Eglises d'Asie

Des chrétiens condamnent les propos racistes du gouverneur de Tôkyô

Publié le 18/03/2010




La Commission Justice et paix de la Conférence des évêques catholiques japonais et quatre organisations chrétiennes ont demandé au gouverneur de Tôkyô de démissionner après sa déclaration très controversée sur les résidents étrangers du Japon. Le 9 avril, le gouverneur de Tôkyô, Ishihara Shintaro, s’adressant aux Forces d’auto-défense japonaises, a en effet déclaré que les “étrangers » et les “sangokujin » étant coupables de nombreux actes criminels, ils seraient capables du pire en cas de catastrophe naturelle. Les Forces d’auto-défense devraient alors intervenir pour épauler la police et maintenir l’ordre. On sait que la Constitution japonaise n’autorise l’existence que de forces d’auto-défense et non d’une armée.

La déclaration commune diffusée par les chrétiens demande à Ishihara de retirer ses paroles, de présenter ses excuses et de démissionner Ce qui a particulièrement heurté l’opinion a été l’utilisation par Ishihara de l’expression sangokujin » (littéralement ‘les gens des trois pays’, c’est à dire ‘d’ailleurs’), une expression devenue obsolète, considérée comme une insulte d’ordre racial, sujet de scandale parmi les Coréens et les Chinois immigrés au Japon et que des journaux comme le Yomiuri s’interdisent d’employer depuis longtemps. Ce qu’a dit Ishihara n’est pas seulement un lapsus. Ses propos ont été tenus délibérément et sont lourds de préjugés et de haine envers les autres nations. Ce n’est rien d’autre qu’une campagne à base de chauvinisme », peut-on lire dans cette déclaration qui ajoute : C’est exactement ce que disaient les politiciens dans la première moitié du siècle pour susciter le militarisme et qui fut à l’origine de la colonisation de Taiwan, de la Corée et de la guerre du Pacifique ».

La Commission Justice et paix de l’Eglise catholique, le Conseil national chrétien, la Ligue chrétienne pour l’accueil des étrangers, le Comité spécial pour les relations nippo-coréennes de l’Eglise unifiée du Christ au Japon et, issu de l’Eglise coréenne chrétienne au Japon, l’Institut de recherche et d’action en faveur des Coréens résidents du Japon, ont signé cette déclaration. Tous sont très sévères à l’égard du gouverneur et de son évocation sans fondement de prétendus crimes commis par les étrangers.

Cette protestation rappelle aussi que c’est ce genre de fausse rumeur qui avait provoqué le massacre de 6 000 Japonais d’origine coréenne au lendemain du terrible tremblement de terre de Tôkyô en 1923. C’est le gouvernement et l’armée, rappelle-t-elle, qui avaient lancé des bruits accusant les Coréens de piller les maisons, de les incendier et d’empoisonner les puits. La lettre de protestation note, entre autres, que les déclarations de Ishihara, fonctionnaire du gouvernement, violaient directement les engagements internationaux signés par le Japon.

Kenzo Kimura, le secrétaire général de la Commission catholique Justice et paix, a déclaré aux journalistes que avant de condamner les étrangers, nous devrions nous interroger sur notre propre méthode quant à la préservation de la paix publique ». Il cite les tentatives de coup d’Etat des militaires dans le passé et souligne le renforcement actuel des organisations d’extrême-droite mais déclare douter que de telles organisations soient aujourd’hui influentes au sein des Forces d’auto-défense.

Le gouverneur Ishihara demeure, quant à lui, inflexible, affirmant que la presse a exploité ses déclarations en les retirant de leur contexte. Ce sont, affirme-t-il, les étrangers en situation irrégulière qu’il visait en parlant des sangokujin ». Il refuse toute intention discriminatoire vis-à-vis des Coréens ou des Chinois, les dictionnaires indiquant, dit-il, que le mot sangokujin » désigne seulement les étrangers ».