Eglises d'Asie

Moluques : des femmes, chrétiennes et musulmanes, s’unissent pour faire cesser la violence

Publié le 18/03/2010




Une association de femmes chrétiennes et musulmanes vient d’être créée dans les îles Moluques. Elle s’est donné pour objectif de restaurer la paix et l’ordre social dans cette région où l’atmosphère est empoisonnée par des affrontements incessants dont les causes ne sont, sans doute, qu’apparemment religieuses. L’objectif dernier que s’est donné le nouveau mouvement féminin est de contribuer par ses activités à la cessation des heurts entre chrétiens et musulmans dans la région des Moluques. Cette guerre civile qui se cache sous les couleurs d’une guerre de religions, oppose en réalité une majorité mélanésienne chrétienne, à des colons musulmans arrivés massivement sur l’archipel par une politique délibérée de l’ancien gouvernement. Elle a déjà plongé dans le désarroi toute une société, lui a coûté des milliers de vies humaines et des millions de dollars de pertes matérielles.

L’idée d’une telle association a germé dans l’esprit d’une religieuse hollandaise du Sacré Cour de Notre Dame, Sour Francesco Moens, responsable de la Fondation sociale de sa Congrégation qui travaille à Amboine, la capitale de la province des Moluques. Lors d’une rencontre avec l’adjoint au gouverneur de la province, Paula Renyaan, une catholique, elle a confié à celleci son intention de rassembler des fem-mes de diverses religions dans un groupe qui militerait pour la paix et l’ordre dans la région. Son interlo-cutrice lui ayant promis son soutien, elle se confia ensuite à l’épouse du gouverneur Latuconsina, une mu-sulmane, qui lui a donné aussitôt son approbation. Grâce à ces deux médiatrices, chrétiennes et musul-manes ont pu, depuis l’an dernier, se rassembler dans un même mouvement pour une action commune.

Depuis sa création, l’association a pris un certain nombre d’initiatives. Elle a en particulier organisé des manifestations pacifiques exigeant des autorités civiles, policières et militaires qu’elles prennent les mesures susceptibles de faire taire la violence. Les militantes du mouvement ont eu aussi de nombreux contacts avec les responsables régionaux et gouvernementaux, avec des juristes, des représentants étrangers, avec l’équipe du Programme de développement des Nations Unies et avec les représentants de Tim Independen Rekonsiliasi Ambon (équipe indépendante pour la réconciliation d’Amboine). Actuellement, le mouvement met en ouvre un projet destiné au soutien et à la réhabilitation des femmes réfugiées. Les militantes essayent surtout d’aider celles-ci à surmonter les traumatismes provoqués par la violence et à les aider à trouver un travail leur permettant de subsister.

Une ouvre similaire a été entreprise par l’association auprès des jeunes, spécialement chez les étudiants. La campagne lancée parmi eux les encourage à se concentrer sur leur travail scolaire et à abandonner l’esprit de violence et de revanche. Trente animateurs ont été recrutés par le Mouvement pour effectuer cette mobilisation. Les résultats sont positifs et l’on peut déjà constater l’efficacité de la campagne en observant le comportement actuel des étudiants. C’est ainsi que l’on a pu entendre un étudiant d’Amboine, Sandy Paais, affirmer que la paix ne serait obtenue qu’une fois que toutes les armes seraient remises aux forces de l’ordre, que les étudiants seraient revenus dans leurs écoles et que les travailleurs se seraient remis au travail On a aussi recueilli une déclaration similaire d’un étudiant musulman, Mohamad Rega Masadi, déplorant que les conflits interreligieux l’aient éloigné de ses camarades de classe chrétiens : Avant les affrontements, je vivais harmonieusement en leur compagnie. Aujourd’hui, après un an de séparation, je souhaite vivement les rencontrer à nouveau ».

Malgré ces premiers résultats, les intentions agressives qui poussent les deux communautés l’une contre l’autre ne diminuent guère d’intensité. Tout récemment, le 6 avril dernier, environ 10 000 musulmans indonésiens ont lancé un appel à la guerre sainte dans l’archipel des Moluques lors d’un rassemblement de masse organisé au stade Senayan de Djakarta placé sous haute surveillance policière. Un dirigeant musulman a même lancé : Nous déploierons nos groupes de combattants pour la guerre sainte en avril aux Moluques ».

Le 29 mars dernier, le directeur des affaires socio-politiques de l’administration de la nouvelle province des Moluques (Nord) a déclaré que plus de 2 000 personnes ont trouvé la mort lors d’affrontements entre chrétiens et musulmans dans cette province depuis sa création par le gouvernement indonésien en septem-bre dernier. Par ailleurs, 1 769 habitants ont été blessés et 2 315 portés disparus depuis le mois d’octobre. Le responsable indonésien a ajouté que les violences, au cours desquelles près de 16 000 maisons et bâtiments avaient été incendiés, avaient contraint 167 565 personnes à fuir et à chercher refuge ailleurs. Par ailleurs, 127 églises et 114 mosquées ont été incendiées ou endommagées au cours de ces troubles.