên Van Thuân était amené en résidence surveillée dans une petite paroisse de son ancien diocèse, puis incarcéré à Nha Trang dans des conditions particulièrement sévères. Conduit ensuite au Nord-Vietnam, il fut placé dans le camp de rééducation de Vinh Phu, assigné à résidence dans la paroisse de Giang Xa au Nord-Vietnam pendant quatre ans, et enfin de nouveau interné en divers endroits jusqu’au mois de décembre 1988, date à laquelle il fut libéré. Il ne put cependant pas rejoindre son poste de Hô Chi Minh-Ville et, bientôt, lors d’un voyage à Rome, le gouvernement lui fit savoir qu’il était indésirable au Vietnam et qu’il ne pouvait y retourner. C’est en 1994, après la nomination d’un administrateur apostolique à Hô Chi Minh-Ville que le Saint-Siège a renoncé à maintenir Mgr Thuân à son poste de coadjuteur de Hô Chi Minh-Ville et l’a nommé à la vice-présidence de Justice et paix, tout en faisant savoir par la bouche de Mgr Celli que le SaintSiège tenait la mesure prise contre lui comme une injustice manifeste ».

L’expérience de la détention a été, semble-t-il, l’arrière fond des 22 conférences prononcées par l’archevêque pendant ces exercices spirituels. En particulier, c’est elle qui a donné sa coloration particulière au thème de l’Espérance, idée forte de sa prédication comme elle avait été celle d’une précédente publication, rédigée en prison et ensuite traduite en plusieurs langues : Sur le chemin de l’espérance » (19). Cette orientation est issue de cette attitude d’esprit du prisonnier tourné vers sa libération à chaque minute de ses journées en prison. Paradoxalement, l’espérance loin d’inciter le prisonnier à déserter le présent donne à celui-ci une consistance particulière. Dans mes longues nuits de prison, a confié Mgr Thuân, je me suis convaincu que la solution la plus simple et la plus sûre pour la sainteté était de vivre le moment présentMa vie est faite de millions de secondes et de minutes unis ensembleJe vis avec perfection chaque minute et la ligne sera droite»