Eglises d'Asie

Même si elle est souvent dénoncée à juste titre, l’expatriation de millions de Philippins à l’étranger a contribué à l’évangélisation du monde

Publié le 18/03/2010




Pour l’Eglise des Philippines, l’expatriation de quelque 7,2 millions de ressortissants à l’étranger, parmi lesquels trois millions de travailleurs recensés officiellement, revêt une importance considérable, ne serait-ce que pour la séparation qu’elle introduit à l’intérieur des familles du pays. Aussi bien, de nombreux débats et déclarations leur sont consacrés chaque année à l’occasion du dimanche consacré aux migrants, le 12 mars. Cette année, deux thèmes essentiels liés à la présence de ces très nombreux travailleurs philippins dans le monde entier ont été abordés par de hauts responsables de l’Eglise des Philippines en divers endroits du pays. D’une part, l’obligation de s’expatrier pour trouver du travail a été dénoncée comme un phénomène qui ne pouvait constituer en aucun cas une solution au problème du chômage. Par ailleurs, l’incontestable rayonnement évangélique de milliers de Philippins dispersés un peu partout sur les cinq continents a été mis en valeur dans les diverses déclarations.

Il est désastreux pour des hommes et des femmes d’être obligés de se séparer de leurs familles pour pouvoir subvenir à leur entretien s’est exclamé Mgr Gabriel Reyes, évêque de Kalibo et ancien responsable de la Commission épiscopale pour la Pastorale des migrants, à Davao, lors d’un repas organisé après la messe dominicale du 12 mars. L’évêque a reconnu que le droit à s’expatrier pour gagner sa vie restait un droit pour chacun, mais il a ajouté que l’Eglise s’opposait à l’exportation des travailleurs lorsqu’elle était conçue comme un trafic d’êtres humains, une forme moderne de l’esclavage. Prions, a-t-il conclu, pour que vienne le jour personne ne sera obligé de se rendre à l’étranger pour travailler, mais chacun pourra s’y rendre en tant que touriste »

Par ailleurs, divers membres de la hiérarchie philippine ont exalté l’action évangélisatrice des travailleurs philippins un peu partout dans le monde. Au cours d’un séminaire organisé du 10 au 12 mars à Cebu, le cardinal Ricardo Vidal a remarqué que, partout où ils travaillent, les Philippins font naître un certain climat spirituel. Durant l’homélie de la messe du dimanche, le cardinal a ajouté que les pays accueillant des travailleurs philippins étaient revitalisés par eux : Beaucoup d’âmes ont redécouvert Dieu grâce à eux» Le président de la Commission des migrants et de l’aumônerie militaire, Mgr Ramon Arguelles, a rapporté avoir souvent entendu les évêques des pays qui accueillent ces travailleurs lui demander pourquoi, malgré leur pauvreté, ils paraissaient si heureux. L’évêque en a conclu que leur comportement et leur foi sont devenus une source d’inspiration pour les autres.

Aux déclarations des membres de la hiérarchie philippine se sont ajoutés des témoignages des travailleurs philippins, eux-mêmes. Ainsi Christina et Arnold Bulante qui, aujourd’hui, habitent la ville de Quezon au nord de Manille, ont à l’occasion du dimanche des migrants fait le point sur leur séjour au Moyen Orient où ils ont travaillé dans l’optique et dans la couture dans les années 1980. Ils parlent aujourd’hui de leur interminable séparation avec leurs trois filles laissées au pays avec leur grand-mère, les longues soirées à Dubai, où avec d’autres travailleurs accueillis dans leur logement, ils échangeaient et priaient ensemble, une occupation interdite publiquement. Se rappelant toutes les histoires entendues de ses compagnons de travail, Christina s’exclame aujourd’hui : J’ai entendu tant d’histoires il était question de solitude, de rancune à l’égard des employeurs, de disputes entre époux, quelque fois même d’animosité à l’égard de Dieu »

Une conclusion a été donnée à cette journée des migrants par Mgr Arguelles dans le communiqué de presse qu’il a publié à cette occasion : Tout en comprenant la nécessité de l’expatriation des travailleurs à l’étranger comme une mesure temporaire, l’Eglise appelle le gouvernement à favoriser la création d’emplois dans le pays, afin d’empêcher la séparation des familles et les divers fléaux liés à l’émigration ».