Eglises d'Asie

Papouasie : les Eglises chrétiennes se mettent au service du dialogue entre la population papoue et les autorités indonésiennes

Publié le 18/03/2010




Juristes et militants des droits de l’homme sont de plus en plus nombreux à reconnaître qu’aujourd’hui, les Eglises chrétiennes, catholiques ou protestantes, sont les seules institutions capables de jouer un rôle de médiation entre le gouvernement indonésien et les militants séparatistes de la province la plus orientale de l’Indonésie, à savoir la Papouasie, l’ancien Irian Jaya. John Rumbiak, un Papou, militant des droits de l’homme, caractérise ainsi l’état d’esprit de ses compatriotes vis-à-vis de l’Eglise : “C’est la seule autorité dans laquelle les Papous ont confiance ». Il explique que la population se défie aujourd’hui de tout ce qui vient du gouvernement et plus encore des politiciens. Le responsable d’un Institut des droits de l’homme et de la défense judiciaire, dont le siège est à Djakarta, est du même avis : “Désormais, souligne-t-il, la population se tourne vers les Eglises et leur demande leur soutien ».

Ce surcroît de confiance accordé aux Eglises chrétiennes s’explique aisément par l’immense déception éprouvée par tous devant l’inaction et l’indifférence de l’administration. Les observateurs tombent d’accord pour reconnaître que la population papoue n’a jamais été écoutée par les pouvoirs publics. John Rumbiak fait remarquer, à ce propos, que les plaintes adressées au gouvernement concernant les violations des droits sont toujours restées sans réponse. Les souffrances et les revendications des Papous se sont exprimées par le biais de manifestations pacifiques ; des drapeaux portant l’étoile du matin ont été brandis pour témoigner des aspirations du peuple à l’indépendance. Mais le gouvernement n’a jamais discuté avec la population. Il a manifesté une totale absence d’intérêt pour la cause défendue par les Papous. Le militant des droits de l’homme déplore qu’aucun dialogue n’ait jamais eu lieu. Au contraire, les actions répressives des forces de l’ordre à l’encontre de la population se sont multipliées. Des incidents violents ont eu lieu à Nabire au mois de mars dernier, à Merauke en février, à Timika en décembre, à Manokwari en septembre et à Sorong au mois de juillet 1999 (6).

Ainsi, on attend aujourd’hui des Eglises qu’elles favorisent un dialogue entre les deux parties. Le révérend Benny Giay, responsable d’un Service de recherche et de développement au sein de l’Eglise évangélique chrétienne de l’Irian Jaya (aujourd’hui la Papouasie), pense que les Eglises n’ont pas encore pleinement compris le sens des revendications des Papous à l’indépendance, mais qu’aujourd’hui, elles devraient se mettre au service du dialogue et permettre aux Papous d’exprimer pacifiquement leurs aspirations. Le pasteur s’inquiète également de la montée des griefs réciproques entre Papous et non-Papous et se dit favorable à un dialogue interethnique pour une meilleure compréhension mutuelle.

Les responsables catholiques de la région sont également conscients du rôle qu’ils sont appelés à jouer en tant que représentants des aspirations de la population. Le 10 février dernier, des délégués des quatre diocèses de l’ancien Irian Jaya, à savoir l’archidiocèse de Merauke et les trois diocèses de Jayapura, Agats et Manokwari-Sorong, s’étaient rassemblés pour débattre du droit à la terre en Papouasie. Selon les participants, il s’agit là d’une question essentielle dont dépend la survie de la population. Or, aujourd’hui, les Papous sont, de plus en plus, dépouillés de leurs terres et de leurs forêts au profit des intérêts des grandes compagnies. Bien souvent, ils sont devenus des espèces de mendiants sur leur propre terre ancestrale, pourtant riche de toutes sortes de ressources.

A l’issue de leurs débats, les délégués des diocèses catholiques de la province papoue ont conclu que l’Eglise devait aider les populations de la région sinon celles-ci perdraient la totalité de leurs terres en l’espace de deux ou trois générations. Des commissions diocésaines seront créées qui aideront les communautés locales à venir à bout des problèmes concernant la propriété des terrains.